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Le 1er janvier 2026, suite au feu vert donné six mois plus tôt par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, la Bulgarie rejoint la zone euro. Un an après être devenu membre à part entière de l’espace Schengen, le pays complète ainsi son profil d’Etat membre de l’Union.
Avec la chute du communisme en 1990, comme dans tous les PECO (pays d’Europe centrale et orientale), le tropisme de l’Occident s’impose en Bulgarie. C’est le fameux « retour en Europe » et, pour de nombreux intellectuels bulgares, la perspective de conjurer une double fatalité historique :
- la fatalité communiste d’où l’élaboration d’une nouvelle constitution en juillet 1991 et la mise en place d’un régime multipartite, parlementaire avec indépendance du pouvoir judiciaire ;
- la fatalité balkanique d’où la reconnaissance des frontières et la volonté de surmonter les litiges territoriaux notamment avec la Grèce.
Dès le 7 mai 1992, le pays adhère au Conseil de l’Europe et, le 8 mars 1993, il signe un accord d’association avec l’Union européenne avec à terme l’adhésion sur la base des critères de Copenhague[1]. C’est le début d’une longue attente. Qu’on en juge :
- décembre 1995, dépôt de la candidature bulgare ;
- mai 1996, Stratégie pour la mise en œuvre des recommandations du Livre blanc de la Commission ;
- mars 1998, négociations préliminaires d’un partenariat pour l’adhésion définissant les priorités, le cadre juridique, les moyens et une feuille de route pour aider la Bulgarie ;
- février 2000, négociations officielles avec ouverture de 31 chapitres et rapport annuel sur l’avancée des travaux ;
- décembre 2002, déclassement de la Bulgarie pour l’élargissement de 2004 et report de l’entrée éventuelle au 1er janvier 2007.
Car au fil des rapports de nombreuses lacunes sont constatées : – les engagements pris en faveur des Roms sont jugés insuffisants en pratique ;
- la fermeture partielle de la centrale nucléaire de Kozlodouy est reportée par les autorités bulgares ;
- les capacités administratives et judiciaires restent trop faibles.
Dans le cinquième et dernier rapport d’octobre 2004, publié après la fin des négociations, des insuffisances subsistent : - en matière de fiscalité directe où aucun progrès n’a été réalisé ;
- en matière de droit du travail et de lutte contre les discriminations, le bilan est limité.
Néanmoins, le traité d’adhésion (traité de Luxembourg), est signé le 25 avril 2005 pour une entrée en application le 1er janvier 2007. Mais, outre un suivi serré de la Commission[2], ce traité comporte des clauses de sauvegarde permettant de retarder l’entrée si nécessaire.
Pays membre en 2007, la Bulgarie reste pendant près de deux décennies un Etat en lisière de l’Union.
En raison de lacunes judiciaires et policières, notamment dans la lutte contre la corruption, le pays ne fait pas partie de l’espace Schengen . En 2011, malgré le feu vert du Parlement européen dont le rapport atteste d’une préparation sérieuse de la Bulgarie à l’acquis Schengen, le Conseil reporte à 2013 la décision provoquant beaucoup d’amertume dans le pays retoqué. La ratification bulgare le 1er janvier 2014 de la convention Schengen reste sans effet car l’accord n’est pas promulgué, de même qu’échoue en 2017, malgré le soutien du Parlement européen, une nouvelle tentative.
Mais au printemps 2024, une première étape est franchie avec la suppression des contrôles systématiques aux frontières aériennes et maritimes. L’abandon du veto autrichien fin 2024, permet l’entrée pleine et entière de la Bulgarie dans l’espace Schengen et la levée des contrôles systématiques aux frontières terrestres avec les autres pays de l’Union. Le 1er janvier 2025, l’adhésion de la Bulgarie vaut reconnaissance de la capacité du pays à défendre la frontière extérieure de l’Union sur son segment national.
Pays membre depuis 2007, la Bulgarie, n’appartient pas à la zone euro. Bien qu’engagée à rejoindre l’eurozone par le traité d’adhésion à l’UE signé en 2003 à Athènes, le pays y a longtemps renoncé, en raison d’une forte inflation et des hésitations, voire des réticences des autorités politiques face aux efforts à consentir pour la réduire, le tout sur fond de crise politique. Néanmoins, depuis 2020, le pays participe au mécanisme de change européen (MCE II), étape obligatoire avant l’adoption de la monnaie unique, et ses banques sont supervisées par la BCE.
Le 8 juillet, le Conseil ECOFIN – les ministres des finances de tous les Etats membres de l’UE -, au constat que la Bulgarie remplit les critères de convergence[3], donne son accord : le 1er janvier 2026, la Bulgarie deviendra le 21ème membre de l’Euroland.
Mais la perspective de remplacer le lev par l’euro est loin de faire l’unanimité dans le pays. Avant même l’accord de l’été 2025, les opposants donnent de la voix, appuyés par le président de la République, Radev[4]. Des manifestations fournies ont lieu à Sofia et dans les villes bulgares largement exploitées par l’extrême droite prorusse. Des manifestants installent leurs tentes devant les locaux de la banque nationale bulgare pour exprimer leur refus de l’euro. Cette campagne anti euro agrémentée d’un flot de fausses informations est efficace comme le montre un sondage eurobaromètre de mai 2025 qui enregistre une poussée du non à 50 % contre 43 % pour le oui. Cependant la contre campagne gouvernementale argumentée en faveur de l’euro permet de calmer les craintes de nombreux Bulgares sur le passage à l’euro.
Quelque 18 ans, après son adhésion, la Bulgarie doit pouvoir bénéficier rapidement des avantages de son intégration aujourd’hui complète dans l’Union européenne. L’environnement géopolitique du moment l’exige. Encore faut-il que le pays sorte enfin de son instabilité politique chronique[5].
[1] Les critères de Copenhague sont les suivants :
– politiques ; démocratie, Etat de droit, droits de l’homme, protection des minorités
– économiques : économie de marché viable, capacité à supporter la concurrence
– reprise de l’acquis communautaire dans la législation nationale
[2] La surveillance repose sur le MCV (mécanisme de coopération et de vérification) pour aider à réformer la justice, lutter contre la corruption et contre le crime organisé) avec rapports annuels
[3] En 2024, déficit budgétaire = 3 % du PIB, inflation = 2,6 %, dette publique = 24,1 % du PIB.
[4] Le président Radev ne cache pas ses sympathies prorusses et son opposition à l’envoi d’aide militaire à l’Ukraine.
[5] Contesté dans la rue par des centaines de milliers de manifestants dénonçant la corruption, le gouvernement bulgare en place depuis janvier 2025 a annoncé sa démission, le 11 décembre 2025.