La Cité internationale de la langue française

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« La langue de l’Europe, c’est la traduction » [1], «  La langue de la République est le français » [2].

Deux citations présentées en miroir. Deux affirmations aussi de la diversité de la culture européenne que vient également compléter une troisième « Ensemble depuis 1957 ».

C’est dans le château de Villers-Cotterêts, dans l’Aisne, qu’a été inaugurée le 30 octobre dernier par le Président de la République la Cité internationale de la langue française ouverte, depuis, aux visiteurs venus de France, d’Europe, de la vaste communauté francophone comme de tout autre pays du monde [3].

Langue nationale et internationale, la cinquième langue la plus parlée au monde, le français, n’avait pas, jusqu’à ce jour, de lieu emblématique. Ce n’est pas par hasard que le château de Villers-Cotterêts a été choisi : c’est en effet dans ce château de la Renaissance, logis royal érigé par François 1er sur ses terres de chasse de Picardie, que ce dernier a signé en 1539 l’ordonnance dite « de Villers-Cotterêts » qui a rendu obligatoire l’usage de la langue française dans les actes de l’administration et de la justice à la place du latin. Ce document historique a quitté les Archives nationales pour y être désormais présenté. C’est également dans la commune de Villers-Cotterêts qu’en 1802 était né Alexandre Dumas et dans ce château, qu’un siècle et demi plus tôt, Molière avait fait représenter son Tartuffe. Un lieu symbolique de la langue française, donc, qui avait au cours des siècles perdu beaucoup de sa superbe.

La finalité de ce projet culturel, initié en 2018, à la suite de la réflexion confiée au Centre des monuments nationaux sur les moyens d’endiguer l’inquiétant état de délabrement du monument, a été d’en faire un lieu consacré à la mise en lumière de l’évolution du français et de son développement en Europe et dans le monde. Un lieu «  d’accueil, de vie, de formation, de recherche et de dialogue », selon les mots du chef de l’Etat.

Un réel défi que celui d’installer une langue comme objet d’exposition. C’est ce qu’ont réussi à réaliser les nombreux experts, historiens, linguistes, écrivains… et l’atelier Projectiles, cabinet d’architectes responsable de tous les aménagements intérieurs ainsi que de la scénographie du parcours permanent. C’est lui qui est également le concepteur de cet étonnant « ciel lexical », voile de mots suspendu au-dessus de la cour intérieure du château.

 « Ce n’est pas qu’un musée mais aussi un lieu de vie de la langue française. » C’est ainsi que Paul Rondin, le directeur, présente la nouvelle Cité internationale.

Le visiteur est d’abord invité à suivre un parcours qui débute par un immense tableau d’affichage des départs, semblable à ceux que l’on retrouve dans les halls d’aéroport, invitant les visiteurs à embarquer pour un voyage dans la « langue-monde » qu’est le français. Il parcourt ainsi une quinzaine de salles thématiques, une bibliothèque bien sûr, mais aussi des vidéos de sketches, un mur de « mots migrateurs »… Plus loin, c’est le fonctionnement de la langue dans son vocabulaire, sa prononciation, sa grammaire, qui est mis en images par des dispositifs interactifs, pour arriver enfin à la dimension institutionnelle de la langue française, langue de la République, mais aussi langue européenne et langue de l’espace francophone. C’est dans une dernière salle qu’est exposée la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts mais aussi où tout un mur est dédié à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), celle-ci étant considérée comme l’héritière contemporaine de la célèbre ordonnance, puisqu’elle impose que chaque justiciable européen ait le droit de comprendre un verdict dans sa propre langue.

D’où l’importance et l’universalité de la traduction que met en évidence la citation du philologue européen par excellence qu’a été Umberto Eco.


[1] Umberto Eco.

[2] Article 2 de la Constitution française.

[3] Informations sur le site https://www.cite-langue-francaise.fr/

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