L’Union européenne impose le glyphosate !  Vraiment ?

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Rappelons qu’avant d’être autorisée dans l’Union européenne, une substance active, qui contribue à la fabrication du produit final c’est à dire le pesticide, est soumise à une procédure scientifique extrêmement rigoureuse. L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), en coopération avec les autorités compétentes de tous les États membres, passe en revue les études scientifiques disponibles avant de donner son avis à la Commission européenne[1]. Cette dernière présente ensuite aux États membres une proposition d’approbation – ou non – de cette substance et ce sont les États membres qui décident s’il y a lieu d’adopter ou non la proposition de la Commission.

S’agissant de l’utilisation du glyphosate dans l’Union, l’autorisation a été renouvelée en 2017 pour 5 ans[2] sur fond de rudes batailles d’expertise scientifique à forte résonance médiatique et politique[3]. Notons que possibilité est laissée aux autorités nationales d’encadrer les conditions de vente – accès libre ou pas -, de décider les restrictions éventuelles d’utilisation voire d’interdire l’usage de produits mis en vente dans leurs pays. Ainsi le Luxembourg en a, fin 2020, interdit la commercialisation avant de la rétablir en 2023 ; en France, en novembre 2017, le président Macron avait pris l’engagement de « sortir du glyphosate d’ici trois ans  », avant de revenir en partie sur sa promesse pour «  ne pas pénaliser les agriculteurs français ».

Cette autorisation a été prolongée d’un an jusqu’en 2023 pour cause d’évaluation scientifique complémentaire menée sous l’égide de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Dans son rapport publié début juillet, l’EFSA n’identifie pas de « domaine de préoccupation  critique » non sans signaler que des données fournies présentaient des lacunes. Une telle conclusion confirme l’avis émis en 2022 par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). C’est donc sans surprise que la Commission a suivi le régulateur et proposé le renouvellement de l’autorisation jusqu’en 2033 arguant que « On ne peut pas s’attendre à ce que, à court terme, suffisamment de nouvelles informations soient accumulées pour aboutir à un résultat différent ».

Cette autorisation décennale est assortie de mesures d’atténuation des risques dans les zones de pulvérisation : des bandes tampons de 5 à 10 mètres et des équipements permettant de réduire drastiquement les dérives de pulvérisation. Par ailleurs, l’usage pour la dessiccation (épandage de glyphosate pour sécher une culture avant la récolte) est désormais interdit.

En outre, la Commission appelle les Etats chargés de délivrer les autorisations à l’échelle nationale à faire montre d’ « une attention particulière aux effets sur l’environnement » en fixant des conditions d’utilisation qui prennent en compte les spécificités géographiques locales, climatiques et autres.

Les Etats devront veiller à la protection des eaux souterraines susceptibles d’être exposées par le biais de l’infiltration comme des eaux de surface, notamment celles utilisées pour le captage d’eau potable. Les Etats seront tenus d’examiner les « co-formulants » (composants présents dans les herbicides autorisés) et d’évaluer l’exposition des consommateurs aux « résidus » potentiellement présents dans les cultures successives effectuées en rotation. Ils devront veiller à la protection des eaux souterraines ou de surface et « prêter attention » à l’impact sur les petits mammifères. S’ils identifient des effets indirects sur la biodiversité, ils devront examiner si d’autres méthodes de protection des cultures sont possibles, et pourront adopter des restrictions le cas échéant.

La proposition de la Commission a été examinée le 13 octobre par le Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires pour animaux (comité PAFF)[4]. La majorité qualifiée pour adopter ou refuser la proposition de la commission devait rassembler 55 % des Etats membres représentant 65 % de la population de l’UE. Du fait de l’abstention de plusieurs pays dont la France et l’Allemagne, cette majorité n’a pu être atteinte. En conséquence, la décision est reportée et un nouveau vote interviendra en novembre.

Nul doute que la publication le 6 septembre ; d’une étude sur de potentiels risques sanitaires inattendus de l’herbicide controversé montrant un lien entre l’exposition au glyphosate et un marqueur biologique de dégâts neurologiques le NfL[5] a pesé dans la décision.


[1] Reproche est fait à l’EFSA, comme à l’agence de produits chimiques (ECHA), de s’appuyer prioritairement sur les études confidentielles effectuées par les industriels.

[2] La durée habituelle de 15 ans était initialement prévue.

[3] En 2015, le glyphosate a été classé comme « cancérogène probable » pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le vote a été acquis par 18 voix pour, 9 contre et une abstention.

[4] Le comité PAFF est composé de représentants de tous les pays de l’UE et présidé par un représentant de la Commission européenne.

[5] Le NfL (« neurofilaments à chaîne légère ») est un marqueur des lésions neuronales caractéristiques de plusieurs pathologies telles les maladies d’Alzheimer, de Parkinson, la sclérose en plaques ou encore la maladie de Charcot.

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