Climat : l’Union européenne (UE) met le paquet

« Fit for 55 » (Paré pour 55) : c’est la référence à l’objectif européen de réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Le 18 avril 2023, le Parlement européen a adopté des textes essentiels du « paquet climat » (réforme du marché du carbone, fonds social pour le climat) afin de répondre à l’objectif principal du Pacte vert européen : vers la neutralité climatique à l’horizon 2050.

Des textes clés ont été adoptés dans trois domaines.

  • Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est souvent assimilé à une « taxe carbone ». Il doit appliquer aux importations des pays de l’UE les critères du marché carbone européen ; les produits importés seront taxés s’ils ne sont pas fabriqués dans les mêmes conditions environnementales que les produits communautaires. Ce dispositif, réclamé par la France depuis longtemps (par le Président Chirac), doit assurer les conditions d’une concurrence loyale. Les entreprises européennes de l’électricité, de la sidérurgie, de la cimenterie, de l’aluminium, des engrais paient aujourd’hui une taxe lorsqu’elles dépassent un certain seuil d’émissions. Les produits européens sont en concurrence avec les produits issus de pays aux règles environnementales moins exigeantes. Une période test commencera en octobre 2023, pour une entrée en vigueur progressive de 2026 à 2034. Les importateurs de marchandises de pays tiers seront tenus d’acheter des certificats dont le prix sera comparable à celui du CO2 au sein du marché européen du carbone.

Créé en 2005, le marché du carbone (ETS : Emissions trading system ou SEQE : Système d’échange de quotas d’émissions) permet d’acheter des droits à polluer sur le marché européen des quotas d’émission (ETS). Les industries les plus polluantes ont reçu gratuitement des quotas d’émission de CO2 (droits à polluer), supposés être réduits dans le temps, afin de les inciter à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Si elles dépassent le plafond prévu, elles doivent acheter des quotas supplémentaires, soit aux enchères sur des plateformes qui opèrent pour le compte des Etats, soit auprès d’autres sociétés qui auraient suffisamment réduit leurs émissions. Le prix des quotas est déterminé par la loi de l’offre et de la demande ; il est passé de 5 € en février 2014, à 37 € en février 2021 et à près de 90 € en mars 2023.

Selon une enquête menée par le journal Le Monde (publiée le 31 mai et le 1er juin 2023), le dispositif a été rapidement détourné, et ce de manière légale : la revente des quotas a permis à ses bénéficiaires d’augmenter leurs profits. Entre 2013 et 2021, le Fonds national pour la nature estime que les plus grosses entreprises émettrices ont empoché 98,5 milliards d’euros et n’ont consacré qu‘un quart de cette somme à l’action climatique. Les quotas gratuits vont être supprimés progressivement du marché intérieur à partir de 2026 pour disparaître totalement en 2034. Le SEQE s’étendra progressivement au secteur maritime et sera renforcé pour les vols aériens intra-européens.

Un second marché du carbone (ETS 2) est prévu pour le chauffage des bâtiments et pour les carburants routiers : à partir de 2027, les ménages paieront un prix du carbone sur le carburant et sur le chauffage. Les incinérateurs de déchets municipaux pourraient entrer dans ce système à partir de 2028 ; d’ici à 2026, la Commission devra faire savoir aux Etats et au Parlement si cette nouvelle extension est envisageable. Jusqu’en 2030, un prix plafond de 45 € la tonne de carbone s’appliquera pour les nouveaux secteurs couverts par ce marché afin d’éviter de fragiliser les entreprises et les ménages qui pourraient voir augmenter les prix du gaz et du pétrole. La réforme pourra être décalée d’un an si les prix des énergies fossiles atteignent des niveaux élevés.

La création d’un Fonds social pour le climat a été validée par le Parlement européen pour répondre au risque d’une hausse des prix de l’énergie. Ce fonds aura pour mission de financer l’isolation des logements, les énergies renouvelables ou les modes de transport plus écologiques, en apportant une aide aux micro-entreprises et aux ménages les plus vulnérables. En partie alimentée par les recettes du second marché carbone (ETS 2), sa dotation pourra atteindre 86,7 milliards d’euros en prenant en compte un financement supplémentaire provenant des budgets nationaux.

L’engagement a été rapide pour concrétiser le respect de l’accord de Paris : il a fallu moins de deux ans, après la proposition du « paquet » législatif par la Commission (14 juillet 2021) pour que cinq actes législatifs soient adoptés par le Parlement et le Conseil de l’UE :

  • révision de la directive relative au SEQE ;
  • modification du règlement MRV dans le secteur du transport maritime ;
  • révision de la directive sur le SEQE dans le secteur de l’aviation ;
  • règlement instituant un Fonds social pour le climat ;
  • règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières[1]

Votées au Parlement à une forte majorité, certaines de ces mesures sont cependant critiquées. Les Verts français ont été les seuls à voter contre la réforme du marché du carbone et son extension au logement et aux transports pour les particuliers, craignant de voir le retour des gilets jaunes en France. Avec les députés français LFI (La France insoumise), ils restent opposés au compromis final du Fonds social pour le climat.

Les Conservateurs du PPE (Parti populaire européen) font de plus en plus de résistance ; une partie d’entre eux, emmenée par la CDU (Union des chrétiens démocrates) allemande et le PP (Parti populaire) espagnol, font même de l’obstruction systématique.

En février 2023, le Parlement a approuvé le projet de réglementation mettant fin à la vente des véhicules neufs à moteur thermique en 2035. Mais, sous la pression de l’Allemagne qui est revenue sur sa parole, une dérogation est accordée aux constructeurs de véhicules équipés de moteurs à combustion neutre en termes d’émission de CO2 alimentés par des carburants de synthèse. Ces véhicules haut de gamme pourront donc être proposés à la vente après 2035. L’Allemagne ainsi a obtenu un feu vert à venir pour des technologies alternatives comme les carburants synthétiques (e-carburants) ou pour les motorisations hybrides rechargeables si celles-ci permettent de supprimer totalement les émissions de gaz à effet de serre des véhicules.

Cependant, avec l’adoption de ces propositions législatives, l’UE s’affirme comme le chef de file, dans le monde, de la lutte contre le réchauffement climatique.


 

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[1] Une directive, une fois votée, doit être transposée par les Etats dans leur droit national dans un délai de six mois à deux ans. Les Etats sont libres d’adapter certaines mesures à condition de respecter l’objectif de la directive.

Le règlement, obligatoire dans tous ses éléments, est directement applicable dans tous les Etats membres.