L’Union européenne et l’intelligence artificielle

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« L’Europe prend chaque jour un peu plus de retard »[1] !  Vraiment ?

Rapidement dit, l’intelligence artificielle (IA) est un type de programmes informatiques qui combinent données, algorithmes et puissance de calcul.

Les applications et les avantages de l’IA sont multiples : pour les citoyens, des soins de santé de meilleure qualité, des transports plus sûrs et des services publics améliorés ; pour les entreprises, des produits et des services innovants, par exemple dans les domaines de l’énergie, de  la sécurité, une productivité accrue et une fabrication plus efficace ; pour les pouvoirs publics, des services moins chers et plus durables, dans les domaines des transports, de l’énergie et de la gestion des déchets notamment.

Cela explique que l’Union s’intéresse à l’IA depuis plusieurs années. En avril 2018, la Commission Juncker et les Etats définissent des stratégies européenne et nationales. A la fin de la même année, un « plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle », crée un environnement propice aux partenariats public-privé et aux réseaux  de recherche et innovation. A la fin de l’année 2019, lors de sa prise de fonction, la nouvelle Présidente de la Commission annonce qu’elle fait de l’adaptation de l’Europe à l’ère du numérique une de ses priorités avec un effort tout particulier pour les investissements en matière d’IA.  En février 2020, la Commission publie un Livre blanc sur l’intelligence artificielle, « Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance ». En octobre 2020, le Parlement européen adopte à une très large majorité une initiative législative invitant la Commission à mieux encadrer l’intelligence artificielle. Enfin, en avril 2021, après une consultation publique à laquelle ont participé durant le premier semestre 2020,  près de 1 200 entités, la Commission dévoile son projet d’un nouveau cadre règlementaire relatif à l’IA et présente une version actualisée du plan coordonné de 2018.

Si l’IA offre des bénéfices incontestables, elle n’en présente pas moins des risques pour les valeurs et les droits fondamentaux de l’Union européenne comme la liberté d’expression, la dignité, la non-discrimination… Ces menaces potentielles constituent un facteur de défiance des citoyens à l’égard de l’IA. Il convient donc de doter l’Union d’un cadre règlementaire qui garantisse la protection des droits fondamentaux, la sécurité des utilisateurs et qui donne confiance dans le développement et la diffusion de  l’IA. Cette ambition d’une IA digne de confiance repose sur une approche par le risque. La Commission distingue quatre niveaux de risques susceptibles d’être générés par les systèmes d’IA :

  • le risque inacceptable quand il y a menace évidente pour la sécurité, les moyens de subsistance et les droits des personnes, par exemple la notation sociale par des Etats comme en Chine. Tous les systèmes relevant de cette catégorie seront interdits.
  • le risque élevé : cela concerne les technologies IA utilisées dans divers domaines comme :
    •  les infrastructures critiques, par exemple les transports, où il peut y avoir mise en danger de la vie et de la santé des citoyens ;
    • dans l’éducation ou la formation professionnelle, où, par la notation d’épreuves d’examens par exemple, elles peuvent déterminer l’accès à l’éducation et le parcours professionnel d’une personne ;
    • dans le domaine de l’emploi, de la gestion des travailleurs avec, par exemple, le recours à des logiciels de tri des CV dans les procédures de recrutement ;
    • dans les services publics et privés essentiels avec, par exemple, l’évaluation du risque de crédit qui peut priver des citoyens de la possibilité d’obtenir un prêt ;
    • dans la gestion de la migration, de l’asile et des contrôles aux frontières mais aussi dans le maintien de l’ordre, l’administration de la justice, etc.

Pour être mises sur le marché ces technologies IA devront répondre à des exigences strictes en termes d’évaluation, d’information, d’enregistrement. Ce sera particulièrement le cas pour les technologies d’identification biométrique à distance comme la reconnaissance faciale.

  • le risque limité concerne les systèmes d’IA auxquels s’appliquent des obligations spécifiques en matière de transparence comme avertir l’utilisateur d’un programme conversationnel (chatbot) qu’il dialogue avec une machine.
  • le risque minime intéresse la majorité des systèmes d’IA (jeux vidéo, filtres anti-spam..) qui ne menacent en rien les droits ou la sécurité des citoyens. Pour ces systèmes, aucune intervention de l’UE n’est prévue.

L’application des nouvelles règles dont la mise en œuvre sera facilitée par la création d’un comité européen de l’intelligence artificielle, incombera aux autorités nationales.

Le plan actualisé de 2021 est le fruit de la révision du plan coordonné sur l’IA de 2018. Au service de l’excellence, il propose des actions concrètes à mener en collaboration avec les Etats membres pour répondre à la double priorité numérique et écologique de l’Union, tout en prenant en compte les nouveaux défis posés par la pandémie de coronavirus. Pour cela, il préconise d’accélérer les investissements dans l’IA : la Commission envisage d’injecter 1 milliard d’euros par an dans ses programmes Europe numérique et Horizon Europe et d’attirer 20 milliards annuels d’investissements dans l’IA. Elle envisage de mettre en place pour l’IA un partenariat public-privé, des réseaux supplémentaires de centres d’excellence, des pôles d’innovation numérique, une plate-forme ressources.

Par ailleurs,  un nouveau règlement « machines et équipements » allant des robots aux lignes de production industrielle en passant par les tondeuses à gazon, les imprimantes 3D et les engins de chantier est proposé afin d’offrir toute la sécurité requise aux utilisateurs et aux consommateurs, d’encourager l’innovation mais aussi d’alléger les contraintes administratives et financières qui pèsent sur les fabricants.

Ainsi que le déclare Thierry Breton, le 21 avril 2021 : « Les propositions présentées aujourd’hui visent à conforter la position de l’Europe en tant que pôle mondial d’excellence dans le domaine de l’IA, du laboratoire au marché, à faire en sorte que, en Europe, l’IA respecte nos valeurs et nos règles et à exploiter son potentiel à des fins industrielles.»


[1] Déclaration du professeur émérite Luc Steels, l’un des pionniers de l’IA en Belgique dans DE STANDAARD-BRUXELLES  rapporté par Courrier international du 21.4.2021

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