L’Europe, un « nain dans le domaine spatial »  ! Vraiment ?

© EC- Service audiovisuel – ESA – 2016

L’Europe, un « nain dans le domaine spatial »[1] !

L’intérêt en Europe pour le spatial est ancien. Dès les années 1950, quelques Etats européens de l’Ouest, la France, l’Italie et le Royaume-Uni,  investissent dans le développement du secteur spatial. Ainsi, la France lance-t-elle son premier satellite AI surnommé Astérix en 1965. Dans le même temps, une coopération intergouvernementale s’établit au début des années 1960 et aboutit à la création du Conseil européen de recherches spatiales pour les satellites scientifiques (ESRO)  et du Centre européen pour la construction de lanceurs d’engins spatiaux (ELDO). Mais les résultats peu probants, avec notamment l’échec du lanceur Europa, convainquent 11 pays européens de fonder en 1975, l’Agence spatiale européenne (ESA) qui prend notamment en charge le développement des lanceurs Ariane. (Ariane 1 est lancée en décembre 1979).

Les liens entre la Communauté européenne et l’Agence spatiale européenne (ESA) se tissent dans les années 1990 pour déboucher sur la définition d’une stratégie spatiale commune en 2000,  d’une politique spatiale commune en 2003 et, un an plus tard, sur un accord prévoyant que des programmes spatiaux financés par l’UE seront développés en collaboration avec l’ESA.

On le voit, le spatial européen repose sur 3 acteurs :

  • 1er acteur, les Etats qui, lorsqu’ils en ont les moyens ou la volonté politique, développent des programmes nationaux notamment militaires et, pour les réaliser, s’appuient sur leurs universités et centres de recherche et sollicitent leurs capacités industrielles. Mais les Etats sont aussi force de proposition et, en général, ils sont à l’origine des initiatives spatiales européennes : qu’on songe à la France avec le CNES, centre national d’études spatiales et le programme Ariane.
  • le 2ème acteur, c’est l’Agence spatiale européenne (ESA) : intergouvernementale et indépendante, elle compte aujourd’hui 22 membres parmi lesquels 3 ne sont pas membres de l’UE (Norvège, Suisse et Royaume-Uni). Bien que n’en faisant pas partie, 8 Etats membres[2] et le Canada sont associés à certains programmes. La mission de l’ESA est « d’assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre Etats européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiale et de leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques et pour des systèmes spatiaux opérationnels d’applications« . L’ESA est donc le maître d’ouvrage des programmes décidés par ses membres ainsi que des composantes spatiales des programmes de l’UE, par convention signée avec cette dernière.
  • le 3ème acteur, l’Union européenne, ne le devient, à part entière, qu’en 2009 avec le traité de Lisbonne qui stipule dans son article 189 : « afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre de ses politiques, l’Union élabore une politique spatiale européenne. A cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l’exploration et l’utilisation de l’Espace ».

Thomas Pesquet, astronaute de l’Agence spatiale européenne, au cours de son séjour de six mois, va réaliser de nombreuses expériences scientifiques en apesanteur pour le compte de la France et pour l’ESA dont certaines commanditées par l’Union européenne.

Les réalisations spatiales de l’UE ne se réduisent pas à ces expériences scientifiques.

L’UE, de 2014 à 2020, a développé trois programmes phares qu’elle a financés à hauteur de 12 milliards € :

  • EGNOS (Service Complémentaire Européen de Navigation par Satellites Géostationnaires), ouvert au service en 2009, repose sur plus de 40 stations au sol et trois satellites géostationnaires. Il est principalement utilisé pour des applications délicates telles que le guidage des avions ou des bateaux à travers des couloirs étroits.
  • Galileo : en 2011, ont été lancés les deux premiers satellites d’un système européen de positionnement par satellites (géolocalisation) qui comportera une trentaine de satellites en constellation quand sa capacité sera complète en 2021. Opérationnel depuis 2016, plus précis que son concurrent américain, le GPS, Galileo, était, fin 2019, utilisé par un milliard de terminaux.
  • Copernicus : créé en 2011, sous un autre nom, Copernicus est le système d’observation de la Terre le plus avancé au monde. Il est basé sur des satellites d’observation et des capteurs in situ (stations au sol, capteurs aéroportés et maritimes).

Aujourd’hui, l’UE affiche une ambition spatiale nouvelle.

Elle y est contrainte tant l’évolution dans le domaine spatial est rapide. La concurrence entre Etats y est de plus en plus vive avec, notamment, l’arrivée de la Chine et de l’Inde et la participation du secteur privé s’affirme : pour rejoindre la station spatiale internationale (ISS), Pesquet a pris place dans la capsule Crew Dragon propulsée par la fusée Falcon 9 de Space X entreprise privée créée par Elon Musk, patron de Tesla. Par ailleurs, l’association des données spatiales et des technologies numériques ouvre de nombreuses perspectives commerciales.

La réponse de l’UE pour la période 2021-2027 est double :

  • d’une part, proposé en 2018, un programme spatial intégré qui regroupe toutes les activités de l’UE avec définition d’un cadre cohérent pour les investissements. Dans ce but, la Commission a souhaité la création de l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA), création entérinée fin avril 2021 avec Prague pour siège ;
  • d’autre part, un budget en augmentation : 14,8 milliards d’euros avec 9 milliards € pour Galileo et EGNOS,  5,4 pour Copernicus  et 442 millions pour les programmes SSA de surveillance des objets naturels et artificiels dans l’espace et Govsatcom de sécurisation des communications intergouvernementales par satellite.

A l’évidence, on assiste à une accélération de la politique spatiale européenne et ce « réveil de l’Europe »[3] paraît suffisamment marqué pour faire de l’Union un acteur majeur dans l’espace.


[1] La formule est empruntée au titre d’un article du Taurillon, 20 décembre 2020

[2] Bulgarie, Chypre, Croatie, Lettonie, Lituanie, Malte, Slovaquie et Slovénie

[3] Espace, le réveil de l’Europe, note février 2020, Institut Montaigne

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