Brexit et après ?

Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) le 31 janvier 2020. Un nouvel accord sur la relation future entre le Royaume-Uni et le continent doit être négocié d’ici le 31 décembre 2020, dans une période de transition. Alors, fin du feuilleton Brexit ?

 

L’accord de sortie du Royaume-Uni a été renégocié par le Premier ministre Boris Johnson.

Sur la question d’Irlande, Theresa May avait proposé le « backstop », filet de sécurité maintenant le Royaume-Uni et l’UE dans un territoire douanier unique mais cette solution avait été refusée par les partisans d’un Brexit dur.

Dans le protocole révisé de l’accord Boris Johnson / UE, la sortie du Royaume-Uni de l’UE après la période de transition (jusqu’au 31 décembre 2020) permet la  reprise en main par Londres de sa politique commerciale. L’Irlande du Nord, restant dans le bloc économique du Royaume-Uni, pourra bénéficier des futurs accords commerciaux négociés par Londres avec des partenaires extérieurs. En revanche, l’Irlande du Nord restera alignée sur un « ensemble de règles relatives au marché unique de l’UE » : règles sanitaires, règles relatives aux aides de l’Etat ou à la TVA. Par conséquent, aucun contrôle n’aura besoin d’être établi entre les deux Irlande, mais une sorte de frontière sera instaurée en mer d’Irlande  (entre Irlande du Nord et Royaume-Uni) pour certains produits – solution toujours vilipendée par les unionistes nord-irlandais.

Cet accord met un terme au feuilleton politique…

La date du Brexit, initialement fixée au 29 mars 2019, a été reportée au 12 avril, puis au 31 octobre. Depuis le 31 janvier 2020 à minuit, le Royaume-Uni ne fait plus partie de l’UE. De ce fait, les Britanniques ne prennent plus part aux décisions européennes. Les 73 eurodéputés britanniques ont quitté le Parlement européen[1]. Le Commissaire britannique n’a pas été nommé. Les ministres du gouvernement britannique ne siègent plus au Conseil de l’UE et le Premier ministre ne participe plus au Conseil européen.

Les représentants du Royaume-Uni quittent l’ensemble des institutions et organes consultatifs de l’UE : Cour de justice de l’UE, Cour des comptes et Banque centrale, Conseil économique et social, Comité des régions. Les citoyens britanniques perdent leur droit de vote aux élections locales dans les pays de l’UE.

… mais les effets du Brexit n’ont pas fini de se faire sentir.

Côté britannique,  il a profondément divisé l’opinion publique et menace l’unité du pays. Le Nord, les Midlands, ayant souffert de la désindustrialisation, ont voté conservateur aux dernières législatives et attendent plus d’intervention de l’Etat ; au contraire, les Brexiters riches du Sud veulent moins de règles et de taxes.

L’Ecosse, par l’intermédiaire de la Première ministre Nicola Sturgeon, réclame un nouveau referendum sur l’indépendance ; mais l’approbation du Premier ministre britannique, nécessaire pour l’organiser, lui est refusée.

Avec une « liberté d’action retrouvée », le gouvernement britannique ne peut plus faire de l’Europe un bouc émissaire et il doit assumer ses choix : se tourner vers les Etats-Unis, en délaissant la relation avec l’UE ? Conserver une relation privilégiée avec cette dernière ou établir un difficile équilibre entre les deux ?

Côté européen, le retrait du Royaume-Uni réduit la superficie et la population de l’UE. Il constitue un certain affaiblissement de l’UE qui perd l’une de ses deux puissances nucléaires par ailleurs membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Le feuilleton se poursuit pour établir de nouvelles relations entre UE et Royaume-Uni.

Début février s’ouvre une période de transition de onze mois, pendant laquelle rien ne changera, les règles économiques restant les mêmes. La « Task force pour les relations avec le Royaume-Uni » (UKTF), chargée de la préparation et de la conduite des négociations, dirigée par Michel Barnier, a été mise en place par la Commission européenne. Le mandat de négociation ne devant être approuvé que fin février par les Etats membres, les négociations officielles ne s’ouvriront que début mars. Huit à dix cycles de négociation d’une semaine (environ 40 jours) sont envisagés. « Mission impossible » selon des diplomates européens. La période de transition, prévue jusqu’au 31 décembre 2020, pourra être prolongée une fois pour un à deux ans maximum, la décision étant prise conjointement par l’UE et le Royaume-Uni avant le 1er juillet 2020. Mais B. Johnson ne veut pas en entendre parler et souhaite des négociations éclair avec Bruxelles.

Durant cette période, le Royaume-Uni reste dans l’union douanière de l’UE et dans le marché unique ; il continue à appliquer la politique de l’UE en matière de justice et d’affaires intérieures. Par ailleurs, il doit respecter les accords internationaux que l’UE a signés et il ne pourra pas appliquer de nouveaux accords dans des domaines relevant de la compétence exclusive de l’UE.

Et après? Quels sont les modèles de relations possibles entre les deux entités ? Le Premier ministre britannique avertit que son pays refusera un accord qui lui imposerait de continuer de respecter certaines règles de l’Union. Le négociateur de l’UE, M. Barnier, a posé comme condition à la conclusion d’un traité commercial « un accord sur les règles de jeu communes », afin que Londres ne devienne pas un concurrent déloyal. L’UE souhaite s’assurer que le Royaume-Uni disposera d’un certain nombre de normes sociales et environnementales équivalentes aux siennes, et que les aides d’Etat n’entraîneront pas une concurrence déloyale avec les Etats membres.

Parmi les grands défis à relever se trouve la question de la pêche : près de 40 % des captures de l’UE sont effectuées dans les eaux britanniques. La défense et la sécurité sont deux autres volets majeurs de la négociation.

« Depuis 1973, les Britanniques sont des emmerdeurs permanents. Le Brexit enlève un frein à main à l’Europe » (Alain Lamassoure, député européen de 1989 à 2019).

La sortie du Royaume-Uni peut être un stimulateur pour l’UE. La manière dont se dérouleront les négociations entre Londres et Bruxelles pour définir leur relation future sera importante pour l’Europe, en mettant à l’épreuve l’unité des européens.


[1] 27 des sièges libérés reviennent à des eurodéputés d’autres pays, déjà élus en mai 2019 et en attente d’investiture ; le Parlement accueille 5 élus français supplémentaires. Les 46 autres sièges sont mis en réserve, en prévision d’éventuels élargissements de l’Union.

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