La Hongrie, eurosceptique, préside le Conseil de l’Union européenne (UE)

La présidence du Conseil de l’UE est assurée à tour de rôle par chaque Etat membre pour une période de six mois. L’Espagne et la Belgique constituent le trio, avec la Hongrie qui vient de prendre la présidence au second semestre 2024. Dans le contexte actuel de tensions entre l’UE et la Hongrie, la capacité de cette dernière à exercer la fonction suscite quelques inquiétudes.

La Hongrie est un petit pays (91 248 km² , 9,6 millions d’habitants) qui fut grand.

La constitution du bassin carpato-danubien en territoire politique a été tardive. Au Xème siècle, les Magyars, originaires du nord de l’Oural et de Sibérie occidentale, sédentarisés progressivement, fondent la première dynastie hongroise avec le roi Etienne (996-1037).

Après la conquête turque (1526-1699), le XVIIIème siècle est une période d’affrontements et d’association avec l’Autriche de civilisation germanique. En 1867, est créée la double monarchie qui associe l’empire autrichien et le royaume de Hongrie. En 1914, ce dernier couvre 325 000 km², avec 18 millions d’habitants. Mais le 4 juin 1920, le traité de Trianon fait perdre à la Hongrie dorénavant indépendante les deux-tiers du territoire.

Après la Seconde Guerre mondiale, la période soviétique est marquée par le soulèvement de Budapest en 1956.

Très homogène sur le plan ethnique, la Hongrie est un pays de plaines. L’horizontalité des paysages donne le faux sentiment d’immensité d’un territoire continental : aucune frontière ne s’appuie sur les hauteurs. La capitale, Budapest (1,8 million d’habitants), domine l’ensemble du pays : toute la Hongrie sert d’arrière-pays à sa capitale.

Après la proclamation de l’indépendance en 1989, lors de l’éclatement de l’URSS, la Hongrie débute les négociations d’adhésion à l’UE le 31 mars 1998 et fait son entrée dans l’OTAN le 12 mars 1999.

Membre de l’UE depuis le 1er mai 2004, la Hongrie fait partie de l’espace Schengen depuis décembre 2007 mais n’est pas dans la zone euro.

Le pays appartient au groupe de Visegrad (avec la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie) dont le but est la défense des intérêts de ses membres dans l’UE.

Vingt-et-un députés représentent la Hongrie au Parlement européen. Oliver Varhelyi est le Commissaire hongrois à la politique de voisinage et à l’élargissement.

Depuis 2010, les relations avec l’UE sont difficiles.

Dans cette République parlementaire (Parlement monocaméral), le Président Tamas Sulyok, élu par le Parlement le 26 février 2024, en fonction depuis le 5 mars, a un rôle essentiellement honorifique ; le Parlement hongrois, composé de 199 députés élus pour quatre ans, est la plus haute autorité du pays.

En 2010, Viktor Orban, président du parti conservateur (Fidesz) est de nouveau Premier ministre, après un premier passage à cette fonction de 1998 à 2002 ; réélu en 2014, puis en 2018, il est reconduit pour un quatrième mandat consécutif en 2022.

Depuis son retour au pouvoir, les réformes institutionnelles de V. Orban ont suscité les inquiétudes de l’UE et l’ouverture de plusieurs procédures d’infraction devant la Cour européenne de justice : lois sur les médias, l’Eglise, l’autorité de protection des données, la justice, les ONG, les droits LGBT… ; dernière en date, la « loi de défense de la souveraineté » à l’approche des élections européennes de cette année.

Orban reproche à l’UE une politique « trop libérale » en matière d’immigration ; un mur de 175 km est édifié entre la Hongrie et la Serbie. Depuis 2017, les demandeurs d’asile sont placés en détention systématique, puis en 2023 doivent se rendre en Serbie ou en Ukraine pour y déclarer l’intention de bénéficier d’une protection internationale en Hongrie.

Les financements européens sont utilisés comme moyen de pression : en décembre 2022, les Etats membres de l’UE trouvent un compromis avec la Hongrie sur la suspension des fonds européens dont le pays a un besoin crucial (ils représentent 10 % du PIB du pays) pour non-respect de l’Etat de droit. En contrepartie, la Hongrie lève son veto sur le plan d’aide financière de l’UE en faveur de l’Ukraine.

La politique de V. Orban est qualifiée « d’illibérale », concept inventé par le publiciste américain Farid Zakaria. Dans un régime illibéral, le multipartisme et les élections sont libres ; mais les fondements du libéralisme (séparation des pouvoirs, contre-pouvoirs, Etat de droit) sont affaiblis. Les fonds européens servent à financer le népotisme, le clientélisme et la corruption de V. Orban et de ses amis.

La présidence hongroise

Le Parlement européen a été renouvelé avec les élections du 9 juin 2024. En Hongrie, le Fidesz de V. Orban, en tête de ce scrutin, fait pourtant moins bien qu’en 2018 (44,6 % des voix contre 53 % il y a cinq ans) ; il perd un siège et envoie onze députés à Strasbourg.

Le parti conservateur (Tisza : respect et liberté) de Peter Magyar recueille 29,7 % des voix et sept sièges devant une coalition démocratique (DK – MSZP – ZOLDEK : 8,1 % des voix, deux sièges) et Le Mouvement Notre Patrie (Mi Hazah), homophobe, antitzigane, antisémite : 6,76 % des voix, un député.

Succédant à l’Espagne (deuxième semestre 2023) et la Belgique (premier semestre 2024), la Hongrie a débuté la Présidence du Conseil de l’UE le 1er juillet 2024. Le programme de ce trio a pour objectif général d’accroître la compétitivité mondiale de l’UE.

Le 18 juin 2024 ont été présentées sept priorités retenues par la Hongrie :

  • adopter un nouveau pacte européen sur la compétitivité ;
  • renforcer la politique européenne de défense ;
  • mener une politique d’élargissement de l’UE fondée sur le mérite et favorable aux Balkans occidentaux ;
  • enrayer l’immigration illégale et mener une coopération plus efficace avec les pays tiers concernés ;
  • façonner l’avenir de la politique de cohésion pour réduire les disparités régionales ;
  • axer la politique agricole commune sur les agriculteurs ;
  • relever les défis démographiques.

Le slogan « Make Europe great again », inspiré de celui de l’ancien Président américain D. Trump, veut faire référence à une présidence active, montrant que « l’Europe est capable de devenir un acteur mondial dans un monde en pleine transformation » (Janos Boka, ministre hongrois des Affaires étrangères).