L’UE s’est construite par le droit et repose sur le droit. Les Etats membres et les institutions de l’UE se doivent de respecter les règles qu’ils se sont données. En cas de litige ou de violation de ces règles, c’est, bien entendu, une autorité judiciaire qui tranche. Cette autorité a un nom : la Cour de justice de l’Union européenne, en 5ème position sur la liste des institutions officielles européennes.
Créée en 1952 dans le cadre de la CECA, devenue Cour de justice des communautés européennes en 1957, elle prend le nom de Cour de justice de l’Union européenne en 2007 avec le traité de Lisbonne. Son siège est à Luxembourg. Elle ne doit pas être confondue avec la Cour européenne des droits de l’homme, juridiction internationale qui dépend du Conseil de l’Europe.
La mission de la Cour de justice de l’Union européenne est double.
L’article 19 du traité l’Union européenne stipule : la Cour « assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités », l’objectif étant que la législation de l’UE soit appliquée de façon uniforme dans tous les pays de l’UE.
- La Cour statue sur l’interprétation des traités et sur la validité des actes pris par les institutions et organes de l’Union. Les juridictions nationales doivent veiller à la bonne application de la législation de l’UE, mais il arrive qu’elles l’interprètent différemment. Si une juridiction a un doute à propos de l’interprétation ou sur la validité d’un acte législatif européen, elle peut demander des éclaircissements à la Cour par un renvoi préjudiciel auquel la Cour répond par une décision préjudicielle. Les arrêts de la Cour constituent la jurisprudence de l’UE avec des effets très concrets : ainsi en janvier 2025, à la demande d’une juridiction croate, la Cour a arrêté que le montant de la bourse Erasmus + versé à un étudiant ne doit pas être pris en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu du parent l’ayant à sa charge car cela représente une restriction au droit de libre circulation et de séjour.
- Par ailleurs, la CJUE statue sur les différends juridiques entre Etats membres et institutions de l’UE et, dans certains cas, particuliers, entreprises et institutions européennes. Suite aux recours introduits auprès d’elle, elle rend des arrêts. Deux grandes sortes de recours :
- contre les Etats membres, le recours en manquement. Lorsqu’un État membre ne respecte pas la législation de l’UE, la Commission européenne ou un autre Etat membre peut engager la procédure. Si le manquement est constaté, le pays en cause doit immédiatement y mettre fin, faute de quoi il risque une sanction (amende).
- contre les institutions européennes, trois sortes de recours :
- le recours en annulation : si un Etat membre, mais aussi une institution européenne, estiment qu’une décision prise par une autre institution européenne enfreint les traités de l’UE ou viole des droits fondamentaux, ils peuvent demander à la Cour de l’annuler. Un particulier peut également demander à la Cour d’annuler un acte s’il s’estime lésé par l’application de cet acte ;
- le recours en carence : dans certaines circonstances, le Parlement, le Conseil et la Commission doivent prendre certaines décisions. S’ils ne le font pas, les États membres, les autres institutions européennes ou (dans certains cas) des particuliers ou des entreprises peuvent saisir la Cour.
- le recours en indemnité : l’Union doit réparer les dommages causés à une personne, une entreprise ou même un Etat membre dont les intérêts ont été lésés par l’action ou l’inaction de ses institutions.
La Cour de justice de l’UE, comprend deux juridictions :
– la Cour de justice traite les renvois préjudiciels ainsi que certains recours en annulation et pourvois. Elle est constituée de 27 juges (1 par Etat membre) et 11 avocats généraux désignés d’un commun accord par les États membres pour six ans renouvelables. Elle est aujourd’hui présidée par le belge Koen Lenaerts ;
– depuis 1989, pour faire face à l’accroissement de son activité, la Cour est assistée d’un organe de première instance, le Tribunal. Il est composé de 54 juges nommés sur le mode des juges de la Cour. Ils élisent parmi eux un président pour un mandat renouvelable de trois ans : aujourd’hui il s’agit du Néerlandais, Marc van der Woude. Les juges du Tribunal siègent en composition de chambre plus ou moins large en fonction de l’importance de l’affaire.
Le tribunal statue en premier ressort sur les recours en annulation introduits par des particuliers, des entreprises et, dans certains cas, les États membres. Les affaires traitées concernent principalement le droit de la concurrence, les aides d’État, le commerce, l’agriculture et les marques commerciales et, de plus en plus, la protection des travailleurs et l’environnement.
La procédure est quasiment identique dans les 2 juridictions :
– pour chaque affaire, sont désignés un juge rapporteur et un avocat général ;
– la procédure se déroule en deux étapes : étape écrite avec exposés des parties et rapport du juge assigné ; étape orale en audience publique avec avocat général et avocats.
– À l’issue de cette procédure, les juges délibèrent et rendent leur arrêt. Les décisions sont prises à la majorité et prononcées lors d’une audience publique. Elles sont disponibles le jour même dans toutes les langues officielles de l’Union. La durée moyenne de procédure est de 14 mois.
En 2023, la Cour de justice et le Tribunal ont été saisis de 2 092 affaires (821, devant la Cour et 1 271 devant le Tribunal) ; ils en ont réglé 1 687.
Depuis 1952 près de 46 000 arrêts et ordonnances ont été rendus.
Par son rôle jurisprudentiel, la CJUE est un acteur essentiel de l’intégration européenne. En tant que gardienne vigilante des traités, elle rappelle à l’ordre des Etats comme la Hongrie sur le respect de l’Etat de droit et des droits fondamentaux. Cela lui vaut les critiques virulentes des souverainistes.