Bilan de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne

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Le 1er juillet 2020 l’Allemagne a entamé sa 13ème  présidence du Conseil de l’Union européenne. Cette dernière a débuté dans un contexte particulier, marqué par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences économiques. L’UE traverse « la plus grande crise de son histoire », avait souligné la chancelière Angela Merkel devant le Parlement européen.

Le mandat de l’Allemagne à la tête du Conseil de l’Union européenne a pris fin le 1er janvier 2021 laissant la place au Portugal. Nous avons analysé le bilan de la présidence allemande au regard de ses objectifs, de ses résultats, ainsi que des dossiers transmis au Portugal.

Les priorités de la présidence allemande

Placé sous le thème « Tous ensemble pour relancer l’Europe », le programme de la présidence allemande comportait six grands objectifs :

  1. la maîtrise durable de la pandémie de COVID-19 en améliorant le dispositif de gestion de crise de l’UE ;
  2. une « Europe plus forte et plus innovante» autour de deux axes, le développement de la souveraineté numérique et l’organisation d’une architecture financière durable et stable ;
  3. une « Europe juste» concernant la promotion de la solidarité entre générations et l’égalité entre les femmes et les hommes ;
  4. une « Europe durable» accordant la priorité à une politique climatique, environnementale et de protection de la biodiversité ambitieuse, ainsi qu’à une agriculture durable ;
  5. une « Europe de la sécurité et des valeurs communes» visant à renforcer l’état de droit et la coopération policière, judiciaire et douanière, à réformer la gestion des migrations et des réfugiés ;
  6. une Europe avec une capacité d’action renforcée à l’extérieur en appui au haut représentant de l’UE.

Les principaux résultats

On peut avancer que cette présidence allemande conduite dans un contexte très difficile est un succès, ceci à moins d’un an de la fin de la carrière politique d’Angela Merkel.

La principale réussite, c’est le plan de relance économique initié le 18 mai par le couple franco-allemand. Il marque un tournant fondamental dans la politique européenne de l’Allemagne fondée depuis toujours sur la rigueur budgétaire. Pour la première fois la chancelière, contre l’avis de son parti et de l’opinion publique allemande, a soutenu l’idée d’une mutualisation des dettes et a réussi à convaincre les pays dits « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Suède et Autriche) lors du Conseil européen du 17 au 21 juillet.

L’acceptation définitive du plan de relance européen de 750 milliards d’euros ainsi que du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 de 1074 milliards d’euros, n’a été obtenue au dernier Conseil européen du 10-11 décembre 2020, qu’après avoir surmonté le veto de la Hongrie et de la Pologne qui s’opposaient au conditionnement du versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit.

Parmi les autres avancées on peut citer trois dossiers :

  • Au niveau de la transition climatique la fixation d’un objectif de 55 % de réduction des émissions de carbone en 2030  par rapport au niveau constaté en 1990  et l’engagement que 30 % du plan de relance et du budget pluriannuel de l’UE seront consacrés à des dépenses qui favorisent cette transition.
  • Au niveau de la transition numérique, les dirigeants européens ont invité la Commission à présenter, d’ici mars 2021, une « boussole numérique » sur les ambitions concrètes de l’UE à l’horizon 2030. Ils ont convenu qu’au moins 20 % des fonds pour la reprise y seraient consacrés.
  • Au niveau des relations extérieures, la présidence allemande a accompagné la conclusion in extremis d’un accord sur le Brexit le 24 décembre 2020.

Cependant tous les objectifs n’ont pas été atteints : à la fin de cette « présidence Corona », la chancelière a elle-même déclaré que « beaucoup de choses n’ont pas pu être réalisées – et c’est dommage ».

On peut retenir deux limites dans les résultats :

  • Dans la lutte contre la Covid-19, des progrès ont, certes, été effectués pour mieux coordonner les politiques nationales mais il est difficile d’oublier les réactions dispersées des pays membres et le manque de solidarité dans la gestion des masques et des respirateurs au début de la pandémie. De même aujourd’hui la Commission européenne a pris la direction des commandes de vaccin auprès des laboratoires pharmaceutiques, mais on peut regretter la lenteur de la campagne de vaccination.
  • En politique extérieure, les relations avec la Turquie n’ont pas pu être améliorées, le début des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie a échoué en raison du veto de la Bulgarie, les sommets prévus avec la Chine et l’Union africaine ont dû être annulés. Un accord de principe sur les investissements a été conclu à la dernière minute avec la Chine le 30 décembre 2020, mais de nombreux experts critiquent les fragiles engagements de Pékin concernant le respect des règles de concurrence équitable et le renoncement au travail forcé.

Le passage de relais au Portugal

« Il est temps de passer à l’action, de mettre sur le terrain les instruments dont nous nous sommes dotés : le plan de vaccination à l’échelle européenne et les plans de relance nationaux » a déclaré le premier ministre Antonio Costa en débutant la présidence portugaise.

En coordination avec la Commission européenne, Lisbonne devra encourager les 27 membres à  poursuivre la concertation sur les mesures sanitaires. Principale priorité du semestre portugais, l’adoption des différents plans de relance nationaux qui, selon Lisbonne, doivent favoriser « une reprise économique et sociale qui aura pour moteurs les transitions climatique et numérique ».

Afin de « garantir que cette double transition soit une occasion pour tous », le Portugal souhaite organiser un « sommet social » les 7 et 8 mai 2021 à Porto, pour développer les droits sociaux des Européens.

Il devra également accompagner la mise en œuvre de l’accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Royaume-Uni, et il pourrait bénéficier de l’arrivée à la Maison Blanche du démocrate Joe Biden, moins hostile à l’UE que Donald Trump.

Un autre dossier épineux dont le Portugal hérite concerne le nouveau Pacte migratoire présenté par la Commission en septembre 2020 et qui n’a pas avancé à cause des profondes divisions entre les 27.

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