Les Français et l’Europe

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Occulté depuis deux ans par la pandémie et, depuis février, par la guerre en Ukraine et ses effets socio-économiques, le thème de l’Europe n’a guère été débattu lors du cycle électoral qui vient de s’achever en France.

Bien que peu commenté, un rapport propose une analyse de la relation des Français à l’Europe au printemps 2020. L’étude associe Bruno CAUTRÈS, chercheur au CNRS, Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), Thierry CHOPIN, professeur de science politique à l’Université catholique de Lille (ESPOL), conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors et Emmanuel RIVIÈRE, directeur général de la division Public de Kantar en France et président du Centre Kantar sur le Futur de l’Europe. Elle repose principalement sur des données fournies par Eurobaromètre 92.

Le rapport de 48 pages intitulé LES FRANÇAIS ET L’EUROPE ENTRE DÉFIANCE ET AMBIVALENCE L’INDISPENSABLE « RETOUR DE L’EUROPE EN FRANCE », comporte 3 parties :

  • dans la première, les auteurs mettent en valeur l’ambivalence du rapport des Français à l’Europe et leur fort euroscepticisme ; ils soulignent, d’une part,  qu’il n’en a pas toujours été ainsi et que, d’autre part, la défiance varie selon que les réponses portent sur les valeurs (« soutien diffus » majoritaire) ou concernent l’évaluation des politiques et leur efficacité (« soutien spécifique » minoritaire). L’analyse comparative de la géographie et de la typologie des opinions vis-à-vis de l’UE place « les Français dans le groupe des Européens les plus négatifs vis-à-vis de l’UE » et, géographiquement, la France fait partie du groupe de pays les plus défavorables à l’intégration européenne.
  • dans la deuxième partie, les auteurs montrent que l’euroscepticisme français s’il est fort est aussi complexe et non systémique avec des records d’opinions négatives sur certains thèmes et des opinions majoritairement positives sur d’autres. Cette ambivalence caractérise le groupe des « neutres » entre inconditionnels et eurosceptiques, deux catégories dont ils épousent selon les thèmes les attitudes pro ou anti européennes : avec les premiers, ils partagent l’ouverture aux autres, les politiques communes, l’influence et l’appartenance ; avec les seconds, la défiance et la déception à l’égard de l’UE doublée de méconnaissance et d’éloignement. Ce 3ème groupe des neutres possède des caractéristiques sociologiques propres : plus féminin, plus classe moyenne et plus jeune que la moyenne.
  • dans la dernière partie, les auteurs proposent des explications du rapport ambivalent des Français à l’Europe : reprenant des études antérieures, ils invoquent le projet européen perçu par de nombreux Français, dans une logique nationale de projection comme un instrument au service de la France ou comme un miroir déformant de « l’exception française ».  Cela les conduit à mettre en valeur les traits culturels spécifiques français : une culture politique unitaire peu encline au compromis et à la coalition, fondements de la pratique institutionnelle européenne, une forte défiance voire une hostilité au libre-échange, au marché et à la concurrence avec valorisation du rôle de l‘Etat, des  réticences voire un  refus de l’élargissement de l’Union synonyme de remise en cause de l’Europe comme « une France en plus grand ».

Cette lecture stimulante, parce qu’elle fournit des clés de compréhension de la relation complexe des Français à l’Europe, doit inciter les europhiles français à expliquer, encore et toujours, à leurs concitoyens sceptiques que le projet européen repose sur l’altérité partagée.

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