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Dans l’Union, l’organisation et la fourniture de soins de santé relèvent de la responsabilité des Etats membres. Néanmoins, l’Union s’intéresse et intervient depuis longtemps en matière de santé.
A l’origine, la santé est abordée sous deux dimensions : le travail en termes d’hygiène, de sécurité et d’accident du travail et le marché intérieur en tant qu’espace de libre circulation des travailleurs et des marchandises. S’agissant des travailleurs communautaires, un règlement de 1971 précise les modalités pour les soins dispensés à l’étranger. Pour les professionnels de santé, dans les années 1970, plusieurs directives portent sur la reconnaissance mutuelle des diplômes. S’agissant des marchandises, débute, dans les années 1970, l’harmonisation des procédures de mise sur le marché des médicaments.
Un tournant se produit dans les années 1980-1990 avec l’apparition de nouveaux défis sanitaires : maladies (SIDA, ESB – encéphalopathie spongiforme bovine-), questions de santé publique (sang contaminé). Face à ces risques, l’échelon communautaire paraissant le plus adéquat, l’intervention de l’Union s’accroît sous deux formes :
- une harmonisation européenne pour définir les standards de qualité pour les organes et les substances d’origine humaine (sang) et pour élaborer une législation phytosanitaire et vétérinaire ;
- des initiatives européennes en matière de recherche appliquée à la santé : des programmes : en 1987 « Europe contre le cancer », en 1991 « Europe contre le SIDA » et, en matière de médicament, en 1993, la création de l’ « Agence Européenne d’Evaluation du Médicament » – EMEA-)[1].
Dans les années 1990, l’instauration d’une action de santé publique européenne s’effectue par 2 voies :
- première voie : la création d’un cadre juridique européen de la santé. De Maastricht à Lisbonne, les traités stipulent que l’UE a pour objectif « un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques communautaires ». L’action de l’Union porte sur l’amélioration de la santé publique et la prévention des maladies humaines et des causes de danger pour la santé physique et mentale. Cette action comprend également la lutte contre les grands fléaux, en favorisant la recherche sur leurs causes, leur transmission et leur prévention par l’information et l’éducation en matière de santé. S’y ajoutent la surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé, l’alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci ».
- deuxième voie : la création d’un espace européen du soin de santé. C’est le résultat de plusieurs arrêts prononcés par Cour de justice de l’Union européenne qui, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, permet sous certaines conditions la prise en charge de soins exécutés dans un autre Etat membre que celui du ressortissant jusqu’à la vente sur internet de médicaments délivrés sans ordonnance. Avec la reconnaissance automatique des formations harmonisées de praticiens et la carte européenne d’assurance maladie, la santé est bien une affaire européenne.
Compétence européenne, la santé publique l’est, mais pour appuyer et compléter l’action des Etats : « l’Union encourage la coopération entre les Etats membres, si nécessaire elle appuie leur action » (art 168).
Pour cela, l’Union élabore des programmes de santé publique pluriannuels complets et cohérents déclinés en plans annuels qui définissent des domaines prioritaires avec financement à la clé. Après appels à propositions, la Commission aidée par l’Agence exécutive pour la santé et les consommateurs, sélectionne les projets.
Ainsi, le programme, aujourd’hui clos, de 2014-2020, « La santé en, faveur de la croissance », 3ème programme santé de l’Union, s’était inscrit dans la stratégie Europe 2020 avec 4 grands objectifs :
- « Prévenir les maladies et favoriser des modes de vie sains » contre le tabagisme, les abus de drogue et d’alcool, les régimes alimentaires dangereux et le mode de vie sédentaire ;
- « Protéger les citoyens des menaces transfrontières graves sur la santé» ;
- « Contribuer à des systèmes de santé innovants, efficaces et viables » ;
- « Faciliter l’accès des citoyens à des soins de santé sûrs et de qualité« .
Des actions variées ont porté sur 23 domaines spécifiques : par exemple l’échange de bonnes pratiques en matière de lutte contre les facteurs de risques (tabac, alcool , …) ou l’aide à l’amélioration des capacités d’expertise médicale. Ces actions ont été financées à hauteur de 450 millions d’euros augmentés des contributions des pays partenaires de l’AELE (Association européenne de libre-échange).
En charge de la santé et de la sécurité alimentaire, un(e) commissaire et la DG SANTE élaborent la politique globale de l’UE et suivent la mise en œuvre de la législation. Ils sont aidés par des agences dont le rôle est essentiel :
- Agence européenne des médicaments (AEM), siège Amsterdam ;
- Agence exécutive pour les consommateurs, la santé, l’agriculture et l’alimentation (CHAFEA), Luxembourg ;
- Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM), Stockholm ;
- Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), Lisbonne ;
- Agence européenne des produits chimiques (ECHA), Helsinki ;
- Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), Parme ;
- Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA), Bilbao.
Avec la crise sanitaire de la Covid-19, la Commission, avant même l’extinction de la pandémie, a annoncé, en novembre 2020, vouloir construire une Europe de la santé : c’est le programme « L’UE pour la santé » (EU4Health) sur la période 2021-2027 construit sur 4 grands objectifs :
- améliorer et promouvoir la santé par la prévention des maladies, en particulier le cancer, et par des coopérations internationales ;
- protéger les personnes par la prévention des menaces transfrontières sur la santé, par la constitution de stocks nationaux de produits essentiels en cas de crise, par l’établissement d’une réserve de personnels médicaux, de soignants et d’auxiliaires ;
- faciliter l’accès aux médicaments, dispositifs médicaux et produits nécessaires en cas de crise en veillant à ce que ces produits soient accessibles, disponibles et abordables ;
- renforcer les systèmes de santé en développant les données relatives à la santé, les outils et services numériques et la transformation numérique des soins de santé, en améliorant l’accès aux soins de santé et en facilitant l’action concertée des systèmes de santé nationaux.
Doté d’un financement décuplé (5,3 milliards d’euros), le programme « L’UE pour la santé » bénéficie du renforcement des agences sanitaires européennes existantes (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et Agence européenne du médicament) et de la création d’un nouvel instrument d’intervention (HERA, Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire).
Le programme « L’UE pour la santé » témoigne d’une ambition européenne forte. Mais pour réaliser l’Europe de la santé, encore faudra-t-il que les Etats acceptent des avancées dans le post-Covid comme ils l’ont fait durant la crise.
[1] Son action porte avant tout sur les autorisations de mise sur le marché et sur certaines réglementations techniques, en particulier des dispositifs médicaux.