Le « plan industriel du pacte vert »

© EC – Service audiovisuel – UE, 2023 – Dati Bendo

Le discours spécial[1] d’Ursula von der Leyen, s’inscrit dans la confrontation américano-chinoise pour la prééminence mondiale en matière de technologies vertes et se veut une riposte  au plan américain de l’été 2022, l’Inflation réduction act (IRA) et, de manière plus indirecte, constitue une réponse au 14eme plan quinquennal chinois (2021-2025)[2].

A la mi-août, le président des Etats-Unis a signé l’IRA tout juste adopté par le Congrès. La nouvelle loi américaine comporte plusieurs volets : l’un porte sur la santé avec un abaissement du prix des médicaments qui doit entraîner des économies publiques substantielles (300 milliards sur 10 ans) ; un autre volet a trait à la fiscalité au travers d’une hausse d’impôts, principalement sur les sociétés, hausse qui doit permettre, outre une réduction du déficit public,  le financement d’un  3ème volet : le climat.  Le plan prévoit en effet de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030. Pour ce faire, 370 milliards de dollars de subventions sur dix ans seront distribués aux entreprises produisant des technologies vertes en particulier les constructeurs automobiles, le transport aérien et les producteurs d’énergie verte à la condition qu’elles soient implantées aux Etats-Unis. Par ailleurs, l’achat par les particuliers d’un véhicule électrique made in USA sera subventionné à hauteur de  7 500 dollars. L’IRA  a provoqué de vives réactions dans les capitales européennes qui craignent un mouvement massif  d’investissements européens aux  Etats-Unis voire de délocalisations d’entreprises européennes[3].

Quant à la Chine, après l’annonce du président chinois Xi Jinping, en septembre 2020 à la tribune des Nations Unies, d’objectifs climatiques ambitieux parmi lesquels la neutralité carbone « avant 2060 », le 14ème plan quinquennal adopté au printemps 2021 place en son cœur l’innovation au service de l’indépendance technologique du pays avec le risque d’un repli chinois pénalisant pour les entreprises européennes.

Le plan industriel européen repose sur 4 piliers : l’environnement réglementaire, les financements, les compétences et le commerce.

  • Selon la Présidente de la Commission, il convient d’améliorer le cadre réglementaire afin de le rendre plus favorable aux technologies « propres » en favorisant  l’investissement dans les secteurs énergétiques clés : l’éolien, le solaire, les pompes à chaleur, l’hydrogène propre ou encore le stockage. Les procédures pour la création de nouveaux sites de production seront accélérées. Un nouveau règlement pour une industrie à zéro émission sur le modèle de celui des semi-conducteurs sera proposé par la Commission. En parallèle, le règlement sur les matières premières critiques indispensables pour  la production de technologies clés, annoncé à l’automne 2022, doit aider à sécuriser les approvisionnements. Par la coopération avec les partenaires commerciaux, il sera possible d’échapper au monopole chinois[4].
  • Afin de maintenir l’attractivité de l’industrie européenne et pour encourager  l’investissement dans les technologies propres, les règles européennes en matière d’aide d’Etat aux entreprises seront assouplies en veillant toutefois à ce que cela ne pénalise pas les Etats les moins  dotés. D’où la proposition complémentaire de créer un fonds de souveraineté européen sans plus de précisions sur le processus et le  financement.
  • Le 3ème pilier a trait aux compétences indispensables pour la réalisation du Pacte vert. Partant du constat que l’Union connaît une pénurie de travailleurs qualifiés dans de nombreux secteurs essentiels l’ingénierie, les technologies de l’information, la santé…, la Présidente a proposé en septembre 2022 dans son discours sur l’Etat de l’Union que 2023 soit déclarée « Année européenne des talents » ou encore des compétences. Les objectifs principaux de cette initiative adoptée en octobre 2022,  sont de promouvoir les investissements dans la formation et le renforcement des compétences, réduire les pénuries de main d’œuvre dans l’UE et stimuler la compétitivité européenne.
  • Le 4ème pilier est commercial. Dans son discours, la Présidente réaffirme que le commerce international est “essentiel pour aider notre industrie à réduire les coûts, à créer des emplois et à développer de nouveaux produits”. Il faut donc garantir que ce commerce reste « équitable et ouvert ». Cette garantie passe par le développement des accords commerciaux. Discussions et approfondissement des accords déjà établis avec, par exemple, le Canada, négociations déjà engagées avec le Mexique, le Chili, la Nouvelle-Zélande, l’Australie mais aussi l’Inde, l’Indonésie et relance du processus avec le Mercosur. Face aux pratiques déloyales, l’Union doit réagir vigoureusement et ne pas hésiter à recourir aux outils réglementaires qu’elle a mis en place, notamment, le règlement sur les subventions étrangères adopté à l’automne dernier par le Conseil. Un pays est particulièrement visé et d’ailleurs nommé : la Chine. La Présidente dénonce la politique chinoise d’encouragement auprès « des entreprises grandes consommatrices d’énergie situées en Europe » à délocaliser leur production et la politique de subvention de ses propres entreprises. Mais l’agacement n’est pas moindre en direction des Etats-Unis et de leur programme de subventions synonyme de protectionnisme.  

 Le 1er février 2023, dans une conférence de presse,  la présidente de la Commission expose « le Plan industriel du pacte vert pour l’ère zéro émission nette » bâti sur les 4 piliers annoncés à Davos. Face aux réticences de plusieurs pays quant au financement du plan envisagé, la Commission avance de nouvelles propositions. S’agissant de l’assouplissement des règles communautaires en matière d’aides d’Etat et en réponse aux pays (Danemark, Finlande, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Suède) qui craignent une distorsion de concurrence au profit des économies les plus puissantes (Allemagne et France) et une fragmentation du marché intérieur, les aides d’Etat, déplafonnées à la demande notamment de l’Allemagne, seront ciblées et temporaires. Quant aux financements communautaires, devant l’opposition de plusieurs Etats, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Danemark, de créer de nouveaux instruments financiers communs, le Fonds de souveraineté européen est mis en sommeil au profit d’instruments déjà existants comme le Fonds pour l’innovation ou InvestEU.

Le 10 février les chefs d’Etat et de gouvernement adoptent le plan et demandent à la commission d’en préciser les modalités, notamment financières, pour le prochain Conseil européen prévu en mars.


[1] Discours spécial de la Présidente von der Leyen au Forum économique mondial https://france.representation.ec.europa.eu/informations/discours-special-de-la-presidente-von-der-leyen-au-forum-economique-mondial-2023-01-17_fr

[2] Parmi les nombreux commentaires :

[3] Plusieurs projets d’investissements massifs ont été annoncés par les constructeurs d’automobiles allemands Volkswagen et BMW, par les chimistes belge Solvay et français Saint-Gobain etc.

[4] « Pour les terres rares, indispensables à la fabrication des technologies-clés [énergie éolienne, stockage de l’hydrogène ou batteries], l’Europe est dépendante aujourd’hui à 98 % ».

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