
© EC – Audiovisual Service, European Union, Christophe Licoppe, 2022
Par sa position géographique stratégique, sa croissance économique supérieure à la moyenne de l’UE (Union européenne), son rôle dans la défense européenne face à la Russie, la Pologne devient un acteur incontournable de l’UE : la Pologne, un nouveau Grand d’Europe ?
La Pologne est une puissance nouvelle ; premier pays du bloc de l’Est à se détacher de Moscou en 1989, la Pologne demande l’adhésion à l’UE en 1994, adhésion effective le 1er mai 2004.
C’est le sixième pays européen par sa superficie (311 928 km²), le cinquième le plus peuplé (36,6 millions d’habitants en 2024) et le sixième acteur économique de l’UE, en croissance continue. Après une première phase difficile (recul du PIB, forte inflation, dévaluation de la monnaie, hausse du chômage), l’économie polonaise se développe et se modernise ; la croissance revient dès 1993 et le niveau de vie s’améliore. La croissance économique est au-dessus de la moyenne européenne depuis vingt ans. Le rapport du PIB/h au PIB moyen européen, en parité de pouvoir d’achat, est passé de 51 % en 2004 à 79 % en 2022. Le taux de chômage, 13 % en 2003, est tombé à 3 % en 2024 ; le PIB est de 4 % en moyenne.
Les aides européennes (300 millions d’euros depuis 2004) ont contribué à cet essor économique : développement des routes, des autoroutes, modernisation des entreprises. La Pologne profite aussi de sa position stratégique : 75 % des exportations et 54 % des importations se font avec les autres pays de l’UE. Attirer des investisseurs étrangers est un des axes majeurs de la politique des gouvernements, en s’appuyant sur une main d’œuvre de faible coût. Le secteur industriel (machines, transports, technologies de l’information et de la communication) occupe 10 % de l’emploi. Les services (logistique, services financiers) représentent le principal secteur économique (59 %).
La volonté de leadership européen se manifeste surtout dans le domaine militaire. Les dépenses militaires ont fortement augmenté, représentant 4,2 % du PIB en 2024, avec pour objectif 4,7 % en 2025. C’est, en valeur absolue, le quatrième budget militaire de l’UE. Limitrophe de l’enclave russe de Kaliningrad et de la Biélorussie alliée de la Russie qui a attaqué l’Ukraine en 2022, la Pologne se veut le « bouclier oriental » de l’UE. Sont en cours d’installation sur une longueur de 700 kilomètres, avec un budget de 2,3 millions d’euros, des infrastructures lourdes (tranchées, bunkers), légères (réseau routier entre points stratégiques) et des systèmes de reconnaissance. Un mur de 180 kilomètres de long a été édifié sur la frontière biélorusse pour empêcher l’immigration clandestine organisée par le président biélorusse Loukachenko depuis 2021. Une nouvelle base antimissile, à l’ouest de l’enclave russe de Kaliningrad, doit protéger la Pologne et le flanc est de l’OTAN. Dans ce contexte international, l’importance de la mer Baltique conduit la Pologne à se tourner vers les pays nordiques et baltes.
Face à la Russie et aux menaces de désengagement de D. Trump, le « triangle de Weimar » (Pologne, France, Allemagne), format de discussions entre les trois États, né à la fin de la guerre froide en 1991, est relancé en 2024 à l’initiative du nouveau chancelier allemand Friedrich Merz. Ce nouvel élan, lié à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement pro-européen dirigé par D. Tusk, pourrait être remis en question par l’élection du nouveau Président polonais Karol Nawrocki.
Le 1er juin 2025, K. Nawrocki, soutenu par le PiS (parti Droit et justice), est élu Président de la République avec 50,9 % des voix face au centriste pro-européen Rafal Trzaskowski. Le nouveau Président, successeur de A. Duda, très critique envers l’UE, sera investi le 6 août 2025, prolongeant la cohabitation plus que difficile avec le gouvernement libéral et pro-européen de D. Tusk. Détenant le droit de veto stratégique sur les textes adoptés par le Parlement, chef des armées, le Président dispose ainsi de tous les instruments pour paralyser l’action du gouvernement de Donald Tusk. Cette élection présidentielle traduit la polarisation d’un électorat polonais fortement mobilisé (71,63 % de participation) et partagé. Le candidat libéral Trzaskowski obtient ses meilleurs scores dans les grandes villes, alors que le candidat conservateur est soutenu par les zones rurales et les électeurs jeunes. Deux visions de la démocratie et du rôle de l’État divisent la Pologne.
Par ailleurs, la bonne santé économique du pays risque de se retourner contre les Polonais et l’augmentation des salaires, le rapprochement des standards de l’Ouest de limiter la compétitivité économique de la Pologne.
Un autre frein à la puissance se trouve dans la démographie. La Pologne, qui a connu une forte émigration entre 1989 et 2019 (2,5 M h vers le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas), est devenue un pays d’immigration avec, en 2023, l’arrivée de 1,1 M h d’Ukrainiens et de Biélorusses. C’est l’un des pays européens possédant le plus faible taux de fécondité (1,26).
La Pologne occupe une place centrale en Europe, grâce à son économie dynamique et à son rôle de pilier de l’OTAN. Cependant, en Pologne, l’Union européenne est devenue un objet de critiques portant, entre autres, sur les mesures écologiques (le pacte vert) et la politique commune de l’immigration.