L’Union européenne n’a pas de politique migratoire ! Vraiment ?

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Si l’on en croit les médias et bon nombre de responsables politiques, en matière migratoire, seuls les Etats agissent. Est-ce à dire que l’Union est aux abonnés absents dans ce domaine ?

Dans le domaine migratoire, l’Union intervient mais cette intervention est récente et s’est construite par étapes :

  • Dans le traité de Rome, est inscrit le principe de la libre circulation des travailleurs communautaires dans l’espace de la CEE. Elle n’est réellement appliquée qu’en 1968 et dans les années suivantes est déclinée en droits : droit à l’égalité de traitement avec les nationaux, droit de demeurer dans le pays d’accueil et d’y rester après une période d’activité.
    Durant ce premier moment, chaque Etat gère les flux migratoires internationaux : en France, s’agissant des flux de main d’œuvre, c’est l’Office national de l’immigration qui s’en charge ; la protection des réfugiés relève de l’OFPRA (1952) Office français de protection des réfugiés et des apatrides, en conformité avec la Convention de Genève (1951) pour le statut des réfugiés complétée par le protocole de New York en 1967, la convention de New York (1954) pour le statut des apatrides et la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (1959).
  • Dans les années 1980, se met en place une coopération intergouvernementale avec deux innovations :
    • hors cadre communautaire, en 1985 est signé à cinq l’accord de Schengen avec convention d’application en 1990 et entrée en application en 1995. Entre autres mesures, l’accord porte sur l’harmonisation des conditions d’entrée et de visas pour les courts séjours ; il met en place une coopération des Etats signataires pour la surveillance des frontières et crée un système informatique commun permettant la fourniture automatique du signalement des personnes recherchées,
    • dans le cadre communautaire, deux initiatives sont prises :
      • en 1990, la Convention de Dublin signée à douze vise à déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile dans le but d’empêcher les demandes multiples ;
      • en 1992, le traité de Maastricht, dans un contexte de poussée immigratoire liée notamment aux guerres yougoslaves (4,6 millions de réfugiés), inscrit l’immigration au rang des « questions d’intérêt commun » mais elle continue à relever du domaine intergouvernemental et de la règle de l’unanimité au sein du Conseil.
  • Au tournant des années 1990, la communautarisation de la politique migratoire par l’inclusion de certaines questions dans le champ communautaire s’effectue en deux temps :
    • le traité d’Amsterdam (1997-1999) intègre l’acquis Schengen et transfère à l’UE les questions relatives aux visas, à l’asile et à l’immigration avec prééminence du Conseil (la Commission propose, le Parlement est consulté). Dans la lancée et à la suite de plusieurs sommets, une politique migratoire se déploie dans les années 2000 avec d’une part, en 2004 la création de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’UE (Frontex) et, d’autre part, alors que la problématique des clandestins devient prégnante, l’adoption de directives portant sur la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement, sur des vols communs pour l’expulsion des ressortissants des États tiers en séjour irrégulier et en 2008 la directive retour pour le renvoi des étrangers en situation irrégulière ;
    • le traité de Lisbonne (2007/2009) fait de l’immigration une compétence partagée entre UE et Etats membres avec recours à la procédure de codécision (procédure législative ordinaire) : la Commission propose, le Conseil (avec majorité qualifiée) et le Parlement légifèrent.

De quoi est faite, la politique migratoire européenne ? La réponse est dans le titre V du TFUE : L’espace de liberté, de sécurité et de justice, chapitre 1, article 67 : 

« L’Union développe une politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre États membres et qui est équitable à l’égard des ressortissants des pays tiers.»

  • En matière d’asile, il s’agit d’offrir un statut approprié à tout ressortissant d’un pays tiers nécessitant une protection internationale, d’assurer le respect du non-refoulement et de mettre en place un régime d’asile européen commun en conformité avec les conventions internationales. La compétence est partagée pour de nombreux aspects : statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire en cas de non-obtention du statut de réfugié, protection temporaire en cas d’afflux massif (ex les Ukrainiens), procédures communes octroi ou retrait, critères pays responsable (convention de Dublin) etc. mais il est prévu qu’en situation d’urgence, le Conseil décide sur proposition de la Commission, le Parlement n’étant plus que consulté.
  • En matière d’immigration, les objectifs sont d’assurer une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier, de prévenir l’immigration illégale et de lutter de manière renforcée contre la traite des êtres humains. Mais chaque Etat fixe le volume de son accueil et l’Union ne fait qu’appuyer l’action des Etats membres en faveur de l’intégration des ressortissants des pays tiers en séjour régulier à l’exclusion de toute harmonisation des mesures législatives et règlementaires entre les Etats membres.
  • En matière de contrôle des frontières extérieures, il convient de surveiller efficacement le franchissement des frontières extérieures et de mettre en place un système intégré de gestion des frontières extérieures. En compétence partagée, de nombreux aspects : les visas et autres titres de séjour de courte durée, les conditions dans lesquelles les ressortissants des pays tiers peuvent circuler librement dans l’Union, les contrôles auxquels sont soumises les personnes franchissant les frontières extérieures etc.

La mise en musique de la politique migratoire de l’UE intervient dans la lancée du traité de Lisbonne avec en 2008 le premier « Pacte européen sur l’immigration et l’asile ».

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