Discours sur l’état de l’Union 2023

Le discours sur l’état de l’Union instauré par le traité de Lisbonne et inauguré en 2010, s’il est très inspiré du modèle américain, est pratiqué dans plusieurs pays européens tels le Luxembourg et, avec le discours du trône, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Prononcé dans l’hémicycle de Strasbourg devant les eurodéputés, il permet à la présidente de la Commission européenne de dresser le bilan de l’année qui vient de s’écouler et d’annoncer les chantiers prioritaires de l’année à venir.

Les modalités de cette séance très solennelle sont fixées dans un accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne. Le discours du (de la) chef(fe) de l’exécutif d’une heure environ est suivi d’un débat avec les eurodéputés. Pendant deux heures environ, les groupes politiques peuvent ainsi questionner, commenter voire critiquer le propos présidentiel.

Evénement majeur de l’année politique européenne, le discours sur l’état de l’Union est peu rapporté auprès des opinions nationales par la presse généraliste. Mais il est analysé de près par les acteurs et observateurs des affaires européennes.

Ce discours 2023, quatrième et dernier de la mandature, était attendu avec curiosité car susceptible de fournir des éléments de réponse, même ténus, à l’interrogation majeure pour l’après juin 2024 : Ursula von der Leyen, quitte ou double ? Il convenait donc de suivre avec attention l’exposé du bilan de l’année et plus encore des mesures avancées pour les neuf mois à venir d’ici juin 2024, date des élections européennes.

D’emblée, la présidente a élargi le bilan de la Commission aux quatre années passées pour signaler que 90 % des orientations annoncées en 2019 ont été traduites en action : Union géopolitique (Ukraine), pacte vert pour l’Europe, transition numérique, plan de relance, union pour la santé, égalité femmes/hommes, autant de dossiers qui ont connu des avancées significatives mais qu’il convient de consolider. D’où l’invitation à la fin de son propos introductif à s’unir pour préparer demain.

Sans grande surprise, le premier dossier évoqué est le Pacte vert dont elle souligne qu’il est aussi un programme économique bâti sur le binôme modernisation et décarbonation qui implique un dialogue permanent avec les différents acteurs économiques :

  • discussion avec les différentes filières industrielles pour gérer la transition énergétique, soutien à l’industrie en particulier celle des technologies propres et annonce d’une rétorsion aux pratiques anticoncurrentielles chinoises notamment les fortes subventions publiques, hier pour la production des panneaux solaires, aujourd’hui pour celle des véhicules électriques ;
  • davantage de dialogue et «  moins de polarisation » avec le monde agricole invité à participer à la défense de la biodiversité tout en continuant à assurer la sécurité alimentaire des Européens.

S’il ne constitue pas une véritable inflexion stratégique, cet appel au dialogue prend en compte, à l’évidence, les critiques, les réticences voire les résistances des milieux économiques productifs à l’encontre des mesures environnementales, critiques relayées de plus en plus ouvertement par la droite européenne pourtant membre de la majorité parlementaire à Strasbourg et reprises par des responsables gouvernementaux de plusieurs pays.

 Les thématiques suivantes ont trait à la compétitivité économique européenne. Ursula von der Leyen identifie trois handicaps européens qui représentent de vrais défis économiques à relever notamment pour l’industrie : les lacunes du marché du travail caractérisé par une pénurie de main d’œuvre et de compétences avec, dans le même temps, un accès difficile à l’emploi pour les jeunes et les femmes ; la persistance d’une inflation forte et enfin la difficulté des entreprises européennes à développer leur activité en Europe en raison d’un environnement réglementaire peu favorable.

La troisième thématique porte sur la transition numérique et sur l’Intelligence artificielle (IA). Après un rappel des efforts de l’Union pour développer le numérique et pour créer un « espace numérique plus sûr », Ursula von der Leyen souligne le rôle pionnier de l’Union dans la définition d’un cadre mondial pour l’IA comportant des garde-fous, une gouvernance unique au moins en Europe et une orientation responsable de l’innovation. Elle propose de créer, sur le modèle du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) un organisme chargé d’analyser les avantages et risques de l’IA pour l’humanité.

Les relations de l’Union avec le monde extérieur sont abordées dans les deux développements suivants.

Dans une partie qui associe, Monde, migrations et sécurité, la présidente aborde la question des relations avec l’Afrique qu’il convient d’aider par la coopération et le dialogue constructif avec les autorités légitimes. Au-delà de la seule Afrique, et pour contrer par l’investissement les ambitions chinoises, elle propose de développer la collaboration avec les économies émergentes. La question migratoire est rapidement évoquée avec le double souhait d’une adoption rapide du Pacte migratoire et de l’intégration prochaine de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen.

Le second développement porte sur l’Ukraine. Outre la prolongation de la protection temporaire aux réfugiés ukrainiens et le soutien au pays en guerre, l’horizon européen du pays est confirmé. De même, est évoqué sans précisions de calendrier et de modalités l’élargissement de l’Union aux pays des Balkans occidentaux comme « catalyseur de progrès ».

Ce discours a, dans l’ensemble, été plutôt bien reçu dans l’hémicycle. A l’exception des députés eurosceptiques (ECR) et europhobes (ID) qui ont rejeté le discours en bloc, les autres groupes ont salué le propos sans se priver chacun de signaler des lacunes ou insuffisances : les libéraux ont regretté l’absence de référence à la défense des valeurs et de l’État de droit, les eurodéputés de gauche ont pointé la timidité des propos sur le social, les députés écologistes ont invité la présidente à tenir le cap du Pacte vert quand la droite conservatrice, plutôt satisfaite met en garde contre toute naïveté dans la mise en œuvre de certaines mesures.

Dans la presse, plusieurs organes ont souligné le caractère « calibré », équilibré et recentré d’un discours à même de forger du consensus. Face au silence de la présidente sur ses intentions, certains ont voulu et veulent voir dans l’appel au dialogue réitéré tout au long du discours, un premier pas vers sa candidature pour un deuxième mandat.

Réponse dans quelques mois.

Crédits photo: © EC – Audiovisual Service – 2023 – Christophe Licoppe

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