Le coronavirus, ou covid-19, apparu en novembre/décembre 2019 à Wuhan, en Chine, s’est propagé en Asie et dans le monde. L’Europe, où les premiers cas sont signalés en janvier 2020 (en France, le 24 janvier 2020, trois personnes revenant de Chine), est déclarée « nouvel épicentre » de la pandémie. Diffusion massive dans l’Union européenne (UE), mesures nationales et communautaires précipitées… Retour sur un mois de mars crucial.
La diffusion du virus est rapide en UE
Fin mars, deux mois après le signalement des premiers cas, le virus est présent dans tous les États européens. L’interprétation du nombre de victimes est difficile : tous les cas ne sont pas diagnostiqués et les données évoluent très vite. Si l’on considère les décès, l’Italie et l’Espagne en totalisent plus de la moitié ; ils sont plus nombreux en France qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni, où la situation empire de jour en jour.
A l’ouest du continent, le Portugal semble plus épargné, de même que l’Europe du Nord (Norvège, Suède, Finlande). En Europe centrale et de l’Est, l’Autriche est plus frappée que la Pologne, la Hongrie ou la Serbie par exemple.
La « mégalopole » européenne, du sud de la Grande-Bretagne à l’Italie du Nord, est donc la plus touchée par l’épidémie. Cette « dorsale » européenne qui s’est constituée depuis le Moyen-Age, est née des échanges entre deux foyers d’activité du sud de la Mer du Nord et du nord de la Méditerranée, à l’abri des invasions et en l’absence d’un État fort ; c’est une zone de forte concentration de populations urbaines, d’activité économique et d’un réseau dense de voies de communications. En France, l’Est et l’Ile de France se rattachent à cet ensemble par le nombre de victimes du virus.
Les États prennent des mesures
Dans ces circonstances exceptionnelles, les États membres de l’UE prennent des mesures extraordinaires.
Leurs frontières sont fermées le 12 mars par la Slovaquie et la République tchèque, le 13 mars par le Danemark, la Pologne, la Lettonie, la Lituanie, Chypre , le 16 mars par l’Allemagne et l’Espagne. Fermeture partielle ou contrôle strict : en l’absence de coordination, les mesures varient selon les États. La République tchèque interdit l’entrée aux ressortissants de nationalités estimées « à risque » (quinze pays européens) ; la Slovaquie reste ouverte aux seuls Polonais… En Europe centrale, les gouvernements et les populations locales sont très sensibles au thème des frontières depuis la poussée migratoire de 2015.
Trois groupes de pays s’individualisent par les mesures de confinement de la population (fermeture des établissements scolaires, des commerces non essentiels…) :
- confinement strict : en France, Espagne, Italie, Belgique, Portugal ;
- confinement relatif : simple appel à rester chez soi, annulation des rassemblements publics en Roumanie, Allemagne, Slovaquie… ;
- stratégie inverse : « l’immunité collective », qui voudrait qu’une fois plus de 60 % de la population confrontée au virus, les citoyens produisent leurs propres défenses et soient moins vulnérables à la maladie, aux Pays-Bas, en Suède, au Royaume-Uni où le gouvernement semble revenir sur cette décision, avant même que Boris Johnson ne soit testé positif au virus.
De même, les mesures de dépistage varient d’un pays à l’autre, selon les stocks de tests disponibles alors que l’OMS préconise un dépistage massif.
Que fait l’UE ?
Le 28 janvier 2020, l’UE active son dispositif de crise en mode partage d’information « pour une réaction politique en situation de crise » et une compréhension commune de la situation.
En politique de santé, l’UE dispose seulement d’une « compétence d’appui » (art. 168 du TFUE : traité sur le fonctionnement de l’UE), pour coordonner au mieux l’action des États membres qui gardent la main mise sur leur politique de santé, agissant en ordre dispersé.
La Commission a mis en place un comité de scientifiques de haut niveau, spécialistes en épidémiologie et en virologie, pour élaborer des orientations et des stratégies de lutte contre l’épidémie.
A partir du 17 mars, l’UE annonce pour la première fois la fermeture pour une durée de trente jours reconductible, pour motif sanitaire, de toutes les frontières extérieures de l’espace Schengen, élargi aux quatre pays non membres de l’UE qui ont adhéré à Schengen (Suisse, Lichtenstein, Islande, Norvège plus le Royaume-Uni). En 2015/16, cet espace a été fermé dans le cadre de la poussée migratoire et de la lutte contre le terrorisme. N’en déplaise aux europhobes, il ne s’agit pas de la suspension des accords de Schengen, mais seulement de l’interruption provisoire, pour des raisons de sécurité, de la libre circulation des personnes dans le cadre de ces accords.
La politique individualiste des États membres est cependant contraire à la solidarité, un des principes fondateurs de l’UE.
Solidarité européenne ?
La rapidité de progression de la pandémie a favorisé partout le réflexe du chacun pour soi, à l’opposé de l’esprit européen. De même, sont contraires à cet esprit de solidarité et au droit à la libre circulation des marchandises, le décret français de réquisition des masques, l’interdiction allemande de leur exportation, l’interdiction d’exportation de matériel de protection médicale par la République tchèque, la Bulgarie, l’Italie. « La solidarité est nécessaire », déclare, le 15 mars 2020, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. L’appel est enfin entendu le 26 mars, lorsque six länder allemands décident d’accueillir dans leurs hôpitaux des malades venus de France et d’Italie.
Les médias télévisés (sauf la chaîne franco-allemande ARTE), n’évoquent plus la situation des 42 000 demandeurs d’asile bloqués sur les îles de la mer Égée (un point d’eau pour 13 000 personnes et pas de savon… dans certains camps), alors que les hôpitaux grecs sont usés par dix ans d’austérité (depuis 2010, près de 850 cliniques de proximité et onze hôpitaux ont été fermés).
… et enjeu politique.
La crise est utilisée sur le plan géopolitique. « Trump met l’Europe en quarantaine » (Le Monde 13/03/2020) ; le Président des États-Unis met en cause l’UE qui « échoue » face au virus et, en même temps, sans concertation avec l’UE, il ferme son pays aux ressortissants de l’espace Schengen. Le 12 mars, l’arrivée en Italie de matériel et de deux équipes médicales (21 membres) chinoises est diffusée par les télévisions. Le message est clair : la Chine est prête à aider la communauté internationale à combattre l’épidémie ; ce qui amène Ursula von der Leyen à rappeler que l’UE avait envoyé, en février dernier, cinquante tonnes de matériel en Chine (mais il n’y avait alors pas de caméras de télévision pour filmer l’évènement).
Au cours de la première quinzaine du mois d’avril, la pandémie perd de son intensité en UE. Le 6 avril, l’Autriche annonce un calendrier de sortie de crise et l’ouverture des premiers commerces. L’épidémie est contenue en Europe centrale et du Nord : le Danemark prévoit la réouverture des écoles le 16 avril. En Allemagne, la progression du virus ralentit, mais l’évolution en dents de scie aux Pays-Bas est plus inquiétante. La France annonce un allongement de la durée du confinement, avec une sortie par étapes…
Infographie : Le Monde : Coronavirus dans l’Union européenne : ce que révèle la cartographie
Sources :
- https://www.touteleurope.eu/actualite/dossier-l-europe-face-a-la-pandemie-de-covid-19.html
- https://www.euractiv.fr/
- Articles de presse.