Le mandat d’arrêt européen

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Cet outil se nomme le mandat d’arrêt européen (MAE). Evoqué en 1999 lors du Conseil européen de Tampere, consacré entre autres à la lutte contre la criminalité à l’échelle de l’Union, le mandat d’arrêt européen fait l’objet d’un accord au Conseil de Laeken, quelque trois mois après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Le MAE est finalement créé en juin 2002 et entre en vigueur le 1er janvier 2004.

Le mandat d’arrêt européen est une procédure judiciaire simplifiée déclenchée par un Etat membre (Etat d’émission) en vue de l’arrestation d’une personne présente dans un autre Etat membre et de sa remise par cet Etat hôte (Etat d’exécution) à l’Etat d’émission aux fins de poursuites pénales ou d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté prononcées dans le premier État.

Ce mécanisme judiciaire transfrontière, interne à l’Union européenne, repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et, à ce titre, est opérationnel dans tous les pays de l’UE. Il permet ainsi l’exécution des décisions pénales d’une autorité judiciaire d’un Etat membre dans toute l’Union européenne.

Le mandat d’arrêt européen est applicable en cas de condamnation définitive à une peine d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté d’une durée minimale de quatre mois et en cas d’infraction pour laquelle une peine d’emprisonnement ou une mesure de sûreté d’une durée au moins égale à quatre mois sont prévues par l’Etat membre d’émission.

Pour les Etats membres, le MAE se substitue à la procédure classique de  l’extradition qui reste en vigueur pour les Etats non membres.

Le MAE  présente plusieurs différences avec le système classique, six au moins :

  • il n’y a plus de phase politique : le MAE se limite à une procédure judiciaire supervisée par l’autorité judiciaire nationale avec rapports directs entre autorités judiciaires, d’Etat membre à Etat membre ;
  • les Etats membres ne peuvent plus refuser de remettre leurs propres ressortissants à moins de se charger de l’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée contre la personne recherchée ;
  • pour les infractions graves, la double incrimination (infraction pénale dans les deux pays) n’est plus nécessaire. La seule exigence est que l’acte concerné soit passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans dans le pays d’émission du MAE. Parmi ces infractions graves au nombre de 32 : le terrorisme, la traite des êtres humains, la corruption, la participation à une organisation criminelle, le faux monnayage, l’homicide, le racisme, la xénophobie, le trafic de voitures volées, la fraude, y compris la fraude aux intérêts communautaires… ;
  • les délais sont stricts : la remise intervient 60 jours maximum après l’arrestation de la personne à l’encontre de laquelle un MAE a été émis ;
  • des garanties peuvent être exigées par le pays qui exécute le MAE comme, par exemple, après un certain délai et en cas de réclusion à perpétuité, le droit de la personne à demander une révision ou la possibilité pour la personne recherchée d’effectuer toute peine d’emprisonnement dans le pays sollicité par le MAE si elle en a la nationalité ou si elle y a sa résidence habituelle ;
  • enfin les motifs de refus sont limités à quelques cas : par ex, un jugement déjà rendu pour la même infraction, la minorité de la personne demandée ou l’amnistie dans le pays qui reçoit la demande.

Le MAE est de loin l’instrument de coopération judiciaire le plus utilisé en matière pénale et, depuis son entrée en application, il n’a cessé de monter en puissance.

En  2005,  6 900 MAE ont été  émis, dix ans plus tard, 16 100 et en 2019, plus de 20 000. En 2020 et 2021, Covid aidant, il a connu une baisse autour de 15 000 mandats émis et plus de 5 100 remises annuelles ont été effectuées.

Dans la plupart des pays, la remise de la personne recherchée est de plus en plus rapide. En 2021, à compter du jour de l’arrestation, la procédure de remise a duré en moyenne 20 jours lorsque la personne recherchée a consenti à sa remise contre 21 jours en 2020 et 53 jours dans le cas contraire, contre 72 en 2020.

Quelques exemples :

  • Mehdi Nemmouche, ressortissant français, auteur présumé de la fusillade au musée juif de Bruxelles en mai 2014 ayant fait 3 morts, arrêté à Marseille, a été remis à la Belgique en juin 2014. En novembre 2016, il a été remis à la justice française au nom d’un MAE français pour son rôle supposé de geôlier tortionnaire d’otages français en Syrie. A comparer avec le cas de Rachid Ramda, le cerveau des attentats dans les transports publics parisiens de l’été 1995, pour qui la procédure d’extradition avec le Royaume-Uni a duré 10 ans.
  • Salah Abdeslam, l’un des auteurs des attentats de novembre 2015 à Paris, arrêté en Belgique en mars 2016, a été remis sans son consentement à la France en avril 2016. Il quitte sa prison française en avril 2018 pour être jugé en Belgique pour son implication dans les attentats de Bruxelles. Condamné à 20 ans d’emprisonnement, il réintègre sa prison française avant le procès (septembre 2021-mai 2022) en lien avec  les attentats de Paris à l’issue duquel il est condamné à la réclusion à perpétuité.

A l’évidence, le MAE est d’une tout autre efficacité que la procédure d’extradition avec parfois un effet paradoxal qu’illustrent les MAE émis en 2017 par la justice espagnole auprès de la justice belge à l’encontre de 5 dirigeants catalans  réfugiés à Bruxelles : être  utilisé au service d’une « criminalisation » du combat politique !

Le MAE, arme essentielle dans la lutte contre la criminalité dans l’Union européenne, constitue un facteur majeur dans l’édification d’un espace judiciaire pénal européen. Il contribue par là même à l’intégration européenne.

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