Le Sommet social de Porto des 7 et 8 mai 2021

Ursula von der Leyen

Le Sommet social de Porto s’est tenu dans le cadre de la présidence portugaise de l’Union européenne. Dans le prolongement du Sommet de Göteborg de novembre 2017, il avait pour objectif de définir les orientations de l’Union en terme de politiques sociales pour les années à venir.

Les étapes de la construction d’une Europe sociale

Il existe un chapitre sur les politiques sociales dans le traité de Rome de 1957, mais au début de la construction européenne, les institutions européennes ne peuvent pas adopter de lois dans le domaine social. Il faut attendre 1985 pour qu’une législation sociale européenne se développe sous l’impulsion de Jacques Delors, président de la Commission européenne de l’époque[1]. D’après le traité de Lisbonne de 2007, l’Union européenne ne met pas en œuvre directement les politiques sociales car les domaines comme l’emploi et le chômage, les conditions de travail et la formation professionnelle, la protection sociale et l’égalité hommes-femmes relèvent d’abord des compétences des États membres, voire, parfois, des régions dans les pays à structure plus fédérale. La législation européenne cherche à harmoniser les législations sociales nationales et permet de fixer des règles minimales dans l’Union. En moyenne, les pays de l’Union européenne possèdent des droits sociaux bien supérieurs au reste du monde.

Au sommet européen de Göteborg en 2017, les dirigeants européens ont adopté le Socle européen des droits sociaux (SEDS) qui comprend 20 principes devant guider l’agenda social européen. La nécessité de concrétiser le SEDS a été renforcée par la crise provoquée par la Covid-19.

Trois objectifs majeurs pour 2030.

La Commission européenne a présenté, le 4 mars 2021, un Plan d’action pour la mise en œuvre du Socle européen des droits sociaux ainsi qu’une recommandation pour un soutien à l’emploi à la suite de la crise liée à la pandémie de Covid-19. A court terme, il s’agit de favoriser les créations d’emplois induites par la reprise économique et soutenues par le plan de relance de 750 milliards d’euros. À plus long terme le défi est de renforcer les compétences de la main d’œuvre pour mieux s’adapter aux mutations liées aux transitions numériques et environnementales.

À l’issue du Sommet de Porto, les dirigeants européens, les partenaires sociaux et les représentants de la société civile se sont engagés à réaliser trois objectifs majeurs dans le cadre du Plan d’action à l’horizon 2030 :

  • au moins 78 % des personnes âgées de 20 à 64 ans devraient avoir un emploi ;
  • au moins 60 % des adultes devraient participer à des activités de formation chaque année ;
  • le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale devrait diminuer d’au moins 15 millions, dont au moins 5 millions d’enfants.

Ces objectifs sont ambitieux car le taux d’emploi dans l’UE n’était que de 72,4 % en 2020, la formation ne concernait que 37 % des adultes en 2016, et 92,4 millions de personnes étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2019, soit 21,1 % de la population de l’UE à 27.

Un instrument de coordination : le Semestre européen

Le Semestre européen est un cycle de coordination des politiques économiques, budgétaires, sociales et du travail créé, suite à la crise économique de 2008, afin d’améliorer la gouvernance de l’Union européenne. Il a été au début, essentiellement un exercice économique, mais il a évolué en intégrant les domaines sociaux et environnementaux[2]. Il devrait permettre de suivre la réalisation des objectifs sociaux fixés.

Les obstacles sur la voie de l’harmonisation des politiques sociales

Le chemin à parcourir sera difficile car les disparités sociales dans l’Union européenne restent considérables. A titre illustratif, un salaire minimum existe dans 21 des 27 pays membres, mais son montant au Luxembourg (2 201,93 € bruts par mois au premier semestre 2021) est 6,6 fois plus élevé que celui fixé en Bulgarie (332,34 € bruts)[3]. Avec de tels écarts, la question de l’harmonisation des salaires minima est un sujet qui divise les Etats membres. Proposé par la Commission européenne, le projet reste bloqué par au moins dix Etats. Les Etats de l’Ouest aux standards sociaux plus élevés y sont favorables et dénoncent le dumping social des Etats de l’Est, alors que ces derniers considèrent cela comme un avantage compétitif. Par ailleurs, les Etats du sud comme la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, ont une tradition interventionniste en matière sociale, alors que les Etats du nord comme la Suède et le Danemark sont attachés à la négociation collective. En conséquence les engagements pris à Porto restent, dans la tradition des négociations européennes, le fruit d’un compromis : « Nous sommes déterminés à continuer d’approfondir la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux au niveau de l’UE et au niveau national, dans le plein respect des compétences respectives et des principes de subsidiarité et de proportionnalité. »

Au final, le Sommet social de Porto marque un pas supplémentaire dans la construction d’une Europe plus sociale, en rupture avec l’orthodoxie financière qui avait marqué les suites de la crise de 2008. La France, qui exercera la présidence de l’UE au premier semestre 2022, espère à cette occasion faire progresser les dossiers concernant l’égalité hommes-femmes, le droit individuel de formation, les droits des travailleurs des plates-formes, mais il serait illusoire de penser que le modèle social français pourrait s’étendre à l’ensemble de l’Union.


[1] L’Europe sociale en 3 minutes, article d’Isaure Magnien publié sur le site Toute l’Europe, le 17 mai 2021 https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/l-europe-sociale-en-3-minutes/

[2] Semestre européen, article publié sur le site du Secrétariat général du Conseil, dernière mise à jour le 12 mai 2021 https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/european-semester/

[3] Salaires minima mensuels, données semestrielles du site Eurostat, dernière mise à jour le 8 février 2021 http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=earn_mw_cur&lang=fr

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