Zéro pollution dans l’UE, vraiment ?

Frans Timmermans et Virginijus Sinkevičius – © Claudio Centonze Union européenne, 2021

L’Union européenne se préoccupe d’environnement depuis les années 1970. Avec le Pacte vert, l’ambition semble être montée d’un cran. L’annonce d’une Europe zéro pollution en 2050 relève-t-elle du vœu pieux ? 

L’un des objectifs du Pacte vert européen est de construire une planète en bonne santé. Cela implique pour l’UE de lutter entre autres contre la pollution de l’air, de l’eau, des sols et des produits de consommation. Car les effets de la pollution sont aujourd’hui bien établis :

  • effets sur la santé humaine : près de 9 millions de décès prématurés dans le monde, soit trois fois plus que les décès causés par le sida, la tuberculose et le paludisme additionnés et quinze fois plus que toutes les guerres et autres formes de violence. Dans l’UE, chaque année,  la pollution est responsable de cancers, de maladies cardiaques et pulmonaires, d’accidents vasculaires cérébraux, de troubles mentaux et neurologiques, du diabète ; soit, au total 1 décès sur 8 qui touche principalement les enfants, les personnes atteintes de pathologies sévères et les personnes âgées sans oublier les personnes handicapées et les personnes vivant dans des conditions socio-économiques plus précaires.
  • effets sur la biodiversité : la pollution est l’une des 5 causes principales d’appauvrissement de la biodiversité, les quatre autres étant les changements d’usage des terres et de la mer, la surexploitation des ressources naturelles, le changement climatique et les espèces exotiques envahissantes… Aujourd’hui, selon les estimations, est en jeu la survie de plus d’un million d’essences végétales et d’espèces animales sur les huit millions que compte la planète.   

Or, le progrès économique et la réduction de la pollution ne sont pas incompatibles :  ainsi, entre 2000 et 2017, alors que le PIB de l’UE a augmenté de 32 %, les émissions des principaux polluants atmosphériques ont diminué de 10 % pour l’ammoniac, provenant principalement de l’agriculture, à 70 % pour les oxydes de soufre, provenant principalement de la production industrielle.

L’ambition de l’Union, c’est « zéro pollution pour 2050 ». Par-là, il faut entendre un niveau de pollution qui cesse d’être nocif pour la santé, pour les écosystèmes naturels, et qui respecte les limites auxquelles notre planète peut faire face. L’ambition « zéro pollution » s’inscrit dans le programme de développement durable des Nations-Unies pour 2030 à travers plusieurs des 17 Objectifs Développement Durable (ODD) et complète l’objectif de neutralité climatique de l’UE à l’horizon 2050.  

Les objectifs du « zéro pollution » à l’horizon 2030 sont définis dans un plan d’action proposé en mai 2021 et intitulé : Vers une pollution zéro pour l’air, l’eau et les sols. Ce plan prend en compte les principes de précaution et d’action préventive, le principe de la correction par priorité à la source des atteintes à l’environnement, le principe de pollueur-payeur et, surtout, il inverse la pyramide d’action en posant que la pollution doit être évitée à la source.

Le plan comporte six objectifs de réduction :

  • réduire de plus de 55 % les incidences de la pollution atmosphérique sur la santé (notamment des décès prématurés) ;
  • réduire de 30 % la part des personnes souffrant de troubles chroniques dus au bruit des transports ;
  • réduire de 25 % les écosystèmes de l’UE où la pollution atmosphérique menace la biodiversité ;
  • réduire de 50 % les pertes de nutriments, l’utilisation des pesticides chimiques et les risques qui leur sont associés, la vente d’antimicrobiens pour les animaux d’élevage et dans l’aquaculture ;
  • réduire de 50 % les déchets plastiques en mer et de 30 %, les micro-plastiques libérés dans l’environnement ;
  • réduire de façon significative, la production totale de déchets et de 50 % les déchets municipaux résiduels.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission propose plusieurs initiatives phares pour la période 2021-2024 :

  • un meilleur alignement des normes de qualité de l’air sur les dernières recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé ;
  • la révision des normes de qualité de l’eau, y compris dans les rivières et les mers de l’UE ;
  • la réduction de la pollution des sols et l’amélioration de leur restauration ;
  • la révision de la majeure partie de la législation européenne en matière de déchets afin de l’adapter aux principes de l’économie propre et circulaire ;
  • la promotion d’une production et d’une consommation « zéro pollution » ;
  • la présentation d’un tableau de bord des performances écologiques des régions de l’UE afin de promouvoir la pollution zéro dans toutes les régions ;
  • la réduction des inégalités en matière de santé dues à la part disproportionnée des effets nocifs sur la santé qui est aujourd’hui supportée par les personnes les plus vulnérables ;
  • la réduction de l’empreinte de pollution externe de l’UE en limitant l’exportation de produits et de déchets qui ont des effets nocifs et toxiques dans les pays tiers ;
  • le lancement de « laboratoires vivants (Living Labs) » pour des solutions numériques vertes et une pollution zéro intelligente ;
  • la consolidation des centres de connaissances de l’UE sur la pollution zéro et le rassemblement des parties prenantes au sein de la plate-forme des acteurs concernés par l’ambition «zéro pollution» ;
  • une application stricte des règles en matière de pollution zéro en collaboration avec les autorités compétentes chargées de l’environnement et d’autres autorités.

Au total, une ambition saluée par les associations, des mises à jour législatives bienvenues, un financement, assuré par le plan de relance mais des outils concrets limités. Pour une évaluation de la mise en œuvre du plan, rendez-vous en 2025.

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