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« On raconte toujours l’histoire de la musique pays après pays, en mettant l’accent sur leurs différences de styles et de manières. Et pourtant ! Vu d’un peu plus haut, à l’échelle du continent, ce qui saute aux yeux, c’est le bien commun musical européen ! ».
Cette présentation de la série d’émissions Musique en Europe, un bien commun[1] sur le site de France Musique définit parfaitement la problématique choisie par sa réalisatrice, Anne-Charlotte Rémond, productrice de l’émission Musicopolis dans laquelle, quotidiennement, elle s’emploie à restituer les œuvres musicales dans leur contexte historique. Le choix a donc été fait, en cet été 2024, de consacrer les cinq émissions de la même semaine [2] à la musique européenne vue sous l’angle de son unité et de sa cohérence. Le cinquième et dernier épisode de la série est d’ailleurs intitulé « D’hier à aujourd’hui, l’Europe de la musique unie dans la diversité ». Voilà qui ne peut que réjouir les Européens que nous sommes, confortés dans l’idée que la culture européenne n’est pas qu’une construction de l’esprit.
La série n’est pas à proprement parler construite comme une histoire de la musique européenne : elle commence par des symboles récents de cette reconnaissance de l’héritage musical européen commun : l’hymne européen, emprunté à la 9ème symphonie de Beethoven en 1971, les génériques de l’Eurovision à Marc-Antoine Charpentier ou encore celui de l’Union européenne de radio-télévision(UER) à Monteverdi.
La chronologie cependant s’impose logiquement comme fil conducteur de cette exploration de la musique en Europe, tant elle est à chaque époque un reflet fidèle des sociétés européennes.
Aux premiers temps du Moyen-âge elle est évidemment religieuse, et le chant byzantin comme le chant grégorien des monastères offrent des moyens de relation privilégiés avec le divin avant de s’imposer dans les églises des villes médiévales, comme celle de Saint-Martial à Limoges. Les trouvères et troubadours porteront, de leur côté, leurs chants profanes, héroïques ou amoureux, dans les cours européennes.
Par le biais des nombreux moyens d’échanges, mais aussi du fait des guerres qui ensanglantent le territoire européen, les œuvres se diffusent sur le continent, donnant à la musique européenne ses formes nouvelles. Cela a été le cas, en particulier, des œuvres polyphoniques des créateurs « franco-flamands » de la Renaissance.
Si la musique religieuse a su avec Jean-Sébastien Bach s’adapter au cadre nouveau de la réforme protestante, la musique dite profane a profité, elle, de la prospérité économique des villes italiennes de la fin du XVIIème siècle pour donner naissance à la révolution de l’opéra.
Le XIXème siècle, a été, lui, le siècle du « nationalisme musical », accompagnant à la suite de la Révolution française les mouvements révolutionnaires et l’éveil des nationalités. Les folklores nationaux sont célébrés mais, paradoxalement, compte tenu des nouveaux moyens de mobilité, les échanges d’influences musicales sont de plus en plus nombreux et s’étendront au cours du XXème siècle aux musiques du monde entier.
C’est ainsi qu’au cours des siècles une « opinion musicale » s’est forgée, jusqu’à notre époque où les identités culturelles sont devenues de plus en plus floues.
C’est un véritable voyage dans l’Europe de la musique que nous propose Anne-Charlotte Rémond. Un voyage fort agréable, en compagnie des très nombreux compositeurs évoqués et de leurs musiques, et évidemment instructif tant l’intelligence du propos construit une vision particulièrement séduisante de l’histoire musicale européenne.
Deux heures d’écoute que nous ne saurions recommander que très chaudement.
[1] https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/serie-musique-en-europe-un-bien-commun#concept-about
[2] Du 5 au 9 août 2024 mais disponible en réécoute. 5 épisodes de 25 minutes.