« Dieselgate », les scandales se succèdent et l’Europe ne fait rien ! Vraiment ?

En septembre 2015 a éclaté le scandale du « dieselgate ». La tricherie pratiquée  par des constructeurs automobiles européens au premier rang desquels Volkswagen, consistait à réduire artificiellement les émissions toxiques des véhicules à l’aide d’un logiciel intelligent afin de « respecter » les normes antipollution européennes.

Chronologie succincte du dieselgate

2014 : l’ONG International Council on Clean Transportation lance une étude sur la pollution en conditions réelles sur douze véhicules diesel européens.

2015

  • 18 septembre : l’Agence américaine de l’environnement (EPA) accuse Volkswagen d’avoir violé la réglementation anti-pollution en utilisant un logiciel capable de tromper les contrôles sur les émissions d’oxydes d’azote.
  • 22-25 septembre : Volkswagen reconnaît avoir équipé 11 millions de ses véhicules du logiciel fraudeur. Démission du président du directoire du groupe en poste depuis 2007.
  • 15 octobre : sur injonction de l’Agence allemande de l’automobile Volkswagen rappelle quelque 2,4 millions de voitures et bientôt les 8,5 millions de véhicules restants en Europe.

2016

  • 3 mars : Volkswagen reconnaît avoir équipé  du logiciel fraudeur les véhicules Audi et Porsche.
  • 28 juin : Volkswagen annonce débourser 14,7 milliards de dollars (13,3 milliards d’euros) pour dédommager ses clients aux Etats-Unis.

2017

  • 11 janvier : Volkswagen plaide coupable aux États-Unis pour fraude et obstruction à la justice avec 4,3 milliards de dollars (4,1 milliards d’euros) de pénalités supplémentaires outre-Atlantique.
  • Mars : ouverture d’une information judiciaire en France concernant Renault et Peugeot.

2018

  • 23 février : BMW reconnaît avoir « par erreur » équipé des véhicules diesel avec un logiciel non conforme mesurant les gaz d’échappement.
  • 1er novembre : l’ONG allemande de défense des consommateurs VZBV dépose une requête groupée.

2019

  • 10 janvier : le constructeur Fiat Chrysler est à son tour concerné par le dieselgate.
  • 24 septembre : Daimler accepte de payer une amende de 870 millions d’euros.
  • 30 septembre : ouverture en Allemagne du premier grand procès de consommateurs (450 000 personnes) contre Volkswagen (fin prévue 2023).

2020

  • 23 janvier : lancement d’une action collective en France contre Volkswagen.

Que penser de l’accusation proférée à l’encontre de l’Union de laxisme en matière de lutte contre pollution de l’air par les émissions automobiles (oxyde d’azote -NOx- et oxyde de carbone -CO2-) ?

  • La première norme européenne sur les émissions de véhicules à moteur à combustion, notamment celles d’oxydes d’azote (NOx), date de 1992 avec application décalée selon les types de véhicules (automobiles, utilitaires, camions..) et selon les types de moteurs (essence, GPL, diesel..). Cette législation fait l’objet d’une révision tous les cinq ans dans le sens d’un abaissement du plafond.En 2009, l’UE instaure pour le CO2 des normes à ne pas dépasser et applicables à toute nouvelle voiture[1]. Les constructeurs automobiles, avant de commercialiser un nouveau modèle, doivent le soumettre au processus de « réception par types » afin de vérifier que les exigences UE en termes de sécurité, de protection de l’environnement et de production sont respectées. Dans chaque pays, les tests d’homologation sont réalisés par des organismes nationaux  comme l’UTAC (Union Techniques de l’Automobile et du Cycle) en France ou KBA (Kraftfahrt-Bundesamt) en Allemagne dont le financement est en partie assuré par les constructeurs nationaux. Ces organismes d’homologation sont placés sous la responsabilité des autorités nationales de surveillance du marché qui ont en charge de vérifier que les produits commercialisés sont conformes aux normes de l’UE. On le voit, si l’Union européenne réglemente, en matière de contrôle, elle n’est qu’en seconde ligne.
  • En 2011, le Centre commun de recherche (JRC)[2] signale à la Commission un écart important (400 %) entre les mesures d’émissions de NOx selon qu’elles sont effectuées en laboratoire ou sur route. Le 18 septembre 2015, éclate, aux Etats-Unis, le scandale du dieselgate ! A l’évidence, il y a eu défaillance du contrôle européen ! Comment l’expliquer ? Un rapport du Parlement européen publié en 2017 permet de répondre. Il émane de la commission d’enquête créée en décembre 2015 et « chargée d’examiner les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union en ce qui concerne la mesure des émissions dans le secteur de l’automobile ainsi que d’enquêter sur la prétendue défaillance de la Commission dans l’instauration en temps opportun d’essais reflétant les véritables conditions de conduite […] » [3]. A l’issue d’une année  d’auditions des constructeurs, des experts, des fonctionnaires, etc., la commission parlementaire se montre très critique :
    • à la Commission européenne, il est reproché d’avoir  « manqué  de volonté politique et d’esprit d’initiative » et « de ne pas avoir agi afin d’atténuer le rôle central des représentants de l’industrie surreprésentés lors des travaux du groupe de travail sur les véhicules légers » :
    • aux Etats, il est reproché « l’incapacité à organiser un système efficace et fiable de surveillance du marché »  et  « l’inaction »  face aux constructeurs desquels ils se sont « abstenus d’exiger qu’ils suppriment tout ajustement temporaire des dispositifs de contrôle des émissions ».
  • Au lendemain du dieselgate et parce qu’il « a révélé les points faibles de notre système de réglementation et de surveillance du marché» (Elzbieta Bienkowska, commissaire européenne au Marché intérieur et à l’Industrie 2014-2020), l’Union a procédé à de nombreuses modifications législatives[4]. Certaines ont concerné le système de contrôle des émissions parmi lesquelles :
    • l’adoption pour l’homologation des nouveaux véhicules, d’une nouvelle procédure d’essai -WLTP- plus proche des conditions d’utilisation réelles ;
    • le contrôle désormais obligatoire des véhicules en circulation dans les États membres.

Par ailleurs, s’appuyant sur les recommandations du Parlement européen, la Commission européenne a procédé à une refonte de la législation sur la réception et la surveillance du marché des véhicules à moteur avec plusieurs objectifs :

– garantir l’indépendance des services techniques chargés des essais et inspections de conformité des véhicules par exemple en interdisant leur rémunération directe par les constructeurs automobiles ;

– augmenter les critères de performance des services techniques ;

– renforcer le pouvoir de contrôle et de sanction avec la possibilité d’infliger en cas de fraude des constructeurs automobiles des amendes administratives à hauteur de 30 000 € par véhicule.

Mais s’agissant de la création d’une Agence européenne de la surveillance de l’industrie et du marché automobile chargée de superviser les autorités nationales, elle a été enterrée par… le Parlement européen.


[1] Ces normes révisées en 2014 fixent pour le 1er janvier 2020 les émissions de CO2 pour les voitures à 95 g/km et pour les véhicules utilitaires léger neufs à 147 g/km.

[2] Le Centre commun de recherche est le service scientifique interne de la Commission.

[3] Rapport parlementaire www.europarl.europa.eu

[4] La réaction de l’UE au scandale du « dieselgate ». Document d’information. Février 2019. Cour des comptes européenne.

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