La citoyenneté européenne

© EC- Service audiovisuel – Alain Schroeder

A l’occasion des élections européennes de 2019, les institutions européennes ont multiplié les campagnes de communication pour expliquer ce qu’apporte l’Union européenne aux 450 millions d’Européens.  Or, en dépit des efforts déployés, la plus-value de l’Union n’est que très approximativement perçue par les Européens. Ainsi, de façon étonnante, si la formule « citoyenneté européenne » est connue, son contenu est souvent ignoré.

La citoyenneté est un statut juridique permettant à un individu de prendre part à la vie politique et publique de la cité c’est-à-dire du pays dont il est ressortissant. La citoyenneté est conférée par la nationalité et elle implique un lien avec un Etat qui garantit les droits et impose des devoirs aux citoyens. Or, il n’y a pas de nationalité européenne et pas d’État européen.

Et pourtant le citoyen européen ou plutôt le citoyen de l’Union européenne existe. La citoyenneté européenne a émergé par étapes : en 1974,  au sommet de Paris, un groupe de travail reçoit pour mission d’examiner la possibilité d’attribuer des droits spéciaux aux ressortissants de la Communauté économique européenne (CEE). En 1984, lors du Conseil européen de Fontainebleau, les chefs d’État ou de gouvernement des États membres affirment « qu’il est indispensable que la Communauté réponde à l’attente des peuples européens en adoptant les mesures propres à renforcer et à promouvoir son identité et son image auprès de ses citoyens et dans le monde ». Avec les accords de Schengen en 1985, qui annoncent l’abolition des frontières entre les Etats signataires et la suppression des contrôles, la question devient prégnante. Il faut pourtant attendre 1992 pour que le traité de Maastricht institue la citoyenneté de l’Union.

La citoyenneté de l’Union européenne est une citoyenneté de superposition : elle s’ajoute à la citoyenneté nationale, mais elle ne la remplace pas. La citoyenneté européenne est conférée automatiquement par la nationalité d’un État membre. Il s’agit donc d’une citoyenneté réservée aux ressortissants des États membres. Pour les non communautaires, elle ne peut s’acquérir que par naturalisation dans un des États membres selon une législation nationale qui échappe à tout regard européen.

La citoyenneté de l’Union confère plusieurs droits dont certains sont plus anciens que la citoyenneté elle-même. Inscrits dans le traité de Maastricht, énoncés en 8 articles dans le chapitre V citoyenneté de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ces droits sont renforcés par le traité de Lisbonne (2007/2009) de deux manières :

  • d’une part, la Charte acquiert la même valeur juridique que le traité, ce qui la rend désormais contraignante pour les États ;
  • d’autre part, le traité de Lisbonne introduit de nouveaux droits.

Les droits attachés à la citoyenneté de l’Union européenne sont nombreux et sont  énoncés comme suit  dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne  (TFUE)[1] :

  • le droit à une protection contre toute discrimination fondée sur la nationalité, le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ;
  • le droit de circuler, de séjourner, d’étudier et de travailler sur le territoire des autres pays membres ;
  • le droit d’avoir un accès égal à la fonction publique nationale (à l’exception des postes sensibles tels que militaires) et à la fonction publique communautaire ;
  • le droit de voter et d’être élu aux élections municipales et à celles du Parlement européen dans l’État membre de résidence et ce dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État ;
  • le droit d’être protégé dans un pays tiers par les autorités diplomatiques ou consulaires de n’importe quel État membre de l’Union quand son pays n’est pas représenté sur place ;
  • le droit d’adresser une pétition au Parlement européen, de recourir au médiateur européen pour déposer une plainte contre un acte de mauvaise administration commis par une institution européenne, de s’adresser aux institutions et aux organes consultatifs de l’UE et de recevoir une réponse ;
  • le droit d’initiative citoyenne permettant à 1 million de citoyens européens d’inviter la Commission européenne à légiférer sur un sujet donné ;
  • le droit de s’adresser aux institutions de l’Union européenne dans l’une des langues officielles et de recevoir une réponse dans cette même langue ;
  • le droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union ;
  • le droit de voir ses droits fondamentaux respectés et protégés tels que stipulés dans la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Une remarque : il n’y a pas de devoirs énumérés dans le traité. Seul le préambule de la Charte des droits fondamentaux pose le principe selon lequel « la jouissance de ces droits entraîne des responsabilités et des devoirs ».

La citoyenneté de l’Union européenne contribue au développement du sentiment européen, par exemple avec la liberté de circulation ou l’initiative citoyenne européenne. Pourtant les limites de son impact sont flagrantes : on le voit en matière politique avec des élections européennes non harmonisées et l’absence d’un véritable  débat européen. Aussi, pour développer cette citoyenneté, plusieurs dispositifs ont vu le jour :

  • le programme « l’Europe pour les citoyens » (2014 à 2020) vise à faire comprendre l’UE, son histoire, sa diversité et à encourager la participation démocratique des citoyens au niveau de l’UE ;
  • afin de rapprocher l’Union de ses citoyens, des Consultations publiques sont lancées par la Commission lorsqu’elle élabore des politiques ou des mesures législatives et des Dialogues citoyens  permettent aux décideurs européens (commissaires et hauts responsables) d’échanger avec les citoyens parfois de façon transfrontalière.

Ces actions sont indispensables. Leur portée reste cependant limitée.


[1] TFUE.  DEUXIÈME PARTIE. NON-DISCRIMINATION ET CITOYENNETÉ DE L’UNION. Articles 20, 21, 22, 23 et 24.

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