
© European Union 2024 – Source : EP – Christian CREUTZ
Les électeurs européens ont, le 9 juin, désigné les 720 députés qui, à partir de la mi-juillet et pour 5 ans, composent le nouveau Parlement européen, organe colégislateur de l’Union. Le 27 juin, les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays se sont mis d’accord pour trois postes clés de l’Union : ils ont élu à la majorité qualifiée Antonio Costa président pour deux ans et demi du Conseil européen en remplacement de Charles Michel[1] et ils ont proposé les candidatures d’Ursula von der Leyen pour la présidence de la Commission et de l’Estonienne Kaja Kallas pour le poste de Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Le 16 juillet, les 720 parlementaires européens ont fait leur rentrée à Strasbourg. Découvrir le lieu, se faire connaître et recevoir l’information afférente au statut d’eurodéputé et indispensable pour travailler, sont au menu de la journée. Le profil de l’assemblée 2024 est assez proche de celui du parlement sortant ; les nouveaux arrivants représentent un peu plus de la moitié de l’effectif (54 % contre 61 % en 2019) ; la part des femmes s’élève à 39 % contre 40 % en 2019[2]. La moyenne d’âge des députés s’établit à 50 ans contre 49,5 en 2019.
A partir du 10 juin et jusqu’à la session plénière, les eurodéputés ont constitué les groupes politiques les plus fournis possible afin de profiter des avantages liés au nombre : postes de pouvoir au bureau de l’assemblée, présidence et vice-présidence de commission, temps de parole, moyens matériels et financiers, etc.
Le Parlement européen 2024-2029 est composé de 8 groupes contre 7 durant la législature précédente. Pour constituer un groupe, il convient de réunir au moins 23 députés issus de 7 pays au moins. Les députés hors groupe sont des non-inscrits.
Par ordre décroissant, les 8 groupes sont les suivants :
- le Parti populaire européen (PPE) avec 188 députés issus de 27 pays avec pour président Manfred Weber membre de la CSU allemande[3],
- les Sociaux-démocrates (S&D) avec 136 députés issus de 25 pays avec pour présidente Iratxe Garcia Pérez, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Outre le PSOE avec 20 députés, le Parti démocrate italien avec 21, le SPD allemand et le PS-Place publique français avec respectivement 14 et 13 députés,
- les Patriotes pour l’Europe, nouveau groupe de 84 députés issus de 12 pays. Son président, Jordan Bardella, est à la tête de la plus forte délégation du groupe et du Parlement avec 30 membres devant le Fidesz hongrois d’Orban, 11 députés,
- les Conservateurs et réformistes européens (CRE) avec 78 députés issus de 18 pays avec une coprésidence italienne de Fratelli d’Italia, parti de Meloni, et polonaise du PIS parti de Kaczynski. La délégation française est composée de 4 des 5 membres élus de Reconquête,
- Renew Europe avec 77 députés issus de 20 pays avec comme présidente Valérie Hayer, qui, en France a mené campagne pour Ensemble (Renaissance-MoDem-Horizons-UDI-Parti radical) avec 13 députés.
- les verts/ALE avec 53 députés issus de 17 pays avec une coprésidence néerlandaise de Bas Eickhout et allemande de Terry Reintke,
- la Gauche avec 46 députés issus de 13 pays avec à nouveau une coprésidence assurée par la Française Manon Aubry et l’Allemand Martin Schirdewan,
- enfin le groupe Europe des nations souveraines avec 25 députés issus de 8 pays avec coprésidence allemande de l’Afd et polonaise de Confédération et une élue française de Reconquête, Sarah Knafo,
- hors groupe, 12 députés non-inscrits et 21 « autres » !
Lors de la séance plénière du 16 juillet, les eurodéputés ont procédé à l’élection de la présidence du Parlement pour les deux ans et demi à venir. La présidente sortante, Roberta Metsola (PPE) était opposée à Irène Montero (La Gauche). Elle a remporté l’élection dès le premier tour du vote à bulletin secret en décrochant la majorité absolue de 562 voix sur 699. Dans la lancée, les députés ont élu le nouveau Bureau du Parlement, à savoir, les 14 vice-présidents dont un Français, Younous Omarjee (La Gauche) et les 5 questeurs dont une Française, Fabienne Keller (Renew Europe). Le nouveau bureau ne comporte aucun député des groupes d’extrême droite Les Patriotes pour l’Europe et Europe des nations souveraines à la différence de celui des Conservateurs et réformistes européens qui comptent deux vice-présidents et un questeur.
Le 17 juillet, les députés ont adopté la liste de 20 commissions et 4 sous-commissions du Parlement ainsi que de ses 48 délégations permanentes. Ils ont approuvé le nombre de membres les composant, de 25 à 90 députés avec autant de suppléants. Du 22 au 25 juillet, ils ont procédé à la constitution des instances avec l’élection des présidents et des vice-présidents[4].
Auparavant, le 18 juillet, était intervenu le premier acte parlementaire politique fort de la législature : le vote pour la présidence de la Commission. Désignée candidate par le Conseil européen, la présidente sortante Ursula von der Leyen, élue avec 9 voix de plus que la majorité requise en 2019, se devait de vaincre des réticences exprimées jusque dans sa famille politique le PPE[5].
Dans un discours d’une heure, elle a cherché à répondre aux attentes des groupes soutiens potentiels : au PPE, l’annonce comme prioritaires la compétitivité et le contrôle de l’immigration avec le triplement des effectifs de garde-côtes et garde-frontières ; aux S&D, aux libéraux et accessoirement aux Verts, la défense de l’Etat de droit ; plus spécifiquement aux socialistes, la création d’un commissaire au logement ; aux centristes de Renew, la création d’une Union européenne de la défense et un « bouclier européen de la démocratie » contre les ingérences étrangères ; aux Verts, le maintien des objectifs du Pacte vert « de manière pragmatique ».
Bien qu’il ne comporte aucun chiffrage, le programme, si l’on en juge par les propos des présidents des groupes ciblés, a été convaincant. A l’issue du vote à bulletin secret, Ursula von der Leyen est reconduite par 401 voix pour, 284 contre et 15 abstentions. Ce sont 41 voix de plus que la majorité requise de 360, des voix à chercher dans le vote du groupe des Verts à l’exception des Français.
Si, au lendemain de la mise en place des commissions parlementaires, les eurodéputés goûtent à la pause estivale, la présidente de la Commission, elle, s’attelle, à partir des propositions des Etats membres, à la construction de l’équipe des commissaires avec en tête le rendez-vous de l’automne au cours duquel chacun d’entre eux sera auditionné par les eurodéputés avant une investiture de la Commission par le Parlement.
[1] Antonio Costa prendra ses fonctions le 1er décembre 2024.
[2] Avec de fortes disparités selon les pays : pas d’élue chypriote, 1/3 seulement d’élues en Allemagne ou en Italie, la parité en France et 60 % d’eurodéputées en Suède.
[3] La délégation allemande du PPE (CDU/CSU) représente la 2ème en nombre avec 29 députés. Les autres délégations fournies du groupe sont le Parti populaire espagnol et la Coalition civique polonaise avec respectivement 22 et 21 députés.
[4] Pour la représentation française : 2 présidences (commission des Affaires économiques et monétaires et sous-commission des droits de l’Homme) et 6 vice-présidences (2 premières vice- présidences, 2 deuxièmes et 2 troisièmes. C’est beaucoup moins que dans la législature précédente.
[5] La délégation française du PPE, les Républicains, a annoncé que ses membres voteraient contre.