EUROJUST, ça marche !

© Eurojust

L’Europe de la coopération judiciaire existe et elle a pour nom : Eurojust. Eurojust est l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale. Elle a pour vocation d’aider les autorités des Etats membres, moins le Danemark qui ne participe pas, à lutter contre les formes de criminalité organisée touchant plusieurs pays de l’Union notamment la grande criminalité transfrontière. Comme le stipule l’article 85 du TFUE, la mission d’Eurojust est “d’appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol”.  En d’autres termes, Eurojust coordonne les enquêtes et les poursuites se déroulant dans au moins deux pays, aide à résoudre les conflits de juridiction et facilite l’élaboration et la mise en œuvre des instruments juridiques de l’UE comme les mandats d’arrêt européens, les décisions d’enquête européenne ou la reconnaissance mutuelle des décisions de gel ou de confiscation de biens ou d’éléments de preuve.

Eurojust a été instituée en tant qu’organe de l’Union doté de la personnalité  juridique en 2002. Elle a débuté ses activités en 2003 avec pour siège La Haye (Pays-Bas). Afin de permettre  la collaboration entre les Etats, Eurojust fonctionne en collège. Composé de membres nationaux, juges, procureurs ou autres professionnels de la justice de compétence équivalente, le collège est responsable de l’organisation et du fonctionnement d’Eurojust.  Chaque Etat, à l’exception du Danemark,  y détache un membre national, dont la durée du mandat est déterminée par l’Etat membre d’origine (généralement cinq ans). Ancien juge d’instruction et spécialiste de la criminalité organisée, Baudoin Thouvenot représente la France depuis septembre 2019 pour une durée de quatre ans. Incarnant le collège, le président d’Eurojust est élu par les membres pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.  Réélu en 2020, Ladislas Hamran, ancien procureur général en Slovaquie est assisté dans ses fonctions par  deux vice-présidents.

Le collège tient des réunions régulières pour discuter et voter sur les activités d’Eurojust et d’autres questions pertinentes. En plus des membres nationaux, du  représentant de la Commission et du directeur administratif d’Eurojust, le Parquet européen peut également participer, sans droit de vote, aux réunions en rapport avec ses missions tandis que d’autres parties dont l’avis intéresse Eurojust peuvent être invitées en tant qu’observateurs à des réunions spécifiques.

Le financement d’Eurojust, près 46 millions d’euros en 2022, est assuré par le budget général de l’Union européenne, à l’exception des salaires des membres nationaux et de leurs assistants, qui demeurent à la charge de leur Etat d’origine.

Eurojust peut intervenir lorsque les crimes concernent aux moins deux Etats membres (les 26 de l’Union européenne) ou associés (le Danemark et 13 autres Etats hors UE dont le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Norvège, la Suisse ou l’Ukraine). Cette intervention consiste avant tout à appuyer les Etats dans leur lutte contre le terrorisme, le blanchiment d’argent, le trafic d’armes etc. Cette intervention revêt des formes multiples :

  • soutien logistique et financier aux Etats qui mènent des enquêtes, notamment dans le cadre d’équipes communes d’enquête (ECE) chapeautées par l’Agence (en 2021, 254 ECE ont été financées) ;
  • organisation de réunion de coordination et de facilitation de l’entraide judiciaire ;
  • gestion d’un réseau mondial de procureurs de liaison et de points de contact, offrant un accès aux juridictions du monde entier ;
  • gestion des centres de coordination à partir desquels des journées d’action commune contre les réseaux criminels sont pilotées en temps réel ;
  • accueil du réseau Génocide qui rassemble des experts européens sur les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocides.

Par ailleurs, Eurojust dans le cadre de ses missions coopère avec d’autre organes de l’Union : le réseau judiciaire européen en matière pénale (RJE) dont elle héberge le secrétariat, Europol, l’OLAF (Office européen de lutte anti-fraude) et  le Parquet européen.

L’invasion russe de l’Ukraine a, pour Eurojust, changé quelque peu la donne.

Dès les premiers jours de l’agression, l’armée russe a été accusée de crimes de guerre. Le 8 avril, une semaine après la découverte de dizaines de civils exécutés le 31 mars à Boutcha près de Kiev, l’Union européenne a annoncé qu’elle mettait à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes par la justice ukrainienne. Ainsi Eurojust soutient l’équipe commune d’enquête composée de la Lituanie, de la Pologne et de l’Ukraine, partenaire de l’Agence depuis 2016, et elle coopère avec le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) qui, le 25 avril 2022,  a rejoint  l’équipe commune d’enquête. Eurojust centralise les éléments de preuve recueillis afin de faciliter les échanges, d’éviter les doublons et ainsi d’accélérer les enquêtes et les éventuelles poursuites pouvant être menées devant la CPI.

Le mois suivant, sur proposition de la Commission adoptée par les colégislateurs, le mandat de l’agence a été élargi : dorénavant, Eurojust a « la possibilité légale de collecter, de conserver et de partager des preuves de crimes de guerre ».

Le 3 juillet 2023, un bureau chargé d’instruire l’agression commise par la Russie contre l’Ukraine a ouvert ses portes, à La Haye. Outre l’Ukraine, cinq pays de l’Union européenne, les trois Etats baltes, la Pologne et la Roumanie, participent à ce Centre international pour la poursuite du crime d’agression (CIPA), placé sous l’autorité d’Eurojust.

Une première marche vers un tribunal spécial ?

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