L’action extérieure de l’Union européenne

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Ursula von der Leyen et Josep Borrell

L’Union européenne est souvent réduite à un grand marché unique et son rôle dans le monde serait seulement économique.  En somme, dans le concert international, un nain politique ?

L’affirmation souvent péremptoire selon laquelle l’UE ne joue aucun rôle autre qu’économique dans les affaires du monde est en effet largement partagée. Pour s’en réjouir chez les anti-européens, pour s’en désoler chez les pro-européens. Mais cela ne signifie pas que cette affirmation soit juste et il faut y regarder de plus près.

Dans le traité de Lisbonne, le titre V du TUE expose, en deux chapitres, les dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et les dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune et la 5eme partie du TFUE énumère, en huit chapitres, les différentes politiques externes de l’Union européenne. Il y a donc une action extérieure européenne mais il est vrai que cette action extérieure est peu perçue par les Européens car elle est récente.

Jusqu’à la fin des années 1960, l’action extérieure de l’Union est essentiellement économique : une politique commerciale comme volet complémentaire de l’Union douanière et une politique d’aide au développement notamment en direction des pays ex-colonisés. Ces deux politiques sont complétées par l’assistance humanitaire au nom des valeurs et des engagements internationaux.

Le départ du général de Gaulle ouvre le champ politique avec dans les années 1970 la mise en place de la coopération politique qui est formalisée en 1986 avec l’Acte unique.

Au lendemain de la fin de la Guerre froide, le traité de Maastricht instaure la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et, en 1999, la politique européenne de sécurité et de défense voit le jour.

En 2009, le traité de Lisbonne  énonce les objectifs de l’action extérieure de l’Union :
« L’UE  contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme, en particulier ceux de l’enfant, ainsi qu’au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies »

Les objectifs proclamés sont ambitieux. Mais les actions et les réalisations font- elles de l’Union un acteur international majeur ?

La réponse n’est pas évidente même si certains analystes dénient à l’UE ce statut  au motif qu’elle n’est pas un Etat. Pourtant, l’Union remplit quatre critères qui définissent un acteur international :

  • elle est compétente  dans « tous les domaines de la politique étrangère ainsi que sur l’ensemble des questions relatives à la sécurité de l’Union, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune »  (art. 24) mais cette compétence est limitée dans certains domaines comme la défense territoriale ;
  • elle a une autonomie de décision par rapport aux Etats membres et comme le stipule le traité de Lisbonne elle « définit et mène des politiques communes et des actions et œuvre pour assurer un haut degré de coopération dans tous les domaines des relations internationales » ;
  • elle possède une visibilité assurée par des institutions incarnées, le président du Conseil européen et le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ;
  • enfin, son action extérieure est globalement cohérente tant du point de vue des institutions (Conseil européen, Conseil, Commission et, à un degré moindre, Parlement européen) que des Etats au point que des analystes parlent d’une européanisation des politiques étrangères nationales.

Par ailleurs, l’UE possède plusieurs leviers de puissance :

  • elle est une puissance normative c’est-à-dire qu’elle exerce une influence par les règles notamment  juridiques qu’elle édicte ;
  • elle est une puissance commerciale à peu près à égalité dans les échanges commerciaux mondiaux avec la Chine et les Etats-Unis ;
  • elle a un rayonnement culturel, scientifique  mondial  et une forte attractivité touristique (c’est le 1er foyer du monde) ;
  • bien qu’étant une puissance principalement civile, puissance douce  (« soft power »), l’Union est en train de construire un volet militaire.

Avec la nouvelle commission,  le rôle international de l’UE est réaffirmé.

Mme von der Leyen l’a annoncé : « Je vois dans les cinq prochaines années une chance pour l’Europe : celle de se montrer plus ambitieuse chez elle afin de prendre le leadership sur la scène mondiale ». Propos repris par Ch. Michel, le président du Conseil européen et par J. Borrell, le Haut représentant. Dans cette ambition, aucune volonté dominatrice mais la prise de conscience de la nécessité pour l’Union de prendre en main son destin, prise de conscience partagée par les citoyens européens comme le montrent les sondages. Face aux défis géopolitiques majeurs que sont le chaos proche et moyen oriental et son corollaire le terrorisme, le dérèglement climatique, les migrations, l’activisme militaire russe, les ambitions économiques chinoises et surtout l’unilatéralisme de l’allié  américain, « l’Europe doit être plus forte sur la scène internationale ».

Pour y parvenir, la présidente de la Commission compte mieux coordonner l’action des Etats et de l’Union pour toutes les politiques qui composent l’action extérieure européenne : la politique étrangère, la politique de défense, la politique commerciale, la politique de partenariat proche dite encore de voisinage, la politique d’aide au développement et la politique d’aide humanitaire.

« Aujourd’hui, le soft power ne suffit plus si nous voulons nous affirmer dans le monde comme Européens [..].  L’Europe doit apprendre à parler le langage de la puissance » – a déclaré Ursula Von der Leyen, début novembre, ce que S. Kauffmann dans un éditorial du Monde de janvier a traduit par : « L’Europe commence à comprendre l’impossibilité de rester végétarienne dans un monde de carnivores ».

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