Les labels touristiques européens… Ça marche !

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L’offre touristique européenne est de toute évidence particulièrement riche et variée : tourisme balnéaire, sportif, culturel… Et c’est à ce dernier, peut-être moins popularisé que d’autres et relevant, comme eux, de la responsabilité des Etats, que les institutions et organisations européennes se sont intéressées depuis les années 80, conscientes que la mise en valeur d’un patrimoine culturel commun est un moyen efficace de renforcer l’identité européenne. C’est le rôle, entre autres, du programme Europe créative et c’est dans cette perspective que l’année 2018 avait été déclarée Année européenne du patrimoine culturel pour « encourager un plus grand nombre de personnes à découvrir et à apprécier le patrimoine culturel de l’Europe, ainsi qu’à renforcer un sentiment d’appartenance à un espace européen commun ». Selon l’Union européenne « le patrimoine culturel enrichit la vie des citoyens, constitue un moteur pour les secteurs de la culture et de la création, et contribue à la création et au développement du capital social de l’Europe ». Dans cette optique, l’idée s’est rapidement imposée de faire du tourisme un vecteur de la connaissance du patrimoine européen en accordant labels et distinctions à des sites ou ensembles de sites qui sont emblématiques de celui-ci.

Une des initiatives phares de l’Union Européenne en la matière est à l’évidence l’instauration du label « Capitales européennes de la Culture ».

L’idée en a jailli en 1985 de deux cerveaux bien connus dans le monde de la culture européenne : ceux de la comédienne Mélina Mercouri, à l’époque ministre de la culture grecque, et de son homologue français Jack Lang afin de « mettre en valeur la diversité de la richesse culturelle en Europe et les liens qui nous unissent en tant qu’Européens », précise un des textes qui ont institué ce programme. On parlait alors de « Villes européennes de la Culture », elles deviendront ensuite « Capitales ». Ce sont, depuis 1985, plus de cinquante villes qui ont été désignées : au début une ville par an – une exception avait été faite en 2000, changement de millénaire oblige, année au cours de laquelle le titre avait été décerné à neuf villes parmi lesquelles Avignon, dont le Palais des Papes et le célèbre festival de théâtre ne sont pas les moindres atouts.

Aujourd’hui ce sont chaque année deux ou trois villes européennes (la 3ème appartenant à un pays européen non membre de l’UE) qui sont désignées et ce sont de plus en plus des villes moyennes ou de province comme le sont les « capitales » 2024 : Tartu, ville estonienne qualifiée de « ville des jeunes, des artistes et des poètes », Bad Ischl, au pied des montagnes autrichiennes du  Salzkammergut ou encore Bodø en Norvège, au nord du cercle polaire. Pour en visiter une très proche il nous faudra patienter encore quatre ans pour nous rendre à Bourges, la capitale du Berry ayant été récemment désignée comme Capitale Européenne de la Culture 2028, et y admirer la cathédrale, le Palais Jacques Cœur et assister aux différentes manifestations qui y seront organisées.

Les villes candidates doivent, en effet, présenter en amont des projets qui incluent un grand nombre d’animations : expositions, concerts, spectacles, etc., et parfois des infrastructures sont créées à cet effet : cela a été le cas du fameux Mucem marseillais en 2013. Pour ces villes le titre de « Capitale » est un formidable tremplin pour l’attractivité culturelle, touristique et économique du territoire.

Plus récemment, et ce depuis 2013, un Label du Patrimoine européen est attribué afin « de promouvoir un sentiment d’appartenance et d’identité parmi les Européens ». Il met en valeur des sites emblématiques de l’histoire et de la culture européennes. Ainsi en 2023 ont été labellisés le Monastère San Jerónimo de Yuste en Espagne, le Théâtre royal de Toone en Belgique ou l’Athénée roumain de Bucarest…

Autre label européen, peut-être moins connu, le Réseau des maisons et fondations politiques des grands européens créé en 2017 par le Parlement européen. Son but est de favoriser la fréquentation des lieux familiers de ceux que l’on appelle « les Pères de l’Europe », une façon concrète de faire vivre la mémoire de ces grands acteurs de l’histoire européenne et de transmettre leurs valeurs de paix et de solidarité. On peut ainsi visiter en Lorraine la maison de Robert Schuman à Scy-Chazelles ou celle de Jean Monnet à Bazoches-sur-Guyonne dans les Yvelines ; en Allemagne, à Bad-Honnef, celle de Conrad Adenauer et, au Royaume-Uni, celle de Winston Churchill.

L’autre grand acteur de cette politique de reconnaissance et de mise en valeur du patrimoine culturel européen c’est le Conseil de l’Europe qui a pour mission de promouvoir les droits de l’homme et la démocratie. Son action en faveur de la culture européenne est aussi majeure et l’un de ses programmes, soutenu également par l’UE, s’intitule Les Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe. On en compte 47 à ce jour, parcours ou ensembles de sites culturels importants : un vrai catalogue touristique qui invite les Européens (mais pas seulement) à « un voyage dans le temps et l’espace qui démontre que le patrimoine de différents pays d’Europe contribue au patrimoine culturel commun. »

En ce qui concerne les « parcours », le premier à avoir été labellisé, en 1987, est le réseau des Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Un autre itinéraire de pèlerinage, la Voie Francigène (Via Francigena), part d’Angleterre, traverse la France et la Suisse pour aller en Italie.

Ce sont aussi les Voies européennes de Mozart, celles qu’a empruntées jadis le petit prodige, depuis son Autriche natale jusqu’à la France. On peut aussi, si on le souhaite, suivre, même sans être accompagné d’un âne, les chemins qu’avait parcourus, à pied en 1878, l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson à travers les Cévennes : un itinéraire de randonnées très prisé aujourd’hui.

Mais ce sont aussi des « ensembles » de sites répartis sur tout le territoire européen autour d’un thème commun : l’un d’eux traverse notre région, c’est la Route européenne de la Céramique : on y trouve, outre Limoges, la ville de Stoke-on-Trent au Royaume-Uni, Delft aux Pays-Bas, Aveiro au Portugal, Castellón en Espagne, Faenza en Italie, le musée Porzellanikon de Selb en Allemagne, et plusieurs autres…

Si l’on s’intéresse à l’art on peut emprunter les Chemins de l’art rupestre préhistorique qui passent, bien entendu, par Lascaux, ou bien les Routes des impressionnistes, les Promenades autour du patrimoine de l’architecte Le Corbusier… D’autres sont plus originaux, comme la Route européenne des cimetières, ou plus austères comme celui consacré aux Architectures des régimes totalitaires du XXème  siècle.

Depuis plus de quarante ans ces sites distingués par un label européen ont attiré un nombre considérable de touristes, européens ou non, qui ont ainsi, loin des sentiers battus du tourisme de masse, pu découvrir de façon vivante des richesses parfois ignorées du patrimoine européen. Jean Monnet aurait dit, en évoquant son rôle dans la construction européenne : « Si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». Authentique ou pas, cette citation confirme bien toutefois l’évidence que l’identité européenne peut se forger avantageusement dans la pratique d’échanges culturels. Le tourisme en est un des vecteurs et la reconnaissance par les institutions de nombreux lieux de son patrimoine, ça marche ! car elle peut apporter à la découverte de ce dernier un efficace « coup de pouce » !