La lutte de l’Union européenne pour l’égalité femmes/hommes est trop timide ! Vraiment ?

© Canva MDE Limousin

La volonté d’établir l’égalité entre les femmes et les hommes est au fondement de la lutte de l’Union contre les discriminations. Ce combat présente deux volets : l’égalité par le droit et devant la loi dite égalité juridique et l’égalité des conditions dite égalité réelle.

L’égalité juridique entre les femmes et les hommes est aujourd’hui acquise et l’Union a joué un rôle essentiel dans ce résultat :

  • elle l’a inscrite dans les traités : le traité de Rome a posé le principe de l’égalité de rémunération entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ; le traité d’Amsterdam a fait de l’égalité un objectif ; la Charte des droits fondamentaux de l’UE et le traité de Lisbonne ont inclus le principe de l’égalité femmes-hommes dans les valeurs et objectifs de l’Union et intégré la question du genre dans toutes les politiques de l’UE[1];
  • elle l’a promue par plusieurs arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne jusqu’à reconnaître la notion de discrimination positive en faveur des femmes ;
  • elle l’a établie par une série de directives transposées dans le droit interne des Etats.

Des directives concernent l’égalité professionnelle et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes : en 1975, égalité de rémunération, en 1976, égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et touchant aux conditions de travail , en 1978, égalité de traitement en matière de sécurité sociale, en 1986, égalité de traitement entre les hommes et les femmes exerçant une activité indépendante, y compris une activité agricole, en 1992, des mesures pour promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes accouchées ou allaitantes. Par ailleurs, en 2006, à l’occasion d’une refonte de plusieurs actes législatifs, les employeurs sont incités à prendre des mesures préventives afin de lutter contre le harcèlement sexuel et les sanctions en cas de discrimination sont durcies ;

  • d’autres directives ont trait à la protection sociale des femmes et à la conciliation vie professionnelle/vie privée : en 1992, congé maternité établi à 14 semaines et en 1996, congé parental de trois mois dont un mois non transférable.

Au total, 15 directives de 1975 à 2010.

S’agissant de l’égalité réelle dans l’UE, au début de la décennie 2010, elle est encore à construire : taux d’emploi féminin moindre, temps partiel supérieur, rémunération horaire des femmes et retraites inférieures ; place limitée des femmes dans les cercles de décision politique ou économique ; partage inégal des tâches domestiques, importance des violences physiques et/ou sexuelles …
Pour lutter contre ces inégalités, l’Union s’est dotée d’outils : des acteurs institutionnels avec, depuis 1984, la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen et dans le collège des commissaires européens, un(e) commissaire dédié(e)[2]. Créée en 2007, une agence, l’Institut européen  pour l’égalité entre les hommes et les femmes (siège Vilnius en Lituanie), fournit expertise, données et assistance technique aux institutions.  En 2013, cet institut a forgé un indice de mesure de l’égalité basé sur 7 catégories principales : le travail (qui inclut la participation au taux d’emploi), l’argent, l’éducation, le temps (qui mesure les inégalités entre les sexes dans la répartition du temps consacré aux travaux domestiques et aux activités sociales), le pouvoir (soit l’accès aux postes de décision dans les sphères politiques, économiques et sociales), la santé, la violence envers les femmes. Enfin, des programmes financiers promeuvent des actions en faveur de l’égalité femmes/hommes[3].

Cependant, il faut attendre le mitan des années 2010 pour que l’Union développe une véritable politique de l’égalité femmes/hommes.

Le droit « mou », (non contraignant) comme la Charte des femmes adoptée en 2010, ayant montré ses limites, la Commission Juncker, en 2015, annonce « Un engagement stratégique pour l’égalité entre les femmes et les hommes » (2016-2019) avec des programmes spécifiques de l’Union et un soutien financier aux plans d’action nationaux[4].
En mars 2020, la nouvelle commission avec à sa tête une femme, Ursula von der Leyen, et, dans ses rangs la quasi parité, a présenté « Une stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025 ». Cinq ans plus tard des avancées ont été réalisées : une directive sur l’équilibre hommes-femmes dans les conseils d’administration, une stratégie européenne en matière de soins et de nouveaux objectifs en matière d’éducation et d’accueil de la petite enfance, des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations, une campagne pour lutter contre les stéréotypes de genre, l’adhésion à la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, une proposition de directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique avec un numéro de téléphone européen (116 016) et la mise en place d’un réseau de prévention de la violence sexiste et domestique.
En mars 2025 la Commission von der Leyen a présenté une feuille de route pour les droits des femmes avec pour objectifs :

  • l’élimination des violences sexistes et le soutien aux victimes,
  • l’égalité des rémunérations et l’autonomisation économique des femmes,
  • un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, en promouvant notamment le partage égal des responsabilités en matière de soins entre les femmes et les hommes,
  • l’égalité des chances en matière d’emploi et des conditions de travail justes,
  • une éducation inclusive encourageant les femmes dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques et les hommes dans les soins et l’éducation,
  • une représentation politique équitable et la lutte contre le sexisme,
  • des mécanismes institutionnels solides pour garantir l’égalité des sexes.

Trop timide, l’action de l’UE ? Et si les Etats se mettaient au diapason !


[1] Article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

[2] Dans la commission von der Leyen 2, il s’agit d’Hadja Lahbib

[3] Progress (emploi et solidarité), Daphné III (lutte contre les violences).

[4] Depuis 2014, 1,7 million femmes ont été suivies dans le cadre d’actions cofinancées par le FSE.