Scrutins électoraux d’automne dans l’UE

© EC – Service audiovisuel – 2021 – Aurore Martignoni

Durant les mois de septembre et octobre 2022, des élections nationales, certaines anticipées, se sont déroulées dans six Etats membres :

  • le 11 septembre, en Suède, se sont tenues des élections générales (législatives), régionales et municipales ;
  • le 26, les Italiens ont désigné leur Parlement (Sénat et Chambre des députés) ;
  • le 1er octobre, les électeurs lettons ont renouvelé leur Parlement ;
  • le 2 octobre, en Bulgarie, suite à la chute du gouvernement, les électeurs sont retournés aux urnes pour la 4eme fois en 2 ans ;
  • le 9 octobre, en Autriche, s’est tenue l’élection présidentielle ;
  • le 23 octobre, les Slovènes à leur tour ont désigné leur président ;
  • enfin le 1er novembre, de façon anticipée, les Danois éliront leurs députés.

Ces scrutins,  organisés dans un contexte difficile, constituent un précieux baromètre sur l’état de l’opinion publique européenne.

Parmi ces scrutins, certains, les législatifs, renseignent plus que d’autres. Dans  deux pays, la Suède et l’Italie, les élections législatives ont fait l’objet d’une attention inquiète quant au score de l’extrême-droite eurosceptique voire europhobe.

En Suède,  les électeurs devaient choisir entre la reconduction de la coalition de gauche sortante emmenée par le parti social démocrate et une coalition de droite formée des modérés (conservateurs), des libéraux, des chrétiens-démocrates et du parti populiste de droite, les Démocrates de Suède (SD). Issu d’un groupe néonazi, cette dernière formation,  jusqu’en 2020, était tenue à distance par la droite.

A l’issue d’un scrutin très serré[1], les électeurs suédois ont donné une très légère avance à la coalition de droite et au sein de cette dernière, ont placé les Démocrates de Suède, en tête[2].  Le succès de cette formation, outre une dédiabolisation entreprise depuis 2005 et réussie par son dirigeant Jimmie Åkesson, tient à la prégnance dans la campagne des thèmes de prédilection du SD l’insécurité et l’immigration amalgamées.

Durant la campagne électorale, devant l’opposition des libéraux et en dépit du souhait majoritaire de l’électorat droitier suédois, le chef des modérés (conservateurs) Ulf Kristersson a martelé qu’il excluait la participation du SD au gouvernement tout en acceptant par avance son soutien au parlement.

Le 19 septembre, il a été chargé de former le gouvernement.

Le 14 octobre, après un mois de négociations très serrées, les trois partis de droite  ont annoncé la formation d’un gouvernement qui bénéficiera de l’appui du SD. Bien que privé de portefeuille ministériel, ce dernier se retrouve au centre du jeu  politique par ses thématiques reprises dans l’accord programmatique de la coalition et par le soutien parlementaire indispensable pour la survie du gouvernement.

En Italie, la 4ème crise politique en quatre ans, s’est soldée le 14 juillet par la chute du gouvernement d’unité nationale[3] formé par Draghi en février 2021, suivie, quelques jours plus tard de la dissolution du Parlement et de la convocation d’élections législatives anticipées fin septembre.

Durant l’été deux coalitions se sont formées :

  • l’une, l’alliance de centre-droit réunit les forces de droite, Forza Italia de Berlusconi, la Lega (Ligue) de Salvini et Fratelli d’Italia de Meloni, un parti post-fasciste créé en 2012 dans la filiation lointaine du Mouvement social (MSI), parti néofasciste fondé en 1946 et de l’Alliance nationale (AN) de Fini qui lui a succédé
  • l’autre, l’alliance de centre-gauche,  rassemblant incomplètement les forces de gauche et du centre emmené par Enrico Letta : Parti démocrate (PD), Démocrates Europa + d’Emma Bonino, Europa verde, Engagement civique (IC) de Luigi Di Maio et l’Alliance verts et gauche (AVS).  Hors coalition, le Mouvement 5 étoiles emmené par Giuseppe Conte fait cavalier seul.

Durant la campagne, brève mais intense, les sondages placent en tête sans discontinuer la coalition de droite avec une dynamique puissante principalement en faveur de Fratelli d’Italia. Sa dirigeante, Giorgia Meloni joue surtout du registre  ultra conservateur : défense des valeurs traditionnelles, « Oui à la famille naturelle, non au lobby LGBT ! Oui à l’identité sexuelle, non à l’idéologie du genre ! Oui à la culture de la vie, non à l’abîme de la mort ! »[4] ; dénonciation de l’« islamisation » de l’Italie et lutte contre l’immigration. Elle tente aussi de gommer l’euroscepticisme de sa formation : « Mon parti n’a pas d’aile anti-européenne »[5] sans y parvenir pleinement : « Si je gagne, pour l’Europe, la belle vie , c’est terminé, l’Italie se fera respecter »[6].

Au soir du 26 septembre, sur fond de participation en forte baisse (- 10 % à 64 %), les résultats confirment  les sondages : la coalition de droite l’emporte avec 44 % des suffrages contre 26 % pour la coalition de gauche et une double majorité absolue, à la Chambre des députés avec 235 sièges sur 400 et au Sénat avec 111 sièges sur 200. Une surprise néanmoins, le score plus élevé qu’attendu de Fratelli d’Italia (26 %) et celui beaucoup moindre des deux autres composantes de la coalition (8 %)  qui perdent la moitié de leurs électeurs. Enfin, le M5, isolé, conserve cependant un socle de 15 %, loin, il est vrai des 32 % de 2018.

Au lendemain d’une victoire éclatante, G. Meloni a revendiqué le poste de chef du gouvernement et les négociations internes pour la répartition des postes ministériels ont débuté. Parmi les obstacles, outre l’acceptation par Salvini et Berlusconi du leadership d’une femme, qui plus est, sans expérience gouvernementale, de profondes divergences existent sur le soutien à l’Ukraine qu’elle a réitéré et sur les sanctions antirusses qu’elle appuie à la différence du « poutinophile » Salvini.

Les scrutins suédois et italien marqués par une poussée de l’extrême droite en Europe, remettent-ils en cause le projet européen ?

Dans les deux pays, l’Union européenne n’a pas été un thème majeur de campagne. Souverainistes et antifédéralistes, critiques du fonctionnement de l’Union, le SD comme Fratelli d’Italia n’en sont pas pour autant favorables à la sortie de l’Union[7].

Mais nationalistes (« patriotes » ainsi qu’ils se désignent) avant tout, ils font primer les intérêts de leur pays et manifestent un faible attachement aux  valeurs européennes. Or force est de constater que, dans le contexte de crise multiple que nous connaissons, ils ont, hélas,  l’oreille de beaucoup d’Européens.

Pour l’Union européenne l’enjeu est de moyen terme. En 2024, lors des prochaines élections européennes, si la dynamique populiste s’amplifiait, le risque est grand que les « patriotes » de l’ECR et d’ID (Identité et Démocratie – RN, Lega..) soient en capacité de bloquer le processus d’intégration européenne.


[1] Il a fallu 3 jours à la Commission électorale pour établir le résultat définitif.

[2] 20,5 % mais en 2ème position loin derrière les sociaux-démocrates 30,3 %.

[3] Seule formation à ne pas participer au gouvernement Draghi, le parti post fasciste Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) dirigé par Giorgia Meloni lors des élections précédentes en 2018, avait recueilli  4,26 % des suffrages !

[4] LE SOIR, 25 septembre 2022, www.lesoir.be

[5] Euractiv, 21 septembre 2022,  www.euractiv.fr

[6] Les Echos, 23 septembre 2022, www.lesechos.fr/

[7] Les 3 eurodéputés suédois du SD comme les 8 eurodéputés de Fratelli d’Italia appartiennent au groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), eurosceptiques mais  hostiles à la sortie de l’Union.

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