Le Paquet climat européen

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Mercredi 14 juillet, la Commission européenne a présenté son Paquet climat devant permettre à l’Union de remplir l’objectif de réduction d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, étape indispensable pour devenir le premier continent à atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour les 27 Etats membres, qui se sont engagés dans la lancée de l’accord de Paris de 2015, le temps de l’action est venu.

Appelé « Fit for 55 » (« Ajustement à l’objectif 55 », référence aux 55 % de réduction des GES), le Paquet climat européen est constitué d’une douzaine de propositions législatives (5 directives et 7 règlements) interdépendantes formant un ensemble complet entre tarification, objectifs, normes et mesures de soutien[1].

  • En matière de tarification, la Commission avance quatre propositions dont deux ont trait au système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE-EU)[2] c’est-à-dire au marché du carbone européen.
    • D’une part, la Commission souhaite renforcer ce marché qui, depuis 2005, concerne les secteurs les plus polluants comme la production d’électricité, la sidérurgie, le ciment… , en supprimant les exemptions accordées au secteur de l’aviation commerciale, en y incluant le transport maritime et en réduisant le nombre de quotas d’émission gratuits afin de provoquer une hausse du prix de la tonne de CO2.
    • D’autre part, elle propose la création d’un deuxième mécanisme qui concernerait, à partir de 2026,  le chauffage des bâtiments et le transport routier avec répercussion probable par les entreprises du surcoût lié à l’achat de droits à polluer sur la facture énergétique des ménages.
    • Proposition en partie complémentaire du SEQE-EU, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières est prévu (MACF) qui concernerait les produits au bilan carbone élevé (l’électricité, l’acier, le fer, l’aluminium, le ciment, les engrais). En  taxant les importations de pays tiers, il s’agit, en plus de décourager les délocalisations, de garantir aux entreprises européennes des conditions de coût identiques à leurs concurrentes non européennes. Déployé entre 2023 et 2030, le mécanisme, en rapportant quelque 10 milliards € annuels de ressources propres, financerait pour partie le remboursement du plan de relance européen (Next Generation EU). Si des pays sont très allants comme la France, d’autres fortement exportateurs comme l’Allemagne ou la Suède craignent des mesures de rétorsion de partenaires puissants (Etats-Unis en tête) en réponse à ce qu’ils assimilent à du protectionnisme[3].
    • Enfin, la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, vieille de 15 ans, vise à relever les niveaux de taxation d’une multitude de combustibles fossiles, à mettre fin à de nombreuses exonérations dont ces derniers bénéficient et à étendre la taxation à des secteurs jusque-là exemptés, l’aviation et le transport maritime. Outre le lobbying des compagnies aériennes, la Commission va devoir composer avec les Etats qui, sur ce dossier fiscal, doivent se prononcer à l’unanimité.
  • S’agissant des objectifs à atteindre, la Commission propose une révision ou une mise à jour de textes antérieurs.
    • Le règlement sur la répartition de l’effort prévoit des objectifs de réduction des émissions pour chaque État membre, prenant en compte la situation de départ et les capacités de chaque Etat membre. Ces réductions toucheront les bâtiments, le transport routier et le transport maritime intérieur, l’agriculture, les déchets et les petites industries.
    • La directive sur les énergies renouvelables, déjà ancienne (2009), refondue en 2018, redéfinit la part des énergies vertes dans le mix énergétique pour 2030 : de 32 %, elle passe à 40 % de l’énergie totale et 49 % pour les bâtiments.
    • La révision de la directive sur l’efficacité énergétique propose de relever le niveau d’ambition des objectifs en matière d’efficacité énergétique à l’échelle de l’UE et de les rendre contraignants. Dans les Etats membres, le secteur public sera sollicité avec un objectif annuel de 3 % de rénovation de ses bâtiments.
    • Enfin, le plan climat s’intéresse aux puits de carbone naturels tels que les forêts qui absorbent les excès d’émission. Le règlement sur l’utilisation des terres, la foresterie et l’agriculture fixe un objectif de 310 millions de tonnes de CO2 absorbées par les puits de carbone naturels d’ici à 2030. Pour l’atteindre, la Commission propose que les Etats membres compensent obligatoirement les changements dans l’utilisation du sol, gèrent mieux les forêts existantes et augmentent la surface forestière nationale. Par ailleurs, la Commission européenne souhaite que les secteurs de l’agriculture et de la foresterie soient climatiquement neutres à l’horizon 2035.
  • Les règles et normes de performance sont considérablement renforcées.
    • Mesure spectaculaire, quelque peu inattendue et abondamment commentée, la Commission, en plus de relever, d’ici à 2030, les normes de CO2 pour les nouveaux véhicules  propose qu’à partir de 2035, les nouvelles voitures n’émettent plus de CO2 ce qui revient à interdire la commercialisation de véhicules à moteur thermique. Mais cette mutation accélérée, bien que largement entamée par les constructeurs, pose la question technique de l’accès à un réseau fiable de points de recharge.
    • D’où la proposition de règlement révisé sur le déploiement par les Etats d’une infrastructure pour carburants alternatifs à raison d’une station de recharge tous les 60 kilomètres soit 1 million en 2025 et 3 millions en 2030.
    • Des mesures spécifiques touchent les secteurs aérien et maritime dont la Commission entend réduire l’empreinte environnementale. Le règlement ReFuelEU Aviation obligera les fournisseurs à accroître la part des carburants d’aviation durables, biocarburants et carburants de synthèse tout en prévoyant une augmentation progressive des taxes sur les carburants polluants.
    • Pour le transport maritime, en l’absence actuelle de solution alternative, le règlement FuelEUMaritime imposera une limite maximale à la teneur en gaz à effet de serre de l’énergie utilisée par les navires faisant escale dans les ports européens.
  • Les mesures de soutien obéissent aux principes de solidarité entre Etats membres et d’équité sociale.
    • Ainsi, les États membres les plus fragiles (forte part des énergies fossiles, PIB par habitant plus faible) bénéficieront-ils de l’aide d’un Fonds pour la modernisation renforcé.
    • Face au risque de précarité énergétique que la tarification du carbone présente pour les personnes les plus vulnérables, la Commission propose la création d’un Fonds social pour le climat doté de 72,2 milliards € pour la période 2025-2032, fonds que les Etats seraient invités à abonder.

Avec un tel ensemble de mesures, la Commission entend conforter le rôle de l’UE comme « chef de file à l’échelle mondiale qui agit et montre l’exemple ». Mais pour cela, il faudra que, dans les deux années qui viennent, les dispositions législatives du paquet climat soient adoptées par les Etats membres (Conseil) et par le Parlement européen. Les réticences voire l’opposition déclarée d’Etats membres à des dispositions majeures comme la création du second marché du carbone, les critiques  émises jusqu’au sein de la Commission laissent penser que la bataille politique risque d’être rude.


[1] COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS «Ajustement à l’objectif 55» : atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique.     https://eur-lex.europa.eu/

[2] Le système (Emissions trading system) détermine un prix à l’émission de chaque tonne de carbone pour environ 10 000 installations européennes ce qui correspond à près de 40 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union.

[3] La Commission vient de réduire son ambition avec des recettes du MACF s’établissant à 2 milliards € annuels au lieu des 5 à 14 milliards initialement envisagés.

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