La Moldavie candidate à l’adhésion à l’Union européenne

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Le 3 mars 2022, la Moldavie a déposé sa candidature d’adhésion à l’Union européenne (UE). Située entre l’Ukraine et la Roumanie, ce petit pays (34 000 km2, 2,687 millions d’habitants) reste une construction nationale fragile, tiraillée entre roumanophones qui regardent vers l’Ouest et russophones qui préfèrent renforcer les liens avec Moscou.

Une histoire chahutée entre différentes puissances…

La principauté de Moldavie, née en 1359, devient vassale de l’Empire Ottoman en 1538. Sa partie orientale (Bessarabie) est conquise par l’Empire russe en 1812, pour sa position stratégique de porte vers les Balkans et la mer Noire.

En 1918, la Moldavie, dont la population est majoritairement roumanophone et de religion orthodoxe, revient à la Roumanie, mais en 1924 le gouvernement soviétique organise la République autonome soviétique socialiste moldave (RASSM) qui inclut le territoire transnistrien (rive gauche du Dniestr) et une partie de l’actuelle Ukraine.

Occupée par les forces roumaines alliées à l’Allemagne nazie, reconquise en 1944 par les Soviétiques, la Moldavie devient une République socialiste soviétique (fusion de la RASSM et de la Bessarabie) jusqu’ à son indépendance en 1991, avec Chisinau pour capitale.

La Moldavie serait l’Etat le plus pauvre d’Europe, dans un contexte général de corruption, d’institutions déficientes, d’Etat de droit défaillant. Ainsi, un réseau de blanchiment russe, transitant par les banques moldaves, siphonnait au passage des fonds locaux (un milliard de dollars…). La découverte de ce scandale a conduit à la suspension de ses fonctions par la Cour constitutionnelle, en 2018, du Président prorusse Igor Dodon et permis en novembre 2020 l’élection de la pro-européenne Maïa Sandu. En juillet 2021, le Parlement élu est à l’unisson de la Présidente, avec pour programme la refonte du système judiciaire pour combattre la corruption et l’obtention d’aides de l’UE pour financer des dizaines de projets.

La Moldavie était considérée comme « le jardin de Moscou », avec ses champs de tabac, de vignes et de vergers. Si les campagnes sont opulentes, l’activité industrielle est concentrée en Transnistrie dont les entreprises représentaient 40 % du tissu économique en 1992. Mais la Transnistrie échappe au contrôle de Chisinau.

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…Un conflit « gelé » sous la menace russe…

En 1990, un mois après la proclamation par la Moldavie de sa souveraineté, les Gagaouzes – des turcophones de confession orthodoxe – concentrés dans le Sud du pays, dont ils représentent 3,5 % de la population, proclament une République de Gagaouzie autour de la ville de Komrat. La Gagaouzie est devenue une entité territoriale autonome, dotée d’une Assemblée législative et d’organes exécutifs.

En Transnistrie, la population russophone s’est opposée, dès 1989, à l’adoption de la langue moldave à graphie latine comme langue officielle, ainsi qu’à un éventuel rattachement de la Moldavie à la Roumanie.

Le 1er décembre 1991, par référendum, les Moldaves se prononcent pour l’indépendance. La guerre civile éclate en 1992, avec quatre mois de conflit armé sur les rives du Dniestr. En juillet 1992, un cessez-le-feu ampute la Moldavie d’une partie de son territoire et d’un tiers de son potentiel industriel. La Transnistrie s’autoproclame « République moldave du Dniestr », avec Tiraspol pour capitale. Dotée d’un régime présidentiel de type autoritaire, la Transnistrie est organisée en un véritable Etat, mais un Etat privatisé et mafieux.

Depuis 2005, la question de la Transnistrie et de ses relations avec la Moldavie est discutée dans le cadre de négociations élargies avec des médiateurs étrangers. Le gouvernement russe évite de s’engager sur cette question, mais continue d’appuyer économiquement la République sécessionniste.

En juin 2018, l’ONU a adopté une résolution demandant le départ des troupes russes stationnées en Moldavie depuis 1992, sans effet. Le conflit est « gelé ». La Transnistrie a connu de mystérieuses explosions en avril 2022, qui ont entraîné un renforcement de la militarisation de sa frontière avec la Moldavie. La présence de forces russes fait craindre l’apparition d’un nouveau front en cas d’opération militaire sur la ville ukrainienne d’Odessa.

…La Moldavie demande son rattachement à l’UE

Le statut de neutralité, affirmé dans la constitution, est une particularité moldave. Pour cette raison, la Moldavie ne fait pas partie de l’OTAN, ne participe pas aux sanctions prises par l’UE contre la Russie pour son agression de l’Ukraine.

Cependant elle accueille des réfugiés ukrainiens ; par la mise en place de l’état d’urgence, le régime s’efforce d’éviter une déstabilisation et de maintenir une cohésion nationale. Dans un équilibre fragile, le pouvoir pro-européen cherche à maintenir de bonnes relations avec la Russie et à poursuivre le rapprochement stratégique et économique entrepris depuis quinze ans avec l’Ouest. Dans le cadre du partenariat oriental, un accord a été conclu avec l’UE en 2014.

Le contexte international, l’arrivée au pouvoir d’une Présidente et d‘un Parlement pro-européens conduisent la Moldavie à déposer sa candidature d’adhésion à l’UE en mars 2022. Le statut de candidat lui est accordé le 23 juin par le Conseil européen, en même temps qu’à l’Ukraine.

La rapidité de cette décision a suscité des protestations dans les Etats des Balkans actuellement candidats. Mais la Moldavie doit encore parcourir « un long chemin » (Ursula von der Leyen) pour intégrer l’Union ; elle doit accueillir la Communauté politique européenne d’ici mai 2023, gage d’une coopération accrue avec l’UE, avant l’intégration.


Sources

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