Le Danemark, de plus en plus européen

© Présidence danoise

Le Danemark, État méconnu du nord de l’Europe, appartient, avec la Norvège et la Suède, à la Scandinavie. Royaume de la mer, membre de l’Union européenne (UE) depuis 1973 (mais avec de nombreuses concessions), il prend un nouveau cap européen en relation avec l’exercice de la présidence du Conseil de l’UE au second semestre 2025.

Le Danemark est le royaume de la mer : une longue presqu’île et un grand nombre d’îles (dont le Groenland et les îles Féroé), peuplé de 5,96 Mh (2024), sur 41 987 km². Mais les petites îles comptent peu dans la vie du Danemark.

Dans ce petit pays monotone, plat, les points culminants sont les piliers des ponts. La capitale, Copenhague (agglomération de plus d’un million d’habitants), est une ville aristocratique, bourgeoise, commerciale (un grand port), avec une tradition intellectuelle et scientifique. Mais c’est l’agriculture qui a fait d’un État pauvre un État riche et moderne.  Avec la pêche, secteur non négligeable, l’agroalimentaire est la première activité industrielle du pays.

Remontant au Xème siècle, la monarchie danoise est devenue constitutionnelle, avec un système parlementaire monocaméral. Le roi, Frederik X, occupe une fonction strictement représentative et protocolaire. Le Parlement de 179 membres (le Groenland et les îles Féroé étant représentés chacun par deux députés) exerce le pouvoir législatif. Mette Frederiksen, Première ministre depuis 2019, social-démocrate, est à la tête d’une coalition avec la droite libérale de Venstre (V) et les modérés (M).

Le cas du Groenland : « Nous obtiendrons le Groenland d’une manière ou d’une autre » (D. Trump devant le Congrès des Etats-Unis, 4 mars 2025). Le Groenland est une communauté autonome constitutive du royaume de Danemark. Ce territoire est convoité en raison de sa situation géographique, sur de nouvelles routes maritimes possibles en relation avec le réchauffement climatique, par les Etats-Unis, la Chine, la Russie, pour les ressources du sous-sol : pétrole, gaz naturel et surtout terres rares (nickel, cobalt). Après l’avoir quittée le 1er février 1985, les liens du Groenland restent importants avec l’UE. S’il le souhaite, ce territoire peut aussi demander son indépendance par l’organisation d’un referendum. Pendant la présidence du Conseil de l’UE, le Danemark cherchera à impliquer dans cette question certains de ses partenaires, dont la France.

L’adhésion du Danemark à l’UE date de 1973 avec le Royaume-Uni et l’Irlande, mais le pays n’accepte pas sans réserve les évolutions de la construction européenne.

Le 2 juin 1992, les Danois refusent le traité de Maastricht (50,7 % de non) avant de le ratifier en mai 1993 (56,7 % de oui) après avoir obtenu des options de retrait : ainsi le pays n’appartient pas à la zone euro et, bien que membre de l’espace Schengen, il ne participe pas à la coopération policière et judiciaire[1]. Ce n’est que le 1er juin 2022 que les Danois acceptent (à 67 %) l’intégration du pays à la politique de sécurité et de défense (PSDC).

Cependant, la nouvelle Première ministre donne un nouveau cap à la présidence du Conseil de l’UE par le Danemark. Se présentant comme « résolument antieuropéenne » en 2019, Mette Frederiksen faisait alors alliance avec l’Autriche, les Pays-Bas et la Suède pour constituer le « groupe des frugaux », partisans de l’orthodoxie budgétaire en UE. Six ans plus tard, le changement est radical. Le Danemark est un des principaux pays donateurs à l’Ukraine ; les dépenses militaires sont passées de 1,3 % à plus de 3 % du PIB en 2025.

Mette Frederiksen qualifie « d’absurde » le projet d’achat du Groenland par Donald Trump, qui la traite de « méchante dame ». Elle recherche du soutien auprès de la France[2],  de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne.

La mise en route progressive de la présidence du Conseil de l’UE s’est traduite par la désignation d’une ministre des affaires européennes, Marie Bjerre (parti libéral RE).

Le programme de cette présidence repose sur deux priorités : une Europe plus sûre, une Europe plus verte.

La poursuite de l’élargissement de l’UE est un impératif géopolitique ; le Danemark soutient l’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et des Balkans occidentaux. Il souhaite approfondir les relations avec le Royaume-Uni, affaiblir la Russie en abandonnant le pétrole et le gaz russes. Le 18 juillet 2025, l’UE adopte le dix-huitième train de sanctions (un « paquet », dans le jargon européen) à l’encontre de Moscou : prix du baril de pétrole russe fixé à 45 $ (15 % de moins que le prix actuel du baril russe sur le marché), fin des transactions commerciales avec les banques notamment chinoises, qui aident la Russie à échapper aux sanctions européennes…

Une Europe plus forte doit être en mesure de se défendre elle-même ; pour cela, le Danemark veut renforcer l’industrie de la défense européenne en accélérant la coopération dans ce domaine.

Si elle s’est rapprochée d’Emmanuel Macron sur la défense européenne, c’est avec la Présidente du Conseil italien Giorgia Meloni que Mette Frederiksen se trouve en accord en matière de politique migratoire : « l’immigration est la plus grande menace contre l’Europe du Nord ». La sécurisation des frontières de l’UE doit être accompagnée de la lutte contre la migration irrégulière. Le Danemark souhaite le renforcement de la directive « retour »[3]; en août de cette année, il refuse d’accueillir des patients gazaouis, craignant une hausse des demandes de regroupement familial et un « risque pour la sécurité du pays ».

La transition verte est perçue comme moteur de croissance, tout en facilitant le quotidien des agriculteurs, des pêcheurs et des producteurs alimentaires, avec pour objectif la neutralité climatique d’ici 2050.

Renforcer le secteur des transports, lutter contre la désinformation et l’ingérence des médias étrangers, promouvoir l’accès aux médicaments, ce sont aussi d’autres objectifs de cette présidence danoise.

Le Danemark, mal connu en Europe, est un État déconcertant. La Présidence du Conseil de l’UE, qu’il exerce pour six mois, est stratégique : il s’agit de construire des compromis entre les vingt- sept États membres pour faire avancer les textes européens.

Cette présidence s’appuie sur une adhésion sans précédent du public danois à tout ce qui touche l’UE.


[1] En décembre 2015, la coopération en matière de police et de sécurité est rejetée à 53 %.

[2] En juin 2025, le Président français s’est rendu en visite officielle à Nuuk, capitale du Groenland.

[3] La Commission avait proposé de créer des « centres de retour », hors de l’UE, pour y renvoyer les sans-papiers.