Dieu existe, son nom est Petrunya – Prix Lux du cinéma européen 2019

Dieu existe, son nom est Petrunya. Titre étrange pour un film !

Petrunya ! Ce prénom, que l’on devine féminin, aux accents slaves ou balkaniques, associé à l’existence de Dieu, a, en effet, de quoi surprendre.

Petrunya, c’est le nom de l’héroïne du film de la réalisatrice macédonienne Teona Strugar Mitevska [1] qui a reçu le 13ème Prix Lux du cinéma européen, en novembre 2019, des mains de David Sassoli, président du Parlement européen. Un prix qui, rappelons-le, est décerné chaque année, les films sélectionnés devant « contribuer à diffuser différentes opinions sur quelques-uns des principaux enjeux sociaux et politiques du moment et, donc, à créer une identité européenne plus forte », est-il écrit sur le site internet dédié au prix [2].

Les enjeux « sociaux et politiques » portés par cette Petrunya, dépassent probablement son personnage modeste de jeune femme complexée, peu expansive, et qui, à plus de trente ans, vit encore chez ses parents. A-t-elle une intention « politique » lorsqu’elle prend part, de façon irréfléchie, à une course traditionnellement réservée aux hommes et parvient à attraper le « gros lot », un crucifix jeté dans la rivière par le prêtre orthodoxe ? Certainement pas. Mais l’acharnement et la violence que l’obscurantisme religieux et le machisme ambiant déclenchent contre elle font progressivement de cette femme ordinaire une incarnation de l’émancipation féminine et de la protestation contre les dominations masculine et traditionnaliste. La croix de bois qui était en jeu au cours de la compétition était censée assurer au vainqueur « une année de bonheur et de prospérité ». Pourquoi, parce que femme, n’y aurait-elle pas droit ?

Et pourquoi, si Dieu existe, son nom ne serait-il pas « Petrunya » ?

Un film aussi étrange que son titre. Entre farce, fable et drame social. L’actrice Zorica Nusheva y est étonnante de sobriété et de vérité, autant dans sa maladresse à prendre sa place dans la vie ordinaire que dans sa résistance paisible face aux pressions de la société patriarcale macédonienne.

Une histoire étrange que l’on prend, vraiment, plaisir à voir. Un plaisir d’Européen curieux. Un plaisir de cinéma tout simplement.


 

[1] Une co-production Macédoine du Nord / Belgique / Slovénie / Croatie / France.

[2] Les autres films en compétition en 2019 étaient : Cold Case Hammarskjöld de Mads Brügger (Danemark / Norvège / Suède / Belgique) et El Reino de Rodrigo Sorogoyen (Espagne / France).

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