La série « PARLEMENT »: une comédie au service de la communication européenne ?

© Maison de l’Europe en Limousin

Une nouveauté et une curiosité dans l’univers très en vogue des séries de fiction télévisées : France-Télévision propose depuis le mois d’avril dernier une web-série intitulée PARLEMENT et dont les dix épisodes (de 26 minutes chacun) de la Saison 1 sont disponibles sur son site [1].

PARLEMENT, le titre d’une extrême sobriété, ne rend pas vraiment compte de l’originalité et du ton de cette production. Certes, nous sommes bien plongés dans le monde politique, et le parlement dont il est question n’est autre que le Parlement européen. L’action des épisodes de cette première saison se déroule d’ailleurs dans les locaux bruxellois de l’assemblée européenne et à Strasbourg pour les deux derniers. Toutes les scènes y ont été tournées dans les décors réels mis à disposition par ces autorités. On retrouve également cet agrément implicite des institutions européennes dans l’intitulé de la production qui a reçu « le soutien du programme Europe Creative – MEDIA de l’Union européenne ».
Même si la production n’est pas institutionnelle, nous sommes pourtant en droit de nous demander si le choix qui a été fait par le Parlement européen de soutenir cette initiative de la télévision française (Cinétévé) associée à Artémis (Belgique) et CineCentrum (Studio Hamburg – Allemagne), sert véritablement les intérêts de la communication de cette institution, et plus globalement celle de l’Union européenne.

Car les faits et les propos déroutent ! C’est en tout cas le sentiment qui domine lorsqu’on a visionné les premiers épisodes et le web-télé-spectateur peut légitimement se demander s’il n’a pas sous les yeux une caricature de l’institution parlementaire européenne, digne des pires tabloïds europhobes britanniques : des députés européens grossièrement ignares et veules, ou bien, à l’inverse, des groupes de pressions manipulateurs et retors. C’est en effet ce que découvre en « débarquant » littéralement dans l’environnement pas vraiment chaleureux des locaux bruxellois du Parlement européen, Samy, jeune assistant parlementaire naïf et totalement ignorant du fonctionnement de l’institution qu’il est censé servir désormais. Et c’est à travers les yeux de ce Candide – qui, au fil des épisodes le sera de moins en moins – que le public de jeunes adultes que cette série vise à l’évidence, découvre le fonctionnement complexe du système législatif communautaire et les arcanes de la politique européenne.
Mais il apparaît vite que le ton adopté par les auteurs de la série est assurément celui d’une comédie burlesque, et si la caricature du monde politique bruxellois y est tellement « chargée », c’est peut-être, a contrario, le choix délibéré d’une stratégie de « second degré » qui fait de la dérision un moyen détourné de montrer les enjeux et la complexité de la prise de décision dans l’enceinte européenne.
« La comédie, la satire, ne sont pas un moyen de se moquer ou de dénoncer mais bien de donner un visage à l’Europe, à ce Parlement tant critiqué mais dont les peuples, pour la plupart, ignorent tout, explique son scénariste, Noé Debré, dans sa note d’intention. Ce n’est pas une série à message, mais un grand cri d’amour au projet européen ».

Et nous sommes bien dans la comédie et la satire ! Notre sympathique Samy – car il est éminemment sympathique et drôle – se trouve, en effet, dès son arrivée, propulsé sans qu’il le comprenne vraiment comme défenseur de la cause des requins et chargé par son député-employeur (d’une incompétence effarante), de présenter un amendement pour réglementer la pêche du poisson en question et le commerce de ses ailerons. Confronté à la rapacité des lobbies, aux jeux politiques obscurs et aux stratégies perverses, épaulé on ne peut plus maladroitement par de jeunes loups comme lui – dont la ravissante attachée d’une parlementaire britannique pro-brexit plus vraie que nature dans son outrance – et cornaqué par un étrange fonctionnaire mutique, Samy trace son chemin dans le Dallas bruxellois en nous offrant, au détour des péripéties parfois rocambolesques dans lesquelles il est entraîné, l’occasion de découvrir, non seulement le fonctionnement de l’assemblée européenne, mais également les processus complexes de négociation et d’élaboration de compromis.

La fiction, imaginée par Noé Debré à partir d’un travail documentaire très rigoureux et réalisée par Emilie Noblet et Jérémie Sein, est servie par une distribution européenne pleine de fraîcheur : Xavier Lacaille, en premier lieu, l’étonnant Samy, et son eurodéputé de patron incarné par l’ancien des Deschiens Philippe Duquesne ; mais aussi l’Anglaise Liz Kingsman, l’Allemande Christiane Paul…
Le fait est que l’on prend réellement plaisir à accompagner Samy dans ses aventures sentimentalo-professionnalo-linguistico-politiques et l’accueil critique de la série a d’ailleurs été généralement favorable (Le Monde, Télérama) ou plus réservé (La Vie) [2].

Une question essentielle demeure toutefois : le choix de cette comédie à la limite de la vraisemblance et de la loufoquerie constitue-t-il, comme l’estime son concepteur, une arme de communication au service de la cause européenne et un outil pédagogique efficace ? Ou bien, peut-on douter qu’une administration aussi peu « glamour » que celle de l’Union européenne, puisse devenir « aimable » auprès du public jeune auquel on s’adresse, en étalant, même avec la distance de l’humour, ses travers les plus caricaturaux ? Mais ne dit-on pas que la ridicule marionnette de Chirac dans  Les Guignols de l’Info aurait largement contribué à le rendre sympathique aux yeux des Français ? On retrouve d’ailleurs un peu de cet « esprit Canal » dans PARLEMENT…
La série permet en tout cas aux spectateurs de faire connaissance de façon attrayante avec les institutions européennes et les vertus du multilinguisme !

Y aura-t-il une saison 2 ?


[1]    https://urlz.fr/dgsq

[2]   https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/04/14/serie-parlement-la-construction-d-une-europe-de-la-satire_6036557_3246.html;

 

Sources :

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