La série PARLEMENT, saison 2 : une suite plus politique ?

© Benoît LINDER-Cinétévé-FTV Slash

Nous avions, il y a exactement deux ans [1], consacré un article de notre lettre d’information à cette série qui venait d’apparaître dans l’univers de la vidéo en ligne. Nous avions souligné alors le caractère un tantinet provocateur du traitement à l’humour très distancié de cette histoire dont l’intégralité des dix épisodes se déroulait dans l’enceinte du Parlement européen de Bruxelles, à l’exception des deux derniers filmés à Strasbourg.

Une série de France-Télévisions qui nous avait en effet intrigués. Connaissant l’intérêt que l’institution européenne avait, en la soutenant [2], porté à un projet qui, par ailleurs, était celui d’un scénariste, Noé Debré, dont les convictions europhiles ont été maintes fois réaffirmées, de nombreux téléspectateurs avaient été dérangés, voire choqués par une intrigue et des personnages qui ne montraient pas le meilleur visage de l’institution parlementaire européenne : l’incompétence et la veulerie d’un député, la totale ignorance des choses européennes de la part de son jeune et sympathique assistant, les jeux sournois des lobbyistes, les coups tordus et les artifices de procédure, etc. Rien en tout cas qui puisse, a priori, donner au public jeune auquel est destinée cette production, une image valorisante de l’institution européenne, par ailleurs certainement la plus démocratique, son assemblée parlementaire.

 

Et pourtant !

Le succès rencontré par la saison 1 diffusée en ligne en 2020 a incité la société France-Télévisions à tourner une nouvelle série de dix épisodes qui ont, cette fois, pour cadre exclusif le Parlement européen de Strasbourg. Mieux encore, elle a choisi d’en diffuser l’intégrale des deux saisons en « prime time » sur France 5 depuis le mois d’avril de cette année.

 

Qu’en est-il donc de cette nouvelle saison ?

A l’issue des dernières élections européennes (celles de 2019), de nouveaux députés font leur entrée dans l’institution et d’autres, parfois très anciens (comme Luis Rego en vestige portugais de l’histoire du Parlement) continuent d’y conspirer ou d’y ronronner.  Les protagonistes de la saison précédente sont presque tous là : un Samy, toujours aussi désinvolte, mais à qui deux années d’expérience ont donné, sinon une meilleure connaissance de l’Union européenne, tout au moins un maximum d’habileté dans l’élaboration des dossiers qui lui incombent, dont celui d’un très ambitieux « Blue Deal » ! Un Michel Specklin encore plus insignifiant que jamais mais qui se voit projeté, sans même trop s’en rendre compte, au poste de Président du Parlement ! D’autres sont encore là, en particulier le stoïque Eamon et l’espiègle Rose dont la patronne brexiteuse a, elle, logiquement disparu. Disparue aussi la terrible Ingeborg qui n’a laissé dans les lieux que son de plus en plus imprévisible assistant Torsten. Parmi les arrivants un personnage s’impose, celui de la nouvelle patronne de Samy, Valentine, une jeune députée française passablement arriviste.

Autrement, le même environnement est en place : dans le décor élégamment végétalisé du bâtiment Louise Weiss, ce sont les mêmes luttes de pouvoir et d’influence des parlementaires et des lobbyistes, les mêmes jeux de compensations, les mêmes péripéties aussi invraisemblables que l’est l’élection au poste suprême de l’ignare Michel Specklin. Les propos sont toujours très drôles et décalés comme l’est cette réflexion faite par un technocrate allemand manipulateur à propos de ce dernier, ahuri dans son fauteuil de président : « Parfois, j’ai l’impression qu’il comprend » !

Cette saison 2 est-elle, comme l’a pu l’être la précédente, un moyen détourné de faire entrer, par le biais d’un humour qui emprunte parfois au potache, le public jeune dans l’univers complexe d’une institution européenne ?

Probablement, si l’on considère que les téléspectateurs auxquels on s’adresse ne vont assurément pas prendre au premier degré des situations qui relèvent à l’évidence de l’absurde. Ces dix épisodes, plus « politiques » que ceux de la première saison, seront peut-être pour eux l’occasion de mieux comprendre, par exemple, le jeu très stratégique des nominations aux postes de responsabilité institutionnels, ou, comme cela leur est posément expliqué par la voix du sage de la maison, l’imperturbable Eamon, le fonctionnement du « trilogue », cet échange formalisé et cependant, parfois, lieu de brutalités stratégiques entre les différents pouvoirs européens… Peut-être, pour finir, l’idée essentielle que la politique de l’Union se fait dans le compromis et la recherche de consensus… Cela suffira-t-il à faire d’eux des connaisseurs avertis de la politique européenne ? Peut-être pas, mais sait-on ?

La diffusion de la deuxième saison de la série sur une chaîne du service public, rencontrera-t-elle le même succès d’audience que la première ? Le fait est qu’il convient de mettre au crédit des diffuseurs le choix risqué de programmer à l’une des meilleures heures de la journée télévisuelle un divertissement, certes drôle et tonique, mais sensiblement différent de ceux habituellement proposés.


[1] Lettre d’Information n°39 de juin 2020

[2] Et notamment le soutien du programme Europe Creative – MEDIA de l’Union européenne ».

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