Dans la lutte contre le racisme, l’Union européenne est trop timide ! Vraiment ?

@ European Union, 2020

L’idée d’une législation européenne de lutte contre les discriminations fondées sur l’origine raciale ou ethnique est avancée au début des années 1990 par des ONG européennes avec deux arguments : d’une part, la liberté de circulation de la main d’œuvre constituant un pilier du marché unique, il convient pour la rendre effective, de garantir aux travailleurs d’origine immigrée de ne pas subir de discrimination ethnique ou raciale ; d’autre part, l’Union par ses textes en faveur d’une égalité de traitement entre les femmes et les hommes a ouvert un chantier antidiscriminatoire qu’il convient d’élargir. Sans grand succès car dans ces années, la Communauté n’a pas la compétence pour agir sur ce sujet. Toutefois, au mitan de la décennie, dans un climat lourd d’antisémitisme et de xénophobie dans plusieurs pays, les esprits évoluent : lors du Sommet social de Florence, en 1996, une Déclaration commune sur la prévention de la discrimination raciale et de la xénophobie et sur la promotion de l’égalité de traitement sur le lieu du travail est adoptée ainsi que la création d’un Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes. Par ailleurs, 1997 est déclarée Année européenne contre le racisme. Mais c’est le traité d’Amsterdam signé en octobre 1997 pour une entrée en vigueur en 1999, qui, en élargissant la liste des discriminations lance la politique européenne de lutte contre les discriminations fondées sur la « race » ou l’origine ethnique.

Cette politique repose sur une législation contraignante :

  • en 2000, est adoptée la directive sur « l’égalité raciale » transposable par les Etats membres avant juillet 2003.

La directive interdit les discriminations directes et indirectes fondées sur l’origine raciale ou ethnique dans les domaines de l’emploi et du travail, de l’éducation, de la protection sociale, y compris les soins de santé et certains avantages sociaux, mais aussi en matière d’accès aux biens et services et de fourniture de biens et services à la disposition du public, y compris en matière de logement. La protection inclut les ressortissants de pays tiers, mais ne concerne pas la discrimination fondée sur la nationalité.

La directive exige de tous les États membres qu’ils désignent un organisme chargé d’apporter une aide indépendante aux victimes d’une discrimination et de promouvoir l’égalité ;

  • en 2008, adoptée à l’unanimité du Conseil mais après sept années de discussions, la décision-cadre sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie définit une approche pénale notamment des discours de haine et des crimes de haine motivés par le racisme et la xénophobie. Les discours de haine à l’égard d’une personne ou d’un groupe, en référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique sont, d’une part l’incitation publique à la violence ou à la haine par diffusion ou distribution publique d’écrits, d’images ou d’autres supports, et d’autre part l’apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Pour les crimes de haine, les Etats doivent considérer la motivation raciste ou xénophobe comme une circonstance aggravante ;
  • en 2012, complétant la décision-cadre, une directive sur les droits des victimes vise notamment à garantir justice, protection et soutien aux victimes de crimes et de discours haineux ;
  • en 2016, l’UE élabore à usage des plates-formes un code de bonne conduite afin de lutter contre le racisme et la xénophobie en ligne. Avec le même objectif, en décembre 2020, la Commission propose le DSA ou Digital Services Act, un règlement sur les services numériques visant à réguler les contenus en ligne illicites parmi lesquels le racisme. Publié en avril 2022, le DSA est entré en application en 2023 pour les grandes plates-formes et en 2024 pour d’autres.

La politique de lutte contre les discriminations fondées sur le racisme et la xénophobie donne lieu à plusieurs actions.
La Commission exerce le suivi de la mise en œuvre de la législation européenne par les Etats membres : ainsi, en février 2021, après l’Estonie et la Roumanie, six pays ont été mis en demeure de « transposer pleinement » la décision-cadre de 2008, qui aurait dû l’être au plus tard en… novembre 2010.
Deux agences européennes, en fournissant des données et des analyses, appuient les Etats dans leur action nationale et leur permettent d’échanger sur leurs pratiques. Il s’agit de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne -FRA- avec pour siège Vienne qui a succédé, en 2007, à l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes, et de l’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs (CEPOL collège européen de police) créée en 2005 avec pour siège Budapest depuis 2014.
Par ailleurs, l’UE finance dans le cadre du programme « Droits, Égalité et Citoyenneté » des actions aux niveaux local, régional, national, voire transnational.
Enfin, l’UE s’associe à la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le 21 mars, initiée par l’ONU.

Face à une situation jugée préoccupante, Ursula von der Leyen, a annoncé en septembre 2020 un « plan d’action pour inverser la tendance dans la lutte contre le racisme » courant sur 2020-2025. Les axes en sont : une meilleure application du droit de l’UE, une coordination plus étroite assurée par un coordinateur « antiracisme », des activités de police et de protection équitables, un renforcement de l’action des Etats avec élaboration de plans nationaux et la promotion d’une plus grande diversité parmi le personnel de l’UE. Des initiatives visant notamment à sensibiliser aux stéréotypes raciaux et ethniques et à les combattre seront financées par le nouveau programme « Droits et Valeurs » 2021-2027 qui fusionne trois anciens programmes. Enfin, lancé en 2022, le prix des capitales européennes de l’inclusion et de la diversité récompense des collectivités locales (villes et depuis 2024, régions) pour leur action. Il distingue deux catégories : les autorités locales de moins de 50 000 habitants et les autorités locales de plus de 50 000 habitants[1].

Si la détermination de la Commission à lutter contre les discriminations fondées sur le racisme est forte comme le démontre l’annonce en octobre 2020 d’un plan décennal de soutien aux populations Roms, la tâche est ardue et le résultat peu assuré comme en attestent les enquêtes menées auprès des populations de l’Union.


[1] La remise des prix en mai, ouvre le mois de la diversité. En 2025, dans la catégorie autorités locales de plus de 50 000 habitants, le prix a été décerné à Utrecht, aux Pays-Bas et celui des moins de 50 000 habitants, à Mariehamn, en Finlande.