Le discours de Prague d’Olaf Scholz : des pistes de réflexion pour l’avenir de l’Europe

Olaf Scholz

C’est dans le cadre historique de l’Université Charles de Prague, où il était invité par la Présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne, que le Chancelier fédéral d’Allemagne a prononcé le 29 août dernier un discours dont le but était de présenter « quelques-unes de [ses] idées pour l’avenir de notre Union ». Les « propositions »  et « pistes de réflexion », selon les termes employés par Olaf Scholz, dressent, en effet, un tableau assez précis de l’Europe que souhaite pour l’avenir le chancelier allemand, en ayant soin d’ajouter qu’elles ne sont pas « des solutions allemandes toutes faites ».

La situation créée par l’intervention russe en Ukraine est, logiquement, au point de départ de cette réflexion. A ce sujet, Olaf Scholz rappelle que son pays s’était engagé dans une politique de défense tout à fait inédite et il réaffirme le soutien de l’UE à « une Ukraine libre et indépendante ». Une nouvelle démarche commune doit préfigurer « une Union européenne géopolitique plus puissante et plus souveraine » à laquelle a d’ailleurs contribué la proposition française d’une Communauté politique européenne (CPE).

C’est pour satisfaire cette ambition d’une Europe géopolitique que le chancelier fédéral énonce un certain nombre d’évolutions institutionnelles qu’imposera l’inévitable élargissement de l’Union aux pays qui en feront la demande et qui en satisferont les exigences. Parmi ces réformes, l’abandon, au sein du Conseil, du vote à l’unanimité et le recours au vote à la majorité dans certains domaines, dont la politique étrangère et la politique fiscale.

La seconde proposition est celle d’un renforcement significatif de la souveraineté européenne. Cette quête d’autonomie, rendue indispensable par la nouvelle donne géopolitique, se traduira sur le plan économique par « une mise à jour stratégique de notre marché intérieur » et un accroissement significatif des capacités de recherche et de production dans le domaine des nouvelles technologies comme dans celui de l’adaptation de notre continent aux urgences climatiques.

Un renforcement de souveraineté qui passe, à l’évidence, par une meilleure coopération en matière de défense pour mettre en place, notamment, en relation étroite avec l’OTAN, une « force de réaction rapide » nécessitant « une structure de commandement claire ». Un effort considérable devra également être consenti pour combler le retard européen « en matière de défense contre les menaces aériennes et spatiales ».

C’est enfin un appel à « serrer les rangs » qu’a lancé depuis Prague le chancelier allemand, conscient que c’est la capacité de l’UE à rester unie qui est son meilleur atout face aux menaces répétées des régimes autocratiques. Ce sont la politique migratoire et la politique financière qui ont, selon lui, généré jusque-là le plus de tensions. En matière de migrations, des efforts d’anticipation sont attendus, de même qu’un renforcement et un élargissement de l’espace Schengen ainsi que la mise en place « d’un régime d’asile fondé sur la solidarité et résilient en temps de crise ». En matière financière, les décisions courageuses et efficaces prises pour surmonter les effets de la crise sanitaire ont montré que les Etats membres sont capables de dépasser des a priori idéologiques. C’est ainsi que le gouvernement allemand compte engager un débat « sans préjugés, sans leçons, sans accusations » sur la difficile question du poids de la dette dans les Etas membres.

Ce sont enfin, les valeurs communes européennes qu’Olaf Scholz juge indispensable de sauvegarder dans tous les pays de l’Union, en liant « systématiquement le versement des fonds au respect des normes de l’Etat de droit ».

Les conclusions de la récente Conférence sur l’avenir de l’Europe montrent que les citoyens européens attendent une UE qui produise des résultats. L’UE vit, selon les mots du chancelier fédéral, « un tournant historique qui devrait inciter la politique européenne à jeter des ponts plutôt qu’à creuser des tranchées ».

Un discours qui marque effectivement une vision nouvelle de la politique européenne de l’Allemagne. Beaucoup de commentateurs l’ont perçu comme un écho à celui, dit « de la Sorbonne » prononcé cinq années plus tôt, par le Président Emmanuel Macron.

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