La Berlinale 2024 : reflet des tensions géopolitiques actuelles !

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La Berlinale (Internationale Filmfestspiele Berlin, littéralement : Festival international du film de Berlin) qui avait été créée en 1951, dans la ville symbole de la guerre-froide, le Berlin d’après-guerre, par des alliés occidentaux qui voulaient alors en faire « une vitrine du monde libre » est, avec le Festival de Cannes et la Mostra de Venise, une des trois principales vitrines européennes du cinéma mondial car chaque année plus de 400 films y sont présentés, rassemblant plus de 300.000 spectateurs. C’est aussi la présence de 20.000 professionnels du cinéma qui en fait un des lieux d’échanges les plus importants de l’industrie cinématographique européenne et mondiale.

La Berlinale, qui lance l’année des festivals de cinéma, a lieu traditionnellement en début d’année civile, cette année du 15 au 25 février, mais c’est dès la fin de l’année 2023 que l’actrice kenyane Lupita Nyong’o en avait été désignée présidente du jury et qu’il avait été décidé de décerner au réalisateur américain Martin Scorsese un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
Peut-être moins médiatique que ses concurrents cannois et vénitien, le festival berlinois a pourtant acquis une vraie notoriété internationale en se démarquant de ces derniers : il est devenu en effet, au fil des années, un lieu privilégié de revendications politiques et sociales et plusieurs des films qui y ont été présentés par le passé ont donné lieu à des polémiques comme en 79, le Voyage au bout de l’Enfer de Michael Cimino sur la guerre du Vietnam.

L’édition 2024 n’a pas échappé à cette tradition, et, si la contestation n’a pas été provoquée par la programmation et le palmarès, la situation géopolitique au Proche-Orient, particulièrement préoccupante depuis le 7 octobre dernier, s’est invitée à la cérémonie de clôture et à la remise des prix au cours de laquelle plusieurs artistes et metteurs en scène ont accusé Israël de commettre un génocide à Gaza, et ceci sous les applaudissements nourris du public. Des prises de position qui ont été immédiatement et sévèrement critiquées autant par le maire de Berlin que par des responsables du pouvoir allemand.
Des tensions géopolitiques très pesantes encore puisqu’elles avaient empêché deux cinéastes iraniens, Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha, de venir, faute d’avoir reçu de leurs autorités l’autorisation nécessaire, y présenter leur film My Favourite Cake qui, selon de nombreux observateurs, aurait mérité un prix que les membres du jury n’ont pas eu l’audace de lui accorder.

D’ailleurs, côté récompenses, le cru 2024 ressemble quelque peu à celui de l’année précédente puisque, après l’Ours d’or reçu en 2023 par L’Adamant de Nicolas Philibert, c’est, cette année, un autre documentaire français qui, après avoir été plébiscité par le public, s’est vu décerner la prestigieuse distinction, celui de la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop, Dahomey [1], dans lequel est retracée la restitution par la France en 2021 d’objets d’art pillés lors de la guerre coloniale menée par celle-ci au Bénin en 1892 et qui, jusque-là, avaient été exposés dans des musées français.
Un autre film français, mais de facture et d’esprit fort différents, s’est trouvé lui aussi sur le podium (Ours d’argent Prix du jury), celui de Bruno Dumont, L’Empire, un film fidèle à l’esprit « décalé  » du réalisateur de Ma Loute en 2016. Il s’agit ici d’une parodie, une sorte de Star Wars revisité dans le Pas-de-Calais et qui a, par ailleurs, suscité des avis divergents.
Le Grand Prix du jury, lui, est revenu à la comédie A Traveler’s Needs du Coréen Hong Sang-soo avec Isabelle Huppert.

Une édition 2024 d’un festival qui, tout en perpétuant – nonobstant la réticence même de ses organisateurs – une tradition de contestation politique, sait affirmer son originalité par des choix esthétiques parfois audacieux.


[1] Sortie prévue en septembre 2024.

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