L’Europe s’occupe de tout et décide de tout ! Vraiment ?

© Canva

Foin des slogans, qu’en est-il donc des compétences et des domaines d’action dans lesquels l’Union européenne est habilitée à prendre des décisions ? La campagne des européennes de 2024 en atteste, des rappels s’imposent.

Le premier, essentiel, tient au fait que l’Union européenne n’a pas la compétence de sa compétence c’est-à-dire qu’elle ne décide pas de ses compétences. Elle les reçoit de l’extérieur en l’occurrence des traités et donc des Etats signataires de ces traités.  Ce sont les Etats qui  délimitent les compétences de l’Union selon un principe  inscrit à l’article 5 du Traité sur l’Union européenne (TUE) qui stipule : «2. En vertu du principe d’attribution, l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres. »

Ce sont les Etats qui bornent l’exercice des compétences de l’Union selon deux  autres principes inscrits à l’article 5 du TUE.

« 3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union […].    Les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité […] ».

« 4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités ».

Le traité de Lisbonne signé en décembre 2007 et entré en application deux ans plus tard  a permis de clarifier la répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres. Il a ainsi distingué trois catégories principales et précisé au sein de chacune les domaines d’intervention de l’Union.

– les compétences exclusives : (article 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : l’UE est la seule à pouvoir légiférer et adopter des actes contraignants dans 5 domaines : l’union douanière ; l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ; la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l’euro ; la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ;  la politique commerciale commune. Dans ces domaines, le rôle des États membres se limite donc seulement à appliquer les actes, sauf si l’Union les autorise à adopter eux-mêmes certains actes.

– les compétences partagées : (article 4 du TFUE) : l’UE et les États membres sont habilités à adopter des actes contraignants dans les domaines suivants : le marché intérieur ; la politique sociale, pour les aspects définis dans le traité ;  la cohésion économique, sociale et territoriale ; l’agriculture et la pêche, à l’exclusion de la conservation des ressources biologiques de la mer ;  l’environnement ; la protection des consommateurs ; les transports ; les réseaux transeuropéens ; l’énergie ; l’espace de liberté, de sécurité et de justice ; les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique, pour les aspects définis dans le traité. Cependant, les États membres ne peuvent exercer leur compétence que dans la mesure où l’UE n’a pas ou a décidé de ne pas exercer la sienne;

– les compétences d’appui : (article 6 du TFUE) : l’UE ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter l’action des États membres dans les domaines suivants : la protection et l’amélioration de la santé humaine ;  l’industrie ; la culture ; le tourisme ;  l’éducation, la formation professionnelle, la jeunesse et le sport ; la protection civile ;  la coopération administrative. Elle ne dispose donc pas de pouvoir législatif dans ces domaines et ne peut pas interférer dans l’exercice de ces compétences réservées aux États membres. Chaque Etat reste maître de l’action législative. L’UE mène des actions de coordination.

– enfin il est une dernière sorte de compétences dites particulières qui ont trait à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

On le voit, si l’intervention de l’Union est forte dans les dimensions économique et territoriale,  elle reste limitée dans d’autres ; ainsi les domaines régaliens (justice, police, défense) mais aussi fiscalité, éducation ou encore protection sociale restent gérés par les Etats.

De façon surprenante, mais il est vrai en pleine crise du covid et sans craindre la contradiction, les leaders hostiles par idéologie à l’intervention de l’Union, se sont indignés de son « inaction » et même, pour certains, de « son impuissance » !

Double inconséquence. D’une part, l’organisation, la fourniture et le financement des services de santé et de soins médicaux sont affaire des Etats et ne relèvent pas de la compétence de l’Union ; d’autre part, en raison de la gravité de la situation, à la demande des Etats, l’Union a joué pleinement son rôle de coordination  et de soutien. Ainsi dès le 28 janvier,  a été activé le mécanisme européen de protection civile (MEPC) afin d’aider au rapatriement des Européens résidant dans des pays tiers. Par ailleurs, après quelques tâtonnements, l’Union a grandement œuvré en matière de vaccination comme l’atteste le résultat final de 70 % de la population adulte vaccinée à la fin de l’année 2021.

L’Europe s’occupe de tout et décide de tout ! Comme toutes les idées reçues, cette assertion ne repose sur rien. Sa seule « vertu » est de faire de l’Union un bouc émissaire commode pour les démagogues en recherche d’électeurs.