Depuis plusieurs décennies, la mondialisation a provoqué une intensification des échanges de marchandises et de services à la surface de la planète. L’Europe est au coeur de ces échanges, et doit, dans une large mesure, sa place de première puissance commerciale mondiale à la politique commerciale commune. Et pourtant, face aux géants que sont la Chine et les Etats-Unis, cette politique commerciale de l’Union européenne pècherait par sa naïveté !
La politique commerciale commune est l’une des politiques les plus anciennes et l’une des plus intégrées de l’Union. En 1957, le traité de Rome qui crée la CEE stipule : « en établissant une Union douanière entre eux, les Etats membres entendent contribuer conformément à l’intérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et à la réduction des barrières douanières ».
C’est en 1962 que le contenu ainsi que les modalités de mise en œuvre de la politique commerciale commune ont été précisés par le Conseil et c’est en 1968 qu’est réalisée l’Union douanière avec suppression des droits de douane et des restrictions quantitatives pour les échanges intra-communautaires et adoption d’un tarif extérieur commun qui harmonise les droits de douane vis-à-vis des pays tiers. On tient là les deux bases de la politique commerciale commune : une politique douanière commune et des règles commerciales communes vis-à-vis des pays tiers.
Depuis 1968, la politique commerciale est pour l’essentiel une compétence exclusive de l’UE ce qui signifie que c’est l’Union et non les États membres individuellement, qui a le pouvoir de légiférer en matière commerciale et de conclure les accords commerciaux internationaux. Cela permet de parler d’une seule voix au reste du monde.
S’agissant du cadre de la mise en œuvre de la politique commerciale commune, il est défini depuis le traité de Lisbonne par le Conseil et le Parlement européen en procédure législative ordinaire (codécision). Pour la mise en œuvre, proprement dite, la Commission est l’acteur principal avec notamment le Commissaire au commerce, aujourd’hui Valdis Dombrovskis et la DG Commerce extérieur. C’est elle qui conduit les négociations avec les pays tiers. Mais elle le fait en consultation étroite avec les États membres via le Conseil de l’UE à qui elle soumet des propositions et de qui elle reçoit un mandat de négociation. Durant ces négociations, la Commission tient régulièrement informé de l’état d’avancement le « Comité de Politique Commerciale » qui comprend des représentants des 27 États membres et de la Commission européenne ainsi que le Parlement européen. Enfin, à l’issue des négociations, les accords sont signés et ratifiés par le Conseil de l’UE à la majorité qualifiée, à quelques exceptions près pour lesquelles sous certaines conditions l’unanimité est requise. Enfin, ces accords nécessitent l’approbation du Parlement européen.
La politique commerciale de l’UE couvre le commerce des biens et des services y compris culturels et audiovisuels, sociaux, de santé humaine et d’éducation, mais aussi des questions ayant trait à la propriété intellectuelle et à l’investissement direct à l’étranger.
L’agriculture constitue un cas spécifique puisque la Politique agricole commune (PAC) combine un soutien direct ou indirect à l’exportation avec un maintien de taxes à l’importation plus élevées que pour les autres produits. Les transports sont exclus de la politique commerciale.
La politique commerciale commune comporte trois volets principaux :
- les accords commerciaux avec des pays tiers, en réduisant les obstacles tarifaires et en assurant les investissements, ouvrent de nouveaux marchés et offrent de nouvelles possibilités commerciales pour les entreprises européennes. Il existe deux grandes sortes d’accords commerciaux :
- les accords de partenariat économique avec les pays en développement (Caraïbes, pays du Pacifique et Afrique), dits accords préférentiels parce qu’ils accordent un accès privilégié au marché intérieur, auxquels on peut rattacher les accords d’association qui complètent des accords politiques plus larges (par exemple l’Union pour la Méditerranée) ;
- les accords de libre-échange avec les pays développés comme la Corée du sud, le Japon, dont l’objectif est d’obtenir, par une baisse réciproque des tarifs douaniers, une intensification des échanges. Des accords plus récents dits de nouvelle génération comme le CETA (avec le Canada), en plus de réduire les droits de douane, visent à diminuer les entraves non tarifaires, intègrent les services, les marchés publics, la propriété intellectuelle, les investissements et tendent vers une harmonisation des normes qu’elles soient sanitaires, sociales, techniques ou environnementales ;
- une réglementation commerciale de défense s’attache à protéger les entreprises européennes contre les pratiques déloyales par des mesures anti-dumping, anti-subventions ou de sauvegarde ainsi que les secteurs stratégiques, notamment pour la sécurité de l’Union, contre la menace d’investissements directs étrangers ;
- la participation de l’Union européenne à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) veille au respect des règles du commerce international. Les États membres sont également signataires, mais c’est la Commission européenne qui négocie au nom de l’Union. Pour régler les différends commerciaux qu’elle peut avoir, l’Union européenne sollicite les pouvoirs de décision et d’exécution de l’OMC.
La politique commerciale constitue un levier important de l’action extérieure de l’Union européenne. Acteur majeur du commerce mondial, avec la Chine et les États-Unis, l’Union représente plus de 15 % des exportations comme des importations mondiales. Elle a des partenaires sur tous les continents avec près de 100 accords commerciaux actuellement en vigueur ou en négociation et l’Union européenne se sert de ces accords pour établir des standards pour l’environnement et le travail (par exemple, refuser l’importation de produits issus du travail des enfants).
Par ailleurs, l’Union européenne est un défenseur du multilatéralisme commercial mis à mal par la politique protectionniste de Trump et elle plaide pour sauver l’OMC en réformant l’Organisation. Mais la défense européenne du multilatéralisme n’est pas exempte d’ambiguïté : d’une part, l’Union multiplie les accords bilatéraux, d’autre part, dans ce combat, elle se retrouve aux côtés de la Chine dont l’économie est tout sauf ouverte.
Comme le montrent les efforts de régulation et de réglementation qu’elle déploie, l’Union européenne, en matière d’échanges mondiaux, ne peut être taxée de naïveté. Mais il lui reste à convaincre que l’ouverture commerciale qu’elle prône bénéficie à tous les Européens et qu’elle prend en compte les défis environnementaux.