L’Europe spatiale n’existe pas ! Vraiment ?

© Centre national ‘études spatiales (CNES), 2023 EC – Audiovisual Service

C’est aller vite en besogne. Qu’on se souvienne !

Le 23 avril 2021, le Français, Thomas Pesquet, accompagné de deux Américains de la NASA et d’un Japonais de l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise, a rejoint la station spatiale internationale (ISS). Durant près de six mois, il a été la présence européenne fortement médiatisée dans l’espace.

Succédant à Ariane 5, le 9 juillet 2024 a eu  lieu le lancement inaugural d’Ariane 6 à partir de la base de Kourou. Le premier vol commercial s’est effectué avec succès le 6 mars 2025.

Au vrai, la participation européenne à la compétition spatiale est ancienne.

– Dans les années 1950, en Europe de l’Ouest quelques Etats européens (la France, l’Italie et le Royaume-Uni), investissent dans le développement du secteur spatial. Ainsi, la France lance en 1965,  son premier satellite A1 surnommé Astérix. Dans le même temps, démarre une coopération intergouvernementale qui débouche au début des années 1960 sur la création du Conseil européen de recherches spatiales pour les satellites scientifiques (ESRO)  et du Centre européen pour la construction de lanceurs d’engins spatiaux (ELDO). En 1975, les résultats peu probants avec notamment l’échec du lanceur Europa, convainquent 11 pays européens de fonder l’Agence spatiale européenne (ESA) qui prend notamment en charge le développement des lanceurs Ariane. Le vol inaugural d’Ariane, Ariane 1, a lieu en décembre 1979.

– Les liens entre la Communauté européenne et l’Agence spatiale européenne (ESA) se tissent dans les années 1990 pour déboucher sur la définition d’une stratégie spatiale commune en 2000,  d’une politique spatiale commune en 2003 et, un an plus tard, sur un accord prévoyant que des programmes spatiaux financés par l’UE seraient développés en collaboration avec l’ESA.

Le spatial européen repose sur 3 acteurs :

– les Etats qui, lorsqu’ils en ont les moyens ou la volonté politique, élaborent des programmes nationaux notamment militaires et, pour les réaliser, s’appuient sur leurs universités et centres de recherche et sollicitent leurs capacités industrielles. Mais, les Etats sont aussi force de proposition et, en général, sont à l’origine des initiatives spatiales européennes (qu’on songe à la France avec le CNES, centre national d’études spatiales et le programme Ariane).

– 2ème acteur : l’Agence spatiale européenne (ESA) est intergouvernementale et   indépendante. Elle compte aujourd’hui 23 membres parmi lesquels 3 ne sont pas membres de l’UE (la Norvège, la Suisse et le Royaume-Uni). Bien que n’en faisant pas partie, les 8 autres Etats membres et le Canada sont associés à certains programmes. La mission de l’ESA est « d’assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre Etats européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiale et de leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques et pour des systèmes spatiaux opérationnels d’applications« . Elle est donc le maître d’ouvrage des programmes décidés par ses Etats membres, ainsi que des composantes spatiales des programmes de l’UE, par convention signée avec cette dernière.

– 3ème acteur : l’Union européenne  ne devient un acteur à part entière qu’en 2009 avec le traité de Lisbonne qui stipule dans son article 189 : « afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre de ses politiques, l’Union élabore une politique spatiale européenne. A cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l’exploration et l’utilisation de l’Espace ».

Thomas Pesquet, astronaute de l’Agence spatiale européenne, au cours de son séjour a ainsi réalisé de nombreuses expériences scientifiques en apesanteur pour le compte de la France et de l’ESA dont certaines commanditées par l’Union européenne.

Les réalisations spatiales de l’UE ne se réduisent pas à ces expériences scientifiques.

De 2014 à 2020, l’Union a développé 3 programmes phares qu’elle a financés à hauteur de 12 milliards € :

 – EGNOS  (Service Complémentaire Européen de Navigation par Satellites Géostationnaires) ouvert au service en 2009, repose sur plus de 40 stations au sol et trois satellites géostationnaires. Il  est principalement utilisé pour des applications délicates telles que le guidage des avions ou des bateaux à travers des couloirs étroits.

– Galileo : en 2011 ont été lancés les 2 premiers satellites d’un système européen de positionnement et de navigation par satellite qui comportera une trentaine de satellites en constellation quand sa capacité sera complète en 2021. Opérationnel depuis 2016, plus précis que son concurrent américain, le GPS, Galileo a passé en 2024 le cap des 4 milliards d’utilisateurs.

– Copernicus : créé en 2011 sous un autre nom Copernicus est le système d’observation de la Terre le plus avancé au monde. Il est basé sur des satellites d’observation et des capteurs in situ (stations au sol, capteurs aéroportés et maritimes) ;

Aujourd’hui, la concurrence spatiale est de plus en plus vive entre Etats, notamment avec la Chine et l’Inde et la participation du secteur privé s’affirme : ainsi pour gagner l’ISS (la Station spatiale internationale), Th. Pesquet a pris place dans la capsule Crew Dragon de Space X propulsée par la fusée Falcon 9 de Space X, Space X étant une entreprise américaine créée par Elon Musk, patron de Tesla. Par ailleurs, l’association données spatiales et technologies numériques ouvre de nombreuses perspectives commerciales.

La réponse de l’UE pour la période 2021-2027, est double :

– d’une part, proposé en 2018, un programme spatial intégré qui regroupe toutes les activités de l’UE, avec définition d’un cadre cohérent pour les investissements. Dans ce but, la Commission a souhaité la création de l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA) entérinée fin avril 2021 avec Prague pour siège.

– d’autre part, un budget en augmentation : 14,8 milliards d’euros, ventilée en 9 milliards € pour Galileo et EGNOS ; 5,4 pour Copernicus  et 442 millions pour les programmes SSA de surveillance des objets naturels et artificiels dans l’espace et Govsatcom de sécurisation des communications intergouvernementales par satellite.

A l’évidence, on assiste à une accélération de la politique spatiale européenne. N’en déplaise aux grincheux, l’Union européenne est bien une puissance spatiale.