La formation de la Commission européenne 2024-2029

© Union européenne, 2024

La constitution de la nouvelle Commission européenne s’est effectuée en deux moments et au sein de chacun en plusieurs étapes.

Le premier moment a consisté dans la désignation de la présidente du collège en deux temps.

  • Le 27 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays se sont mis d’accord pour proposer la candidature d’Ursula von der Leyen, tête de liste du PPE, le parti vainqueur de l’élection parlementaire trois semaines plus tôt.
  • L’étape suivante s’est jouée au Parlement européen avec l’élection de la Présidente.

En 2019, Ursula von der Leyen, avait obtenu 9 voix de plus que la majorité requise. Cinq ans plus tard, sa réélection n’étant pas assurée, elle a entrepris de négocier avec les groupes pour obtenir leur soutien. Si, malgré quelques réticences internes, la présidente sortante, pouvait compter sur les votes de sa famille politique, le PPE, il lui fallait conserver le soutien des socialistes et des libéraux et espérer celui des Verts. A la veille du vote, le scrutin s’annonçait indécis et le discours du 18 juillet au matin était très attendu.

Le 18 juillet, dans un discours programme de près d’une heure, la candidate a cherché à donner des gages aux différents groupes soutiens potentiels : aux conservateurs du PPE, l’annonce comme première priorité de la compétitivité avec un nouveau pacte sur l’industrie propre, un Fonds européen pour la compétitivité destiné à soutenir l’innovation mais aussi un renforcement de la sécurité avec un doublement des effectifs d’Europol et du contrôle de l’immigration avec le triplement des effectifs de garde-côtes et de garde-frontières européens ; aux sociaux-démocrates, aux libéraux et aux Verts, la défense de l’Etat de droit et un « bouclier européen de la démocratie » contre les ingérences étrangères ; plus spécifiquement pour les socialistes, la création d’un poste de commissaire au logement ; pour les centristes de Renew, la création d’une Union européenne de la défense et, pour les Verts, le maintien des objectifs du Pacte vert dont la neutralité carbone en 2050 mais « de manière pragmatique ». Par ailleurs, Ursula von der Leyen réaffirme le soutien indéfectible de l’Union à l’Ukraine en guerre et dans le même temps condamne la « diplomatie » personnelle prorusse d’Orban, ce qui n’est pas pour déplaire au groupe anti poutinien des Conservateurs et réformistes européens (CRE). En déclarant « Une Union plus grande serait plus forte, renforcerait notre voix dans le monde et réduirait notre dépendance externe », elle affiche sa volonté de poursuivre le processus d’adhésion au mérite de l’Ukraine et des Balkans occidentaux. Enfin, elle rappelle aux parlementaires qu’elle continue à soutenir leur droit d’initiative et qu’elle s’attachera à renforcer leur coopération. Une musique bien douce à entendre. Bien qu’il ne comporte aucun chiffrage et que nombre de propositions restent générales, le discours programme, entrecoupé d’applaudissements nourris, a paru convaincre.

Avant de passer au vote à bulletin secret, les présidents des huit groupes politiques du Parlement européen se sont succédé à la tribune pour indiquer la position de leur groupe. Trois groupes ont marqué leur opposition à la réélection de la présidente sortante : pour l’extrême droite, les Patriotes pour l’Europe (PfE) par la voix de J. Bardella, président du groupe et l’Europe des nations souveraines (ENS) et pour l’extrême gauche, la Gauche par la voix de Manon Aubry co présidente du groupe.

Dans deux groupes, aucune consigne de vote n’a été donnée : il s’agit du groupe CRE et des Verts, même si, pour ces derniers, la coprésidente allemande, Terry Reintke, laissait entendre qu’elle penchait pour le soutien.

Les trois autres présidents de groupe se sont prononcés pour la reconduction de la présidente sortante : Manfred Weber pour le PPE, Iratxe Garcia Perez pour les socialistes et Valérie Hayer pour Renew Europe.

A l’issue du vote Ursula von der Leyen a été reconduite par 401 voix contre 284, 15 abstentions et 7 votes nuls. C’est 41 voix de plus que la majorité requise de 361. Bien que le vote soit secret, il est possible d’affirmer qu’Ursula von der Leyen doit sa réélection aux 45 voix des Verts à l’exception des 5 élus écologistes français qui ont voté contre. Cet apport a permis de compenser les quelques pertes au sein du PPE dont les voix des Républicains français et surtout le vote, un temps espéré mais finalement défavorable, de Fratelli d’Italia de Georgia Meloni au sein des CRE.

Avec cette élection Ursula von der Leyen rejoint le club restreint des présidents reconduits pour un second mandat à savoir, Walter Hallstein au tout début de la CEE, (1957-1967), Jacques Delors (1985-1995) et Manuel Barroso (2004-2012).

Dès sa reconduction acquise, Ursula von der Leyen s’est attelée à la construction du collège des commissaires. Ce deuxième moment comporte 3 étapes.

  • A partir des propositions des Etats membres, la Présidente, en discussion avec le Conseil, a arrêté la liste des commissaires dont elle a défini le portefeuille et les missions selon ses propres priorités. Cette liste adoptée par le Conseil a été présentée le 17 septembre 2024.
  • A alors débuté l’étape de la validation individuelle des candidats. Chaque candidature a été soumise à un processus de vérification de probité et de compétences :
    • l’évaluation des risques de conflit d’intérêts entre le patrimoine financier et le portefeuille attribué a été réalisée par les services juridiques du Parlement ;
    • l’examen des compétences des candidats s’est effectué en deux temps.

D’une part des questions écrites ont été adressées aux candidats avec date limite de réponse fixée au 22 octobre. Ces questions portaient sur leur compétence générale, leur engagement européen, leur indépendance, la gestion de leur futur portefeuille et leur coopération avec le Parlement ; d’autres, sur les priorités et les législations que le candidat entend proposer en rapport avec les priorités annoncées par la présidente de la Commission européenne.
D’autre part, à partir du 4 novembre et jusqu’au 12 ont eu lieu les auditions des 26 candidats.

Pendant trois heures, chaque candidat a été entendu par la (es) commissions spécialisée(s) du Parlement européen, en fonction de leur(s) domaine(s) de compétence. L’audition a débuté par une déclaration de 15 minutes du candidat suivie d’un feu roulant de 25 questions d’une minute auxquelles il a répondu en 3 minutes. En fin d’audition, s’il l’a souhaité, il a eu droit à une déclaration de 5 minutes.

L’évaluation de la performance des candidats s’est effectuée à huis clos en comité réduit comprenant le président de la commission qui l’a auditionné et les coordinateurs, c’est-à-dire un représentant de chaque groupe politique. Une majorité des 2/3 des membres examinateurs étant nécessaire pour obtenir l’approbation de la commission parlementaire.

Le 12 novembre, à l’issue de la clôture des auditions, les résultats de ces votes devaient être transférés à la conférence des présidents – Présidente du Parlement européen et présidents de tous les groupes politiques – et l’ensemble des lettres d’évaluation publiées. Mais un bras de fer engagé par le PPE et les socialistes à propos de deux candidatures à des postes de vice-président exécutif, a retardé l’issue du « recrutement » : les conservateurs sous la pression des eurodéputés espagnols du Parti populaire refusaient la candidature de Teresa Ribera proposée par le gouvernement socialiste espagnol quand, dans le même temps, les eurodéputés S&D récusaient la candidature de Raffaele Fitto proposée par le gouvernement italien eurosceptique. Ajoutons que les réticences étaient fortes pour valider la candidature du Hongrois proche du chef de gouvernement Orban, Olivér Várhelyi, Après plusieurs jours de blocage mais suite à d’intenses pourparlers, les présidents des trois groupes du PPE, des sociaux-démocrates et des libéraux de Renew, ont, le 20 novembre 2024, signé une « déclaration de coopération » acceptant par là même sans modification la composition de la Commission.

La dernière étape, le vote d’approbation globale du collège, est intervenue le 27 novembre. La Présidente von der Leyen a présenté son équipe et son programme devant l’ensemble des eurodéputés du Parlement européen, en session plénière à Strasbourg. La déclaration a été suivie d’un débat, au cours duquel tous les groupes politiques ont pu s’exprimer.

Puis, par un vote avec appel nominal à la majorité simple, la Commission von der Leyen II a été validée par 370 voix pour, 282 contre et 36 abstentions. Outre la modestie inédite du score et une dispersion des suffrages, ce résultat traduit l’embarras de nombre d’eurodéputés jusque dans les rangs du groupe dominant : le PPE.

Après sa nomination officielle par le Conseil européen, la nouvelle Commission est entrée en fonction le 1er décembre. Le collège comporte 11 femmes et 16 hommes dont la place et le rôle eu égard aux ambitions annoncées par la Présidente pour la législature 2024-2029, appellent une prochaine analyse.