La politique européenne de protection et de gestion des eaux, ça marche !

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La politique de l’eau, ressource vitale pour les hommes, les animaux et les plantes, doit répondre à la double problématique de la qualité d’où le terme « protection des eaux » et de la quantité d’où le terme « gestion des eaux ». Si pendant longtemps, en Europe, les deux aspects ont pu être dissociés, aujourd’hui ils sont réunis comme le montre le Plan d’action pour la sauvegarde des ressources en eau de l’Europe de 2012, stratégie à long terme visant à garantir la disponibilité d’une eau d’une qualité suffisante pour toutes les utilisations légitimes.

La politique de l’Union comporte deux volets : l’eau douce et sa préservation sur le territoire de l’Union et les eaux marines.

S’agissant du premier volet, jusqu’à la fin des années 1990, l’Union multiplie les directives spécifiques portant, en un premier temps, sur les usages de l’eau (eau potable, baignade, pisciculture…) et, dans un deuxième temps, sur la réduction des pollutions (eaux usées, nitrates d’origine agricole…).

En 2000, est adoptée, « clé de voute de la politique européenne de l’eau », la directive-cadre sur l’eau (DCE). A peine retouchée en 2008, elle vise à mettre en cohérence l’ensemble de la législation pour une politique globale de protection des eaux de surface intérieures, des eaux de transition (essentiellement les embouchures de fleuves), des eaux côtières et des eaux souterraines.

  • La directive repose sur 3 principes : l’obligation de résultats pour les Etats membres avec sanctions financières possibles en cas de défaillance ; le principe pollueur-payeur qui fait assumer la charge financière des dégradations de l’eau par les usagers qui en sont responsables ; la consultation du public pour la définition des politiques de l’eau.
  • L’objectif général, parvenir en 2015 à un bon état écologique pour l’ensemble des eaux sur tout le territoire européen, se décline en 4 objectifs spécifiques : prévenir et réduire la pollution, promouvoir une utilisation durable de l’eau, protéger et améliorer l’environnement aquatique et atténuer les effets des inondations et des sécheresses.
  • Les Etats membres inscrivent ces objectifs dans des plans de gestion des eaux par bassins hydrographiques du pays (6 bassins en France) complétés par des programmes spécifiques de mesures.

Des politiques spécifiques sont définies dans des directives cibles parfois appelées « directives filles ». Quelques exemples :

  • une directive de 2006 sur la protection des eaux souterraines prévoit des critères pour évaluer l’état chimique des eaux, pour identifier la tendance significative et durable de dégradation de l’état des eaux souterraines et des dispositions pour limiter l’introduction de polluants dans les eaux souterraines. Les valeurs seuils applicables aux polluants sont définies par les États membres à l’exception des nitrates et des pesticides ;
  • révisant une directive de 1998, la directive sur l’eau potable de 2020, en réponse à l’ICE Right2water[1] définit de nouveaux paramètres de suivi de la qualité de l’eau et un nouveau cadre pour les matériaux en contact avec l’eau. Elle reste cependant timide sur la question de l’accès à l’eau ;
  • une directive de 2008 sur les normes de qualité environnementale applicables aux  eaux de surface fixe des limites de concentration pour 33 substances prioritaires et 8 autres polluants présentant un risque significatif pour l’environnement aquatique à l’échelle de l’Union. En 2013, 12 nouvelles substances ont été ajoutées à la liste existante ;
  • d’autres directives : déjà ancienne, en 1991, une directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires pour lutter contre les effets nocifs des rejets. Outre le contrôle de l’évacuation des boues d’épuration, elle impose la cessation progressive des déversements de ces boues en mer. Toujours en 1991, la directive sur les nitrates agricoles ; plus récentes, en 2006, la directive sur les eaux de baignade et en 2007 la directive sur les risques d’inondation.

Globalement et sans doute grâce à la législation européenne ambitieuse, la qualité de l’eau s’est améliorée. Cependant, l’objectif d’un bon état des eaux n’a été atteint que pour 40 % des eaux de surface (44 % en France) et 74 % des eaux souterraines (67 % en France) et des substances polluantes (mercure…) subsistent dans l’eau longtemps après l’épisode de pollution.  Ceci peut expliquer qu’en 2020, 20 % des Européens n’ont pas confiance dans l’eau du robinet.

En outre, alors que 23 millions d’entre eux n’ont toujours pas accès à un réseau de distribution d’eau potable, dans un tiers du territoire européen, principalement au sud, la demande d’eau est supérieure à l’offre pendant une partie de l’année.

S’agissant des eaux marines, le fondement de l’intervention de l’Union repose, depuis 2008, sur la directive-cadre «stratégie pour le milieu marin» qui  vise à garantir un bon état écologique du milieu marin européen d’ici 2020. La directive couvre l’ensemble des eaux marines européennes, divisées en 4 régions marines (l’Atlantique du Nord-Est, la mer Baltique, la mer Méditerranée et la mer Noire) certaines étant divisées en sous-régions. Les Etats membres concernés élaborent une stratégie nationale fondée sur les écosystèmes marins et portée par un plan d’action national avec réexamen tous les 6 ans. Suite à l’adoption en mai 2020, par la Commission von der Leyen de la nouvelle stratégie biodiversité à l’horizon 2030, la protection des écosystèmes marins est renforcée avec l’extension des zones protégées et l’établissement de zones strictement protégées pour la restauration des habitats et la reconstitution des stocks de poissons. Par ailleurs, depuis 2003, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM siège Lisbonne) travaille à répondre à la pollution marine causée par les navires et les installations pétrolières et gazières et à la prévenir. Une directive de 2009 aggrave les sanctions en cas d’infraction pour les responsables de rejets polluants en mer.

Une fois encore, l’enjeu majeur de la protection et de la gestion de l’eau souligne la pertinence de l’échelle européenne.


[1] L’ICE Right2water, (Initiative citoyenne européenne, Droit à l’eau), a été lancée en mars 2013 et a recueilli plus de 1,8 million de signatures. Soumise à la Commission à la fin de l’année, elle a fait l’objet d’une communication en 2014 et d’une feuille de route l’année suivante.

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