L’Union européenne ne se préoccupe pas des travailleurs ! Vraiment ?

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L’Union européenne ne fait rien pour les travailleurs. Cette assertion est erronée. Dès 1951, dans le traité de Paris (CECA) et dans le traité de Rome (CEE) en 1957, la préoccupation sociale du travail et des travailleurs est présente : « les États membres conviennent de la nécessité de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main d’œuvre permettant leur égalisation dans le progrès. » (art 117 traité de Rome). Instauré par le traité, le Fonds social européen (FSE) a pour objectifs la création d’emplois de meilleure qualité et l’amélioration des perspectives professionnelles des travailleurs européens.

Plusieurs grands principes touchant au travail sont inscrits dans le traité : la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ; l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité des travailleurs des Etats membres pour ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les conditions de travail ; l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et féminins pour le même travail.

Mais il est vrai, que le traité de Rome précise aussi : « dans les matières relatives à l’emploi ; au droit du travail et aux conditions de travail ; à la formation et au perfectionnement professionnels ; à la sécurité sociale ; à la protection contre les accidents et les maladies professionnels ; à l’hygiène du travail ; au droit syndical et aux négociations collectives entre employeurs et travailleurs, la Commission a pour mission de promouvoir une collaboration étroite entre les États membres ». Et les Etats, jaloux de leurs prérogatives ont longtemps fait montre de beaucoup de frilosité dans la coopération pour le social.

Pourtant, au début des années 1970, la crise économique consécutive au premier choc pétrolier change la donne : un programme européen d’action sociale voit le jour et les directives se multiplient.  Au mitan des années 1980, la relance politique de l’Acte unique s’accompagne de l’élaboration de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (1989). Ces droits repris dans les traités de Maastricht à Lisbonne génèrent de nouvelles directives. Parallèlement, la Cour de Justice de l’Union européenne interprète le droit du travail et, par sa jurisprudence, uniformise le droit social des Etats membres.

L’impact de cette législation sociale européenne pour le travailleur de l’Union est important et peut être analysé sous trois aspects.

  • Au nom de la liberté de circulation des travailleurs, le travailleur a le droit de séjourner dans un autre Etat membre pour travailler ou pour chercher un emploi avec les mêmes droits que le travailleur national. Il profite de la reconnaissance des qualifications professionnelles établie en 1989 et 1992, de la coordination des régimes de sécurité sociale (1971-72 et 2004) et il peut, dans sa recherche d’informations, recourir au réseau EURES qui, depuis 1994, réunit les services publics de l’emploi des pays membres de l’Union européenne, de la Norvège, de l’Islande et de la Suisse.
  • Le travailleur bénéficie du droit du travail européen qui établit des normes et des seuils de protection minimale. Cette protection plancher concerne :
      • le temps de travail : durée hebdomadaire limitée à 48 heures (2003), heures supplémentaires comprises, période minimale de repos journalier de 11 heures ou hebdomadaire (35 heures tous les 7 jours) ; congé annuel payé de 4 semaines ;
      • les droits pour les salariés exposés à des risques particuliers pour leur emploi : licenciements collectifs (1975), transfert d’entreprises (1977), insolvabilité de l’employeur (1980) ;
      • les conditions de travail des travailleurs détachés (1996 révisée en 2018), des intérimaires (2008) ;
      • la santé et la sécurité au travail : près de 25 directives spécifiques portent entre autres sur la protection des femmes enceintes (1992) et des jeunes (1994) sur le lieu de travail, sur la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes, chimiques, biologiques… au travail ;
      • l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée : congé maternité de 14 semaines (1992), congé parental de 3 mois (1996), le congé paternité (10 jours au moins) ; le congé pour aidant (5 jours/an) ;
      • enfin l’information, la consultation et la participation des travailleurs avec des règles communes pour les groupes de dimension européenne (1994), l’obligation pour les entreprises de plus de 50 salariés d’informer leurs salariés sur leur situation économique et financière, sur les changements de structures et des modifications envisagées des conditions travail (2002).
  • Un troisième aspect porte sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations :
      • 13 textes depuis 1970 visent à éliminer les discriminations fondées sur le sexe (rémunération, promotion, formation…) : par exemple l’interdiction des offres d’emplois « sexuées » ; l’allégement de la charge de la preuve dans les cas de discriminations sexuelles en imposant à l’employeur de prouver que son agissement n’est pas discriminatoire mais aussi la remise en cause de l’interdiction du travail de nuit des femmes…
      • depuis 2000, la lutte concerne des discriminations au travail pour d’autres motifs : origine raciale ou ethnique, religion ou convictions ; handicap ; orientation sexuelle ; âge.

Par contre, s’agissant de l’emploi et de la rémunération, l’Union européenne n’a pas la main. Elle est en appui des Etats.

En matière d’emploi, elle finance, via le Fonds Social Européen (FSE+), les actions de formation et de retour à l’emploi et elle apporte, via le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEAM), une aide aux travailleurs perdant leur emploi pour cause de mondialisation.  Avec la garantie européenne pour la jeunesse, l’Union aide les Etats à lutter contre le chômage des jeunes.                                                                                                          

En matière de rémunération, conformément aux traités, son intervention se réduit à créer « une dynamique positive » pour une convergence à la hausse des salaires minimums nationaux. Sachant que 6 pays sur 27 n’ont pas de salaire minimum fixé par la loi, la tâche s’annonce difficile et le débat ne fait que commencer.

L’adoption par le Conseil européen en 2017 du Socle européen des droits sociaux proposé par la Commission Juncker et, quatre ans plus tard, du plan d’action avancé par la Commission von der Leyen montre, n’en déplaise aux grincheux, que l’Union se préoccupe des travailleurs européens.