Vers la réouverture de l’espace européen ?

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La pandémie du printemps 2020 a conduit les États membres à restreindre la circulation des personnes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union européenne.

« Il est désormais temps de rouvrir », a dit, le 8 juin 2020, Ylva Johansson, Commissaire aux Affaires intérieures. Une semaine plus tard, où est-on ?

La réouverture des frontières intérieures de l’Union européenne (UE) se fait en ordre dispersé.

Début juin, l’Italie (le 3) et la Grèce (le 15) sont les premiers États à prendre cette décision. Le Portugal hésite, l’Espagne où les décisions, très changeantes, sont difficiles à suivre (ouverture le 21 juin ?), place les étrangers en quarantaine jusqu’au 1er juillet.

Les Pays baltes mettent en place un « mini Schengen », suivis en Europe centrale par la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie (pour les séjours inférieurs à 48 h), alors que la Pologne, un temps dans le flou, décide la fin de la mise en quatorzaine à partir du 13 juin.

D’autres États conservent certaines restrictions ciblées ; Norvège et Danemark ouvrent leurs  frontières aux seuls pays voisins ; les Pays-Bas déconseillent les voyages vers le Royaume-Uni et vers la Suède ; la Finlande demande des mesures d’exception jusqu’au 14 juillet. La Roumanie établit une liste rouge de douze pays, dont la France et l’Allemagne, ces derniers annonçant pour le 15 juin le retour à une circulation normale entre les deux pays et pour les ressortissants de l’UE. Le Royaume-Uni impose un isolement strict de quatorze jours, à partir du 8 juin, à tous les voyageurs arrivant dans le pays, quelle que soit leur nationalité.

L’Autriche interdit l’accès à son territoire aux Espagnols, Portugais, Suédois et ressortissants du Royaume-Uni.

Ainsi la gestion des frontières reste dans la main des États ; la Commission européenne ne peut faire que des recommandations pour mettre un terme à la cacophonie.

La Commission européenne propose des orientations pour la réouverture de la frontière extérieure de l’Union (espace Schengen).

Les accords de Schengen attribuent un rôle de « coordination » à Bruxelles, dont les compétences sont limitées sur le sujet des frontières (voir lettre info n° 38).

Cependant, les États membres semblent plus unis à propos de la réouverture de la frontière extérieure de l’UE. La Commission affiche, en effet, une volonté de gestion plus cohérente de retour à la libre circulation. La Commissaire européenne aux Affaires intérieures a appelé à un retour au fonctionnement complet de l’espace Schengen et à la réouverture des frontières extérieures pour le 1er juillet. Pour cela, le 13 mai 2020, la Commission publie un ensemble de mesures regroupant des orientations et des recommandations, dans le paquet « Tourisme et transports », afin d’ assurer la sécurité des personnels et des passagers dans les transports, ainsi que la reprise progressive, en toute sécurité, des activités touristiques.

La situation sanitaire des États-Unis, de la Russie, du Brésil, est au centre des discussions de préparation des « recommandations » que la Commission doit publier à la mi-juin 2020. La chronologie différente d’évolution de la pandémie, les enjeux économiques importants rendent la situation plus complexe.

Les enjeux économiques de la réouverture des frontières sont importants, en particulier dans les secteurs de l’agriculture et du tourisme, mais aussi du bâtiment et de la restauration.

Les campagnes attendent le retour des travailleurs saisonniers, dont la pénurie paralyse l’agriculture européenne :

  • En France, les travaux agricoles mobilisent plus de 600 000 saisonniers par an, dont 22,6 % d’étrangers et alors que 9 000 Marocains et 1 500 Tunisiens étaient attendus, à peine 1 500 se trouvaient sur le territoire au moment de la fermeture des frontières ;
  • l’Espagne manque de main d’œuvre dans les vergers (cueillette des cerises, des fraises), pour la tonte des moutons ;
  • en Belgique, 90 % des saisonniers viennent de Pologne, de Roumanie, de Bulgarie ;
  • l’Allemagne a autorisé, le 2 avril, l’entrée de deux contingents de 40 000 saisonniers en avril et en mai pour la récolte des asperges et du houblon.

Le tourisme reste cependant l’enjeu majeur : 10 % du PIB de l’UE, 12 % des emplois, surtout dans les pays du Sud, Grèce, Italie, Espagne et Portugal. Le 13 mai, la commission a proposé une levée progressive et coordonnée des restrictions (voir plus haut). Bruxelles lance, le 15 juin, le « Re-openEU », une application pour les voyages en Europe : la plateforme vise à promouvoir une reprise aisée et sans risques des voyages d’un pays européen à l’autre. Mais, dans les faits, les réglementations ne sont pas homogènes : si l’Espagne, par exemple, compte accueillir à nouveau les touristes étrangers le 1er juillet prochain, les Français et les Portugais bénéficieront de la réouverture dès le 22 juin.

Cette réouverture en ordre dispersé ne risque-t-elle pas de contribuer à une fragmentation de l’espace Schengen ? Certains le craignent ; cependant, faut-il encore le rappeler, il n’y a pas de « suspension » des accords, mais la mise en place de mesures d’exception. Cette situation met surtout en lumière un manque de coordination jugée « lamentable » par Juan Fernando Lopez Aguilar, Président de la commission des libertés civiles du Parlement européen, qui rajoute : « En rétablissant le fonctionnement normal de Schengen, nous ferons en sorte de tirer les leçons de ces erreurs ».

 

Sources :

 

 

 

 

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