
© Mathias Westermann de Pixabay
Le dimanche 23 février 2025, les citoyens allemands ont renouvelé les 630 députés du Bundestag, assemblée parlementaire du pays. Cette élection, anticipée en raison d’une crise politique qui a mis fin à la coalition au pouvoir, aboutit au départ du chancelier social-démocrate Olaf Scholz. La formation d’une « grosse koalition » ouvre la voie à Friedrich Merz, le président des conservateurs de la CDU, pour devenir le futur chancelier.
L’Allemagne est une République parlementaire composée de 16 länder fédérés. Les 630 députés du Bundestag sont élus tous les quatre ans, directement par le peuple. Le système électoral mixte (uninominal majoritaire et à la proportionnelle de liste) vise à assurer au pays une majorité parlementaire stable et à éviter l’émiettement de la scène politique. Huit partis politiques sont représentés dans l’actuel Bundestag.
La chambre haute, le Bundesrat, est composée de 69 membres, représentant les gouvernements des 16 Länder. Chaque land dispose d’un nombre de voix (de trois à six) proportionnel à son nombre d’habitants.
Le Président de la République est élu tous les cinq ans par l’assemblée fédérale regroupant les membres du Bundestag et un nombre égal d’élus des 16 länder du pays. Frank Walter Steinmeier, chef de l’Etat depuis 2017, a été réélu en 2022.
Chancelier fédéral d’Allemagne depuis décembre 2021, Olaf Scholz, le chef de file du Parti Social- Démocrate (SPD), doit assumer « la responsabilité d’une amère défaite » aux élections anticipées du 23 février 2025.
La coalition, alliant le SPD, les Verts et le Parti Libéral-Démocrate (FDP), était affaiblie par d’incessantes querelles intestines et un manque de leadership du chancelier. Elle devait conjuguer justice sociale et transition écologique, sans alourdir la dette. Les promesses électorales ont été tenues (augmentation du salaire minimum, activité sur la question ukrainienne, engagement en faveur de l’intégration de l’UE). Mais l’impopularité s’est largement traduite dans les urnes : principal grief, la gestion de l’économie allemande en perte de vitesse avec une hausse du nombre de faillites. Sur fond de tensions quant au cap à tenir et à la question de la dette, le chancelier Scholz a limogé (6 novembre 2024) son ministre des finances libéral. Cette décision a provoqué la rupture de la coalition qu’il dirigeait (retrait des députés libéraux) et l’a conduit à convoquer, au Bundestag, un vote de confiance, perdu le 15 janvier 2025 (207 voix pour, 394 voix contre, 116 abstentions), ce qui a entraîné la dissolution du Bundestag et la convocation d’élections fédérales anticipées le 23 février 2025.
Le taux de participation à ces élections (82,5 %) atteint un niveau record depuis la réunification allemande en 1990. Les partis politiques traditionnels en ressortent affaiblis. La victoire revient à la CDU (Union chrétienne démocrate, 28,2 % des suffrages, 208 des 630 sièges du Bundestag, plus 11 par rapport au scrutin de septembre 2021), devant l’AfD (Alternativ für Deutschland, 20,8 % des voix, 152 députés, plus 69 par rapport à 2021).
L’AfD, arrivé en tête avec des scores en général supérieurs à 30 % dans les cinq länder de la partie orientale de l’Allemagne, devient le premier parti d’opposition. Cela traduit un sentiment d’abandon politique et économique chez une partie des électeurs de l’Est, où 57 % des habitants se considèrent comme des citoyens de « seconde zone ». L’AfD a également bénéficié d’un électorat ouvrier qui se détourne du SPD. Cette fracture souligne les disparités économiques persistantes entre les deux Allemagne.
Le PSD, parti social-démocrate du chancelier sortant Olaf Scholz, arrive en troisième position (16,4 % des suffrages, 120 élus, perte de 44 sièges par rapport à 2021).
Les Verts sont aussi en recul (11,61 % des voix, 85 sièges, moins 33), au contraire du parti de gauche Die Linke (la Gauche, 8,77 % des suffrages, 64 sièges, plus 25).
L’alliance Sarah Wagenknecht obtient 4,97 % des voix, mais ne peut être représentée au Bundestag, n’atteignant pas le seuil nécessaire de 5 % des suffrages. Le parti Libéral (FDP) disparaît de l’assemblée (4,33 % des voix).
Après la signature d’un contrat entre les deux grands partis CDU-CSU/ SPD, la voie se dégage pour la formation d’un gouvernement sous la direction de Friedriech Merz. Le futur chancelier, âgé de 69 ans, a été élu député européen en 1989 ; il remplace Wolfgang Schäuble à la présidence du groupe CDU-CSU au Bundestag en 2000 et devient président de la CDU en 2021. Il se dit prêt à construire « l’indépendance » de l’Allemagne vis-à-vis des Etats-Unis. Une des priorités de son action se trouve dans le renforcement de la défense européenne. Renversement essentiel de la politique allemande, un plan d’investissement massif (100 milliards d’euros par an) est prévu en faveur de la défense. La modernisation des infrastructures du pays est également à son programme ; il a promis d’agir avec fermeté sur certains sujets, en particulier l’immigration, alors que l’AfD prône aussi une ligne dure dans ce domaine et contre l’islam.
Merz est perçu comme plus francophile et pro-européen par le gouvernement français ; sa visite à Paris, le 26 février 2025, annonce-t-elle un nouvel élan dans les relations franco-allemandes au sein de l’Union européenne ?
Ces élections législatives allemandes représentent une « triple secousse » (Le Monde 24/02/2025) : un certain affaiblissement des partis traditionnels, l’arrivée de l’extrême droite comme second parti allemand, et une construction probable de l’indépendance de l’Allemagne par rapport aux Etats-Unis.
L’Allemagne s’engage avec clarté et détermination dans l’unité européenne.