Le programme Erasmus est né en 1987. Pensé à l’origine pour favoriser la mobilité des étudiants, il s’est toutefois ouvert dès 1995 aux apprentis.
Pourtant à ce jour, sur plus de 10 millions d’européens qui ont pu effectuer un séjour de mobilité grâce à ce programme, les apprentis qu’ils soient en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, ne représentent que 8 % des bénéficiaires.
Même si en France le dispositif s’est fortement développé chez les apprentis ces dernières années, les séjours sont le plus souvent limités à une durée de 2 à 4 semaines, contre 3 à 12 mois pour les jeunes en cursus universitaire et l’idée d’ intégrer une mobilité dans son parcours d’apprentissage est loin d’être une évidence pour des jeunes qui viennent le plus souvent d’un milieu modeste, ont peu l’habitude de voyager hors de France et ont des difficultés à maitriser une langue étrangère.
Les entreprises d’accueil, qui ont quant à elles du mal à voir partir leurs apprentis sur un temps plus long, sont également rarement un moteur de mobilité.
Mais d’autres freins existent, qu’ils soient à caractère juridique, administratif, financier ou académique, conséquence notamment de l’absence d’un statut européen de l’apprentissage.
En effet, le contrat d’apprentissage avec l’employeur doit être suspendu en cas de mobilité supérieure à quatre semaines et le nouveau cadre susceptible de couvrir l’apprenti en termes de droit du travail ou de couverture sociale varie selon le pays d’accueil, ce qui complexifie d’autant l’organisation des projets de départ et en rallonge les délais.
Le fonctionnement de la mobilité se heurte également au régime actuel des aides pilotées par les OPCO (opérateurs de compétences, chargés de financer l’apprentissage) jugées trop faibles et disparates pour accompagner le dispositif.
Enfin, les difficultés de reconnaissance des acquis qui ont pu être validés dans les établissements d’accueil à l’étranger peuvent constituer un motif d’achoppement supplémentaire.
Pour autant, l’objectif d’une ouverture plus large à une mobilité longue des apprentis, garante d’un renforcement des compétences et d’une meilleure employabilité[1] , a été relancé ces dernières années, appuyé par plusieurs travaux et rapports[2] et conforté par la déclaration de Porto du Conseil européen de mai 2021.
Les obstacles ont été identifiés et reconnus et des préconisations de réforme qui font désormais consensus ont été établies, telles qu’une plus grande facilitation de la reconnaissance des acquis en mobilité, le renforcement de l’enseignement des langues, la garantie d’une couverture sociale, la généralisation d’un référent mobilité dans les CFA (centre de formation des apprentis) mais aussi la nécessité de développer des réseaux européens d’établissements partenaires et la réciprocité dans les échanges d’apprentis.
Il y a eu à ce titre des jalons de posés avec la loi du 6 septembre 2018 sur la liberté de choisir son univers professionnel qui oblige tout nouveau CFA à nommer un référent mobilité tout comme avec l’expérimentation MONA (Mon apprentissage en Europe) lancée en 2022 qui vise à accélérer la mise en place de ces référents dans une quarantaine de CFA partenaires comme vecteurs de la mobilité longue, susceptibles d’essaimer leur expérience.
Et c’est dans cette dynamique que l’Assemblée nationale a adopté à une large majorité le 11 mai dernier une proposition de loi visant à faciliter la mobilité européenne des apprentis, proposition désormais en attente d’un examen par le Sénat.
Elle contient trois principales mesures :
- créer dans le code du travail un droit d’option pour l’employeur entre la mise en veille du contrat de l’apprenti pendant les mobilités longues (plus de quatre semaines) ou la mise à disposition de l’alternant auprès de la structure d’accueil à l’étranger ;
- faciliter la conclusion des conventions de mobilité. La signature de la convention individuelle de mobilité par l’organisme de formation d’accueil ne sera pas nécessaire lorsqu’une convention de partenariat liera déjà cet organisme avec les organismes de formation français (organisme de formation, centre de formation des apprentis…) ;
- garantir à tous les alternants en mobilité un socle de financement de leur protection sociale. Les niveaux de prises en charge par les OPCO seront encadrés par décret, pour les harmoniser. Les frais engagés par les CFA ou les organismes de formation pour la prise en charge de la protection sociale des alternants en mobilité seront obligatoirement compensés par l’opérateur de compétences.
Cette initiative parlementaire prouve que l’internationalisation de la formation professionnelle est aujourd’hui un principe de plus en plus partagé.
Elle rejoint la volonté de beaucoup de promouvoir une plus forte démocratisation du programme Erasmus et de voir aboutir à terme un espace européen de l’apprentissage, dans la lignée de ce qui a été mis en place pour l’enseignement supérieur.
Elle s’inscrit en toute logique dans la dynamique de l’Année européenne des compétences.
[1] L’Observatoire Erasmus+ souligne que ces mobilités professionnelles constituent un véritable levier d’insertion dans l’emploi :
- les jeunes qui ont réalisé une mobilité encadrée à l’étranger trouvent, en moyenne, un travail en 2,9 mois contre 4,6 mois pour les autres.
- 86 % des apprentis et apprenants de la formation professionnelle perçoivent une amélioration de leur employabilité suite à une mobilité Erasmus+.
- 85 % des apprentis souhaitent poursuivre leur formation et 66 % considèrent qu’ils ont acquis des compétences linguistiques réutilisables.
[2] 2018 : rapport « Erasmus pro » sur les moyens de lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe- Jean Arthuis, député européen.
2021 : manifeste pour une Europe des apprentis – association Euro App Mobility (EAM) Etats généraux de la mobilité des apprentis.
2022 : rapport sur le développement de la mobilité des apprentis- Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
2022 : rencontres européennes de la mobilité longue des apprentis- Parlement européen.