Le Parlement européen, un acteur institutionnel mineur ! Vraiment ?

Le Parlement europŽen de Strasbourg

Le Parlement européen est une institution communautaire originelle : en 1952, voulu par les fondateurs, notamment Jean Monnet, il est l’Assemblée commune de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) et comporte 78 membres. En 1957, dorénavant instance parlementaire des trois communautés (CEE, CECA, Euratom), l’Assemblée commune devient dans le traité de Rome, l’Assemblée unique avec 142 délégués. Mais, dès sa première réunion en mars 1958, l’Assemblée adopte le nom d’Assemblée parlementaire européenne et bientôt, en 1962, elle s’autodésigne Parlement européen. Ce titre n’est validé que 25 ans plus tard dans l’Acte unique en 1987. Durant ce quart de siècle, deux changements se produisent au sein de l’assemblée : liée aux élargissements successifs de 6 à 12, une croissance numérique des effectifs qui passent de 142 à 517 et, surtout, avec l’élection au suffrage universel direct (SUD) en 1979, la transformation de délégués représentant les Etats en eurodéputés.

Au fil des législatures, une mutation majeure se produit : d’une instance consultative, le Parlement devient un organe décisionnel par un accroissement progressif de ses pouvoirs.

En 1957, l’assemblée parlementaire n’exerçait que des pouvoirs limités : un rôle consultatif sous forme d’avis sur les textes et décisions de la Commission et du Conseil dans le cadre d’une procédure non contraignante ; une participation limitée à l’élaboration du budget ; aucune intervention dans la désignation de la Commission mais la possibilité théorique de renverser cette dernière par un vote de censure.

Avec l’instauration du SUD en 1979, la faiblesse des pouvoirs du Parlement fait débat. Bien sûr, au sein de l’Assemblée qui décide en 1981 de conférer une « investiture formelle » à la Commission en se prononçant sur son programme. Mais aussi, au sein du Conseil européen, des dirigeants tenant pour un accroissement des pouvoirs (Kohl), quand d’autres se montrent réticents (Mitterrand, Chirac). La panne européenne et le développement de l’europessimisme auront raison de la timidité française.

Les étapes essentielles ont lieu à la fin des années 1980 et dans les années 1990.

En 1986, l’Acte unique, outre l’officialisation du terme Parlement européen, instaure les procédures législatives de coopération et d’avis conforme. La procédure de coopération permet au Parlement de rejeter, à la majorité absolue de ses membres et en deuxième lecture, la décision du Conseil et d’amender de façon limitée les propositions de la Commission. La procédure d’avis conforme (approbation), si elle ne permet pas au Parlement d’amender un texte, lui donne un droit de veto dans des domaines tels que l’investiture de la Commission, l’adhésion à l’Union, la signature d’accords internationaux d’association ou la coopération judiciaire en matière pénale.

En 1992, le Traité de Maastricht, institue la codécision qui prévoit  l’adoption des actes législatifs à égalité avec le Conseil dans plus d’une dizaine de domaines comme la liberté de circulation des travailleurs, l’éducation et la formation professionnelle, la protection des consommateurs, etc. Dans les années suivantes, avec les traités d’Amsterdam, de Nice, la codécision ne cesse de s’étendre à de nouveaux domaines au point qu’au terme de codécision, le traité de Lisbonne en 2007 substitue celui de procédure législative ordinaire[1].

Instance décisionnelle, le Parlement européen possède trois fonctions.

Il participe, avec le Conseil, au processus d’adoption des actes législatifs de l’Union : règlements, directives et décisions. Aujourd’hui 90 % des propositions législatives sont adoptées en procédure de codécision dans près de 85 domaines à l’exception des affaires étrangères, de la défense ou de la fiscalité. La très grande majorité des actes sont adoptés en 1ère ou 2ème  lecture, la conciliation étant devenue exceptionnelle.

Par ailleurs, le PE détient, avec le Conseil, l’autorité budgétaire. Si dans les années 1970, il acquiert le droit de rejeter le budget, le traité de Lisbonne en 2007 lui assure d’être présent dans le processus budgétaire dès le stade préparatoire. Avec le Conseil, il détermine les orientations générales, approuve la proposition de la Commission, rend le budget annuel exécutoire, contrôle la gestion des fonds européens et accorde ou pas la décharge budgétaire. Enfin il doit approuver, accepter ou refuser, sans possibilité d’amender, le cadre financier pluriannuel.

Enfin, le Parlement exerce un contrôle démocratique sur les autres institutions, principalement sur la Commission européenne. Il intervient dans la définition de sa composition : depuis le traité de Maastricht, il est consulté pour le choix de la présidence et approuve la composition finale de la Commission. Depuis le traité d’Amsterdam, la nomination à la présidence de la Commission est soumise à son approbation préalable qui survient avant la désignation des autres membres de la Commission. En outre, comme le stipule le traité de Lisbonne, le candidat à la présidence de la Commission est choisi par le Conseil européen en tenant compte des résultats des élections européennes et il est élu par le Parlement européen.

Le PE contrôle aussi l’activité de la Commission par le biais des questions parlementaires (écrites et orales) notamment à la suite du discours annuel sur l’Etat de l’Union et par le biais des commissions d’enquête. Enfin le Parlement peut renverser la Commission au moyen d’une motion de censure votée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité des membres composant l’Assemblée.

Ses pouvoirs en témoignent, le Parlement européen est bien un acteur institutionnel majeur contrairement à ce qu’affirment les forces eurosceptiques qui, pour autant, ne dédaignent pas d’en faire partie.


[1] Le traité de Lisbonne met fin à la procédure de coopération, largement en déclin depuis la procédure de codécision.