
© Parlement européen, 2025
Institué en 1988, le Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit tient son nom du scientifique russe Andreï Sakharov. Celui qui était l’un des inventeurs de la bombe soviétique était aussi un militant de la Paix et des Droits de l’Homme et l’un des principaux dissidents du régime communiste. Le Prix Sakharov est remis en chaque fin d’année par le Parlement européen à des personnes, des associations ou des organisations en lutte contre l’oppression, l’intolérance et l’injustice et il vise particulièrement à récompenser celles qui peuvent être poursuivies et condamnées pour leur combat contre la répression et pour la défense de la démocratie et des droits humains.
En cette année 2025, encore marquée par un contexte géopolitique tendu, l’attribution du 38ème Prix Sakharov a reflété les divergences de positions et de sensibilités des eurodéputés. La décision a été prise par les chefs des groupes politiques du Parlement européen et sa présidente Roberta Metsola. Elle a été annoncée en séance plénière le 22 octobre dernier.
C’est, comme l’année dernière[1], un « duo » qui a été récompensé. Un duo composé de deux personnalités de nationalité différente mais partageant, outre la même profession de journaliste, le même combat d’opposants politiques contre des régimes proches du pouvoir russe actuel, combat qui leur a valu d’être emprisonnés.
Mzia Amaglobeli est géorgienne. Cette journaliste indépendante qui a cofondé les médias indépendants Batumelebi et Netgazeti est aussi directrice de médias en ligne. Elle est une opposante déterminée au régime du Rêve Géorgien du Premier ministre Irakli Kobakhidze, soutenu par le régime de Vladimir Poutine. C’est lors d’une manifestation antigouvernementale en janvier dernier qu’elle a été arrêtée, accusée d’avoir giflé un chef de la police. Placée en détention, elle a été jugée en août et condamnée à deux ans de prison. Première femme prisonnière politique en Géorgie depuis l’indépendance du pays et militante pour la liberté d’expression, elle est devenue le symbole du mouvement de protestation pro-démocratique géorgien.
Andrzej Poczobut appartient à la minorité polonaise de Biélorussie. Journaliste lui aussi et, comme Mzia Amaglobeli, très critique du pouvoir de son pays, en l’occurrence celui d’Alexandre Loukachenko dont il conteste la régularité de la réélection en 2020, Poczobut a été arrêté à plusieurs reprises par les autorités. Comme elle encore, c’est en prison que ses prises de positions politiques l’ont conduit, condamné à huit ans de réclusion dans une colonie pénitentiaire. Il incarne aujourd’hui la lutte pour la liberté et la démocratie face à l’un des régimes pro-russes les plus autoritaires.
Cette double désignation, très politique, a été prise à l’issue d’un débat qui témoigne de la diversité des positions des 720 députés européens, les candidatures étant présentées par les groupes politiques. Le « duo » Amaglobeli-Poczobut l’a été par le groupe du P.P.E. (Parti Populaire Européen) et soutenu, à sa droite, par le groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (E.C.R). Les Socialistes et la gauche avaient, eux, désigné les travailleurs humanitaires en Palestine et dans les zones de conflit, le groupe Renew proposant pour sa part la nomination des étudiants serbes qui ont lancé des manifestations nationales après l’effondrement de l’auvent de la gare de Novi Sad qui a causé la mort sur le coup de 14 personnes, alors que les Verts soutenaient la Marche des Fiertés de Budapest ; à l’extrême droite, si le Groupe des Nations Souveraines désignait la figure trumpiste du militant Charlie Kirk, assassiné début septembre, le Groupe des Patriotes pour l’Europe, présidé par Jordan Bardella, avait choisi l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, alors détenu par le pouvoir algérien. Une décision, qui, en France a suscité la controverse.
[1] Prix 2024 remis à María Corina Machado et Edmundo González Urrutia, dirigeants de l’opposition démocratique vénézuélienne.