Friedrich Merz : un chancelier « très européen » ?

© Par Sandro Halank, Wikimedia Commons

Renouvelés le dimanche 23 février 2025, les 630 députés du Bundestag ont élu, mardi 6 mai, le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz. Dans une interview donnée à la chaîne de télévision Ntv, Friedrich Merz promet d’être « un chancelier très européen ». Le journal der Spiegel le présente aussi comme « l’homme le plus important d’Europe ». Le nouveau chancelier propose un changement quant à la place de l’Europe dans l’architecture de la sécurité mondiale.

Agé de 69 ans, Friedrich Merz a été député européen de 1989 à 1994. Il remplace en 2000 Wolfang Schäuble à la présidence du groupe CDU/CSU à la chambre basse, avant d’être écarté par Angela Merkel ; il reprend la tête du groupe en 2021.

Il est élu chancelier au second tour (325 voix sur 630 députés), après un échec inédit et  historique au premier tour (310 voix sur 621 exprimées). Cet échec traduit une position politique fragile et une crise de confiance. Peu populaire dans l’opinion, contesté dans son propre camp pour avoir assoupli les règles nationales trop strictes en matière de déficit public, il a dû compter, au second tour, sur les voix des Verts et de Die Linke.

Friedrich Merz est  perçu comme un « chancelier très européen ». Bruxelles compte sur lui pour donner un coup de fouet à l’UE et place de grands espoirs dans le gouvernement allemand. Beaucoup de dirigeants européens espèrent que le nouveau chancelier va s’investir davantage que son prédécesseur au niveau communautaire et remettre l’Allemagne au centre du jeu européen.

Début mai 2025, le nouveau chancelier a rencontré les responsables des principales institutions européennes à Bruxelles où il bénéficie d’un puissant réseau allemand : Manfred Weber préside le PPE (Parti populaire européen), Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, est issue comme lui des rangs de l’Union chrétienne démocrate (CDU). Son conseiller Europe, Michaël Clauss, était depuis 2018 ambassadeur auprès de l’Union européenne (UE).

L’objectif principal de Friedrich Merz sera « de renforcer l’Europe le plus rapidement possible, de manière que nous obtenions peu à peu une véritable indépendance vis-à-vis des Etats-Unis » (23/02/2025). Cet abandon de l’atlantisme de trois générations de dirigeants allemands qui refusaient l’idée d’une indépendance militaire européenne par rapport aux Etats-Unis est la conséquence des récentes décisions du président américain et des attaques contre l’UE  du vice-président J.D. Vance. Dans son premier discours au Bundestag, le chancelier a mis l’accent sur le réarmement de l’Allemagne, pour faire de l’armée allemande « la plus puissante d’Europe sur le plan conventionnel ».

Malgré une armée longtemps sous-financée, l’Allemagne est aujourd’hui une des premières puissances militaires de l’UE. En mai 2022, le chancelier précédent, Olaf Scholz, avait annoncé la création d’un fonds spécial de 100 Mds d’euros, faisant de l’accélération du réarmement allemand une priorité, et adhérant ainsi au programme « Re Arm Europe » présenté le 11 mars 2025 au Parlement européen par la Présidente de la Commission.

Ce changement de politique nécessite une réforme constitutionnelle pour permettre à l’Allemagne d’emprunter afin de financer l’accroissement de ses dépenses militaires : avec les nouvelles règles, les dépenses de défense supérieures à 1 % du PIB seront exemptées du frein à l’endettement (la limite de déficit autorisé par la constitution allemande). Le dossier essentiel pour Friedrich Merz est donc celui de la défense, face à un allié américain de plus en plus incertain.

Les nouveaux accords de libre-échange (avec le Mercosur), l’équilibre entre ambitions climatiques et protection de l’industrie européenne sont aussi à l’agenda du nouveau chancelier.

Cependant d’autres priorités s’imposent. En politique intérieure, la relance de l’économie, après deux ans de récession (- 0,3 % du PIB en 2023, – 0,2 % en 2024), est une des principales préoccupations allemandes. La question de l’immigration, à la fois européenne et nationale, occupe aussi une place importante. Début mai, en visite à Varsovie, Friedrich Merz appelle à durcir la politique migratoire de l’UE. Les contrôles aux frontières allemandes sont maintenus pour diminuer l’immigration illégale. La pression publique exercée par la montée de l’extrême droite pousse le nouveau chancelier à faire de la lutte contre l’immigration un axe essentiel de sa politique.

Alors, Merz chancelier « très européen » ? Les avis sont partagés. Merz est perçu comme plus francophile et pro-européen par le gouvernement français ; sa visite à Paris, le 26 février 2025, annonce-t-elle un nouvel élan dans les relations franco-allemandes et pour l’Union européenne ? « Vous allez voir. Pendant quelques semaines, on va entendre que l’Allemagne est de retour en Europe. Mais ça ne va pas durer ». (Un diplomate européen, cité par le journal Le Monde, 9/05/2025). A suivre.